Azrou Kellal, où vivent les 36 familles d'origine nomade, sédentarisées, un seul bruit emplit l'air à longueur de journée, celui du concasseur qui grignote la roche derrière la colline à 200 m de là. Ce n'est pas le seul inconvénient pour les habitants établis en cet endroit désert, il y a deux ans. Au moment où nous nous rendons sur les lieux, un vent assez fort soufflant du nord rabat vers les habitations une épaisse poussière venant de la carrière toute proche, mais également des quatre autres carrières, dont la plus éloignée devait se trouver à 1 km, tout au plus. « C'est une zone de carrières », fait remarquer un responsable. C'est pourtant de l'autre côté de la route, à un jet de pierre, sur un terrain privé acquis par l'APC d'Ath Mansour, dont dépend le lieudit Azrou Kellal, que les autorités ont décidé de construire 36 logements dans le cadre du RHP pour ces familles. Le choix du terrain ne se révèle pas seulement désastreux à cause de la pollution et du danger matérialisé par les 5 carrières situées à proximité. Il l'est également pour les élèves contraints, pour se rendre à l'école qui se trouve à Rodha, à un déplacement de 6 à 7 km à l'aller et autant au retour. Quant aux jeunes, il n'ont d'autre perspective que celle que leur offrent ces carrières au titre d'ouvriers.Explication d'un responsable : « Les jeunes vivent des carrières. Ils veulent donc être logés tout près. » Mais les enfants scolarisés ? Rodha est trop loin pour eux. Justement au creux d'un vallon, nous croisons deux garçons. Le teint qu'ils arborent jure avec celui que donne en principe la vie au grand air. Mais l'air ici est trop chargé de particules de poussière pour être bon pour la santé. S'ils sont là, disent-ils, c'est parce qu'il n' y a pas classe aujourd'hui. Ils ont fait l'école buissonnière, voilà tout. Evoluant dans un milieu inculte, coupé complètement du monde, ils savent ce qui les attend dans une dizaine d'années. Comme une préfiguration de ce qui guette inexorablement ces deux enfants, deux jeunes assis sur le bord de la route. Ce même teint maladif, la même constitution malingre. Travaillent-ils ? Ils affirment que non, mais est-ce vrai ? Tout couverts de sueur et de poussière, ils ont l'air d'être sortis tout droit de la carrière juste à côté. Les maisons qu'ils vont habiter dans trois ou quatre mois leur paraissent petites, mais beaucoup plus confortables que les taudis qu'ils occupent actuellement. « D'ailleurs, font-ils remarquer, ils vont nous construire encore 25 autres. » Plus que le danger matérialisé par une trop forte pollution de l'air et les tirs à l'explosif pour casser la roche dans les carrières si proches (on parle, pour rassurer, d'orientation des tirs qui écarterait tout danger) est-ce sain, est-ce sage d'obliger ces familles à vivre en marge de la société et du progrès ? Nous aurions aimé connaître l'avis des responsables concernés, mais le téléphone d'Ath Mansour sonne toujours occupé et la direction de l'urbanisme et de la construction n'a pu nous recevoir sous prétexte qu'il y a réunion.