II l y a deux r�gimes possibles en d�mocratie : le r�gime parlementaire et le r�gime pr�sidentiel. En Alg�rie, nous subissons un r�gime pr�sidentiel de facto. A quoi pourrait donc bien servir une r�vision de la Constitution? Des voix, qui apparaissent comme tr�s au fait des priorit�s aff�rentes � une meilleure gestion du pays, s��l�vent sporadiquement pour dire l�urgence d�une telle consultation. Quant � savoir comment on va bien pouvoir s�y prendre pour transformer la volont� du pr�sident Bouteflika de modifier ou d�amender les articles de cette loi fondamentale � qu�il ne trouve pas � son go�t � en une attente pressante des Alg�riens, les jours � venir nous le diront probablement. Et de l� � ce que l�on pr�tende dans quelques semaines que toutes les populations ne sont plus obs�d�es que par cela, il n�y a qu�un empan que l�on n�h�sitera pas � franchir. Question essentielle s�il en est : pourquoi devrait-on revoir le contenu de la Constitution et en quoi celle-ci n�agr�e-t-elle pas le chef de l��tat ? Un super ministre, propuls� � la t�te d�un parti au pouvoir et qui ne roulerait que pour ce dernier, estime, affirmant qu�il n�a pas �t� mandat� par Bouteflika pour le dire, que beaucoup de choses devraient �tre retouch�es dans cette Constitution (adopt�e par r�f�rendum le 28 novembre 1996). Une loi des lois qui serait floue d�s lors qu�elle ne clarifierait pas assez, entre autres, �les pr�rogatives du pr�sident�. Et ce serait l� l�une des raisons essentielles qui militeraient en faveur d�une indispensable r�vision de celle-ci , comme le clame cet alli� de taille qui n�ignore rien des intrigues du s�rail ni du partage des t�ches qui s�effectue ponctuellement en son sein. L�important, en fait, serait de savoir si r�vision il y a � Bouteflika n�ayant jamais cach� son souhait de modifier la Constitution � sur quels th�mes pr�cis le pr�sident souhaiterait des am�nagements ? En parcourant les articles de la loi fondamentale r�serv�s aux pouvoirs du pr�sident de la R�publique (articles 70 � 97), on note pourtant que pas un seul domaine n��chappe � son intervention, qu�il s�agisse de la d�fense nationale, des affaires �trang�res, de la justice, de l��ducation ou de l�administration. Le premier magistrat du pays supervise tout. Il influe sur tout. En d�autres termes, il dirige ! Mieux, pour lui permettre d�intervenir et d�agir davantage encore, une partie du pouvoir l�gislatif lui est d�volue. Le chef de l��tat a l�initiative des lois, comme c�est le cas partout ailleurs. Mais entre les sessions de l�Assembl�e populaire nationale (APN), il peut l�gif�rer par ordonnances avec pour simple contrainte, celle de soumettre celles-ci � une prochaine session parlementaire tout en sachant que l�APN ne s�est jamais oppos�e au vote des ordonnances au risque de se voir dissoute. La loi sur les hydrocarbures ou celle sur la monnaie et le cr�dit sont pass�es par l� pour l�attester. La future conception du pouvoir pr�sidentiel dans la �nouvelle Constitution� viserait l�exercice par Bouteflika d�un pouvoir illimit�, l�autorisant � recourir sur quelque question que ce soit et � n�importe quel moment qu�il sera seul � d�terminer. Dans de telles conditions, il ne serait pas �tonnant de le voir imposer ses choix politiques et �conomiques, � la fois au gouvernement et � l�Assembl�e, sans obstacle aucun. Comme le dit fort bien le juriste El Hadi Chalabi : �M�me le r�f�rendum s�apparente au c�sarisme et non � la d�mocratie.� Et dans pareille situation, cela signifierait aussi, si l�on suivait toujours le raisonnement du m�me auteur que le chef du gouvernement ne serait qu�un �premier violon mais certainement pas un chef d�orchestre�. Le Premier ministre resterait surtout ce fusible que l�on peut faire sauter en toute circonstance d�o� le nom de �Constitution de coups d��tat� donn� par certains juristes. La Constitution consacre la citoyennet�. Si elle est foul�e aux pieds dans la n�gation du droit � acc�der � l�instruction, au travail, aux loisirs ou au logement, c�est l�an�antissement de ce citoyen pr�t � tout parce que n�ayant plus rien � perdre. Il se trouve, h�las, que semer les graines de la d�sesp�rance, est ce en quoi les hauts responsables de ce pays semblent le plus exceller. L�Alg�rie est un pays qui fabrique des desperados � la pelle. Des marginaux auxquels il arrive souvent de vouloir faire entendre violemment leurs revendications. Doit-on renoncer � croire que la Constitution soit cet ultime recours, cet unique instrument de protection du citoyen ? La culture de l��meute le prouve au quotidien. Il �tait pr�visible qu�apr�s un tel �succ�s �lectoral�, l�ent�tement du chef de l��tat � vouloir prolonger son r�gne s�accentuerait. Admettons que le pouvoir sans partage soit une id�e fixe chez ce dernier. M�me s�il m�nageait les rentiers du syst�me, Bouteflika sait qu�il ne pourra ind�finiment r�gner, sans une Constitution am�nag�e � la mesure de ses ambitions. Toutes les questions qui se posent aujourd�hui resteront � l�ordre du jour compte tenu des r�alit�s qui s�imposent � lui de fa�on r�currente. Le pr�sident, qui voudrait naviguer seul, s�opposera comme il le fait d�j� au multipartisme et � une opposition dont il ne fait aucun cas surtout depuis sa r��lection le 8 avril 2004. Passons sur les relations ambigu�s qu�il entretient avec l�arm�e ! Sachant les rapports en dents de scie que les deux parties cultivent en fonction d�int�r�ts individuels et non du pays, rien ne laisse supposer que le climat ira s�am�liorant. Le pouvoir �tant cet �norme plateau de fromage qui tourne et que chacun convoite, chacun ira de concessions illusoires en concessions fabriqu�es pour rendre l�image d�un �quilibre des forces destin� aux �ennemis de la patrie�. Quant � l�ascendant exerc� par le pr�sident sur l�appareil judiciaire, comment pourrait-on esp�rer, qu�ob�issant � des r�gles dont le but est de pr�munir le citoyen des atteintes � ses libert�s et � ses droits, celui-ci rende justice de fa�on impartiale ? �tre jug� suppose l�existence de faits prouv�s et av�r�s (exemple des cadres gestionnaires emprisonn�s puis acquitt�s). La lecture de proc�s- verbaux de police n�est pas une preuve mais une simple indication, une enqu�te pr�liminaire pour le juge d�instruction tenu de reprendre les �l�ments de celle-ci dans le menu d�tail. Or, qu�a-t-on fait � B�ja�a pour prot�ger les quatre nonje�neurs de l�intrusion de la police dans un lieu priv� ? La libert� de culte ne serait-elle pas garantie par la Constitution ? Le d�lit �moquerie publique � la religion� a �t� retenu contre 4 personnes qui n�ont pas offens� publiquement autrui. Le code p�nal pr�voit des sanctions en cas de profanation du texte sacr� (Coran) dans son article 160. Dans �moquerie publique� il y a le mot �publique�. Les je�neurs �taient � l�int�rieur d�un restaurant au rideau � moiti� baiss�. Les policiers n�avaient pas � en violer le caract�re priv�. Se sont-ils, en outre, seulement pos� la question de savoir si les personnes appr�hend�es �taient de confession autre que musulmane ? Elles auraient pu l��tre. La libert� de culte et de conscience ne permet-elle pas � chacun de pratiquer selon ses croyances ? On ne citera ni la discrimination entre les sexes, puisque la Constitution consacre l��galit� entre l�homme et la femme et que dans la r�alit� il n�en est rien, ni l�acc�s aux libert�s syndicales et d�expression que le pouvoir se fait fort de r�primer. Si la future Constitution ne r�pond pas � ces vraies questions � et elle ne le fera pas � elle confirmera l�id�e selon laquelle l��tat de droit ne se d�cr�te pas mais se traduit dans les faits. La gr�ce amnistiante et le limogeage de Bachir Boumaza de la pr�sidence du S�nat avant la fin de son mandat (l�article 102 de la Constitution �nonce que le mandat est de six ans) ont d�montr� que le pr�sident pouvait aller au-del� de la Constitution. En d�autres termes, la future Constitution sera accueillie � n�en pas douter dans l�indiff�rence, � la dimension de l�image que se renvoient l��tat et le citoyen. Une image r�v�lant le degr� de d�fiance d�un peuple � l��gard de ses gouvernants et de leurs pouvoirs.