�La patrie est � tous les citoyens, et la religion appartient � Dieu�. C�est par cette phrase paraphrasant feu Sa�d Zaghloul, fondateur du Wafd, premier parti politique �gyptien, que le pr�sident Moubarak a tent� lundi de reprendre la main face � la perc�e �lectorale des Fr�res musulmans, faisant pr�valoir la primaut� des principes de citoyennet� sur l�appartenance religieuse. Discours bien tardif quand on sait par ailleurs que le mot d�ordre �lectoral des Fr�res musulmans � �l�islam est la solution� d�j� exp�riment�e chez nous par l�ex-FIS � ne pouvait que trouver un �cho certain parmi une population appauvrie et sans rep�res, travaill�e par l�id�ologie islamiste. Comme un peu partout dans le monde arabe, l�Islam, en lieu et place des principes de d�mocratie et de l�Etat de droit, a servi de moyen de l�gitimation des pouvoirs en place. En Egypte, plus que dans les pays du Maghreb, dans son combat contre les nass�riens et la gauche �gyptienne, Anouar Sadate a r�form� la Constitution afin de s�attirer la bonne gr�ce des islamistes. L�article 2 de la Constitution stipule que �l�Islam est la religion de l�Etat� et que �les principes de la loi islamique constituent la source principale de l�gislation�. Dans un pays o� la r�islamisation de la soci�t� a �t� encourag�e par le pouvoir, gr�ce � cette disposition constitutionnelle, les journalistes et surtout les �crivains sont d�s lors passibles de poursuites judiciaires, de censure pour peu que leurs �crits ne plaisent pas � l�establishment r�actionnaire et religieux �gyptien. Nombreux sont les �crivains �gyptiens dont les �uvres ont �t� censur�es, d�autres comme Naguib Mahfouz ou du po�te Fouad Negm sont poursuivis en justice quand ils ne sont pas victimes de tentatives d�assassinat. M�me si les Fr�res musulmans s�abstiennent formellement de recourir � la violence, leurs discours et anath�mes lanc�s contre la gauche et les d�mocrates concourent � d�signer ceux-ci � la vindicte terroriste islamiste. C�est le cas, par exemple, de Mohamed Sa�d Al-Ashmawy, auteur de cette formule c�l�bre �Dieu voulait que l�Islam f�t une religion, mais les hommes ont voulu en faire une politique� qui d�bute son livre l�islam politique. Bien s�r, depuis le 11 septembre 2001, les islamistes �gyptiens ont opt� pour une logique d�int�gration au pouvoir et � la mondialisation n�o-lib�rale. Ils savent que Washington, emp�tr� en Irak, cherche d�sormais � s�appuyer sur l�islamisme dit mod�r�, pour contrer l�islamisme dit radical. D�o� son appui aux chiites religieux en Irak en d�pit de la volont� de ces derniers � vouloir instaurer une th�ocratie � l�iranienne. C�est d�ailleurs sur l�injonction de la Maison-Blanche que Hosni Moubarak a autoris� des candidats parrain�s par la confr�rie des Fr�res musulmans alors que celle-ci est th�oriquement interdite d�existence par la loi. Pire, cette politique autoritariste visant invariablement les islamistes dit mod�r�s et la gauche �gyptienne s�est traduite par un d�but d�alliance contre-nature entre les �fr�res� et certains d�mocrates �gyptiens en faveur des libert�s et du respect des droits de l�homme. La gauche �gyptienne est d�ailleurs sortie lamin�e de ce scrutin. Le parti de Khaled Mohieddine � dont le seul nom suffisait � mobiliser les foules � Al- Tadjamou� (Rassemblement) n�a eu que deux si�ges. Le Parti nass�rien de Diaeddine Daoud, figure de proue de l�opposition �gyptienne, qui n�a eu aucun �lu, a pratiquement disparu de la sc�ne politique� Pour les d�mocrates et la gauche, c�est le d�sarroi total. Au final, la politique autoritaire du r�gime de Moubarak n�a eu d�autre r�sultat que de renforcer l�islamisme. Ce dernier, qui compte dans ses rangs des milliardaires, mais qui parle au nom des pauvres, se pr�sente d�sormais comme la seule alternative au r�gime en place. De ce fait, l�exemple �gyptien est � m�diter.