Pour certains, il est l�avocat des causes perdues. Mais, lui, reste celui du droit inali�nable de tout �tre humain � �tre d�fendu. Quel qu�il soit : Carlos, Klaus Barbie, Ben Laden ou Saddam Hussein. Il aime les d�fis, qu�il se repr�sente certainement par ces magnifiques jeux d��checs qui ornent son bureau parisien o� il nous re�oit en arborant fi�rement la r�cente m�daille que lui a attribu�e l�Alg�rie pour son combat dans la d�fense des militants d�tenus durant la guerre d�Alg�rie. D�ailleurs, il ne s�emp�chera pas de l��voquer m�me si ce n��tait pas le but de notre visite. Ma�tre Verges �tait l�un des d�fenseurs de Saddam Hussein avant d��tre constitu� pour Tareq Aziz. Il nous en parle. Le Soir d�Alg�rie : Dans quelles circonstances avez-vous �t� constitu� pour la d�fense de Saddam Hussein ? Me Jacques Verges : J�ai eu un premier contact � Gen�ve avec le neveu de Saddam Hussein. Ensuite au Y�men, j�ai eu d�autres contacts avec d�autres membres de sa famille. Pourquoi le choix s�est port� sur moi ? Je n�en sais rien. A ce moment, en France, j�ai commenc� � me manifester. Exactement comme je le faisais durant la guerre d�Alg�rie, lorsqu�on me d�signait pour quelqu�un et que ce quelqu�un �tait d�tenu au secret, c�est-�-dire que je proc�de � une alerte afin d��viter une issue fatale. Donc, � ce moment-l�, un groupe d�avocats � Amman, d�sign� par sa fille, a contest� ma d�signation en disant qu�ils avaient �t� d�sign�s avant lui. Cela ressemblait � une bataille de demandeurs d�emploi, alors je me suis mis en stand-by. Ensuite, j�ai appris que cette �quipe compos�e d�avocats jordaniens et un avocat fran�ais avait �t� vir�e. Plus tard, j�ai appris que le proc�s avait lieu avec des avocats irakiens. L. S. A. : Quel commentaire faites-vous � propos de ce proc�s ? Me J. V. : C�est un proc�s bidon. C�est un proc�s scandaleux. D�abord, quel est le titre de ce tribunal � juger Saddam Hussein qui n�a pas �t� renvers� � la suite d�un vote d�mocratique mais � la suite d�une invasion. Ensuite, et deuxi�mement, les statuts de ce tribunal ont �t� faits par les forces d�occupation. Manifestement, ce proc�s a lieu quasiment � huis clos avec un public compos� de policiers. Les inculp�s ont dix avocats dont deux sont d�j� morts et un troisi�me � l�h�pital... De plus, le pr�sident du tribunal a d�missionn�. On ne peut pas dire que ce sera un proc�s tr�s r�gulier. L. S. A. : Pourquoi, selon vous, le premier pr�sident du tribunal a-t-il d�missionn� ? Me J. V. : Je ne peux pas r�pondre � sa place, cela sera de la devinette. Manifestement, il y a un probl�me. Quand un pr�sident de tribunal d�missionne, c�est qu�il estime qu�il n�a pas les conditions pour exercer d�une mani�re honorable ses fonctions de pr�sident. L. S. A. : Quelles appr�ciations faites-vous � propos de la d�fense de Saddam Hussein ? Me J. V. : Je n�ai pas � juger. Non seulement je ne suis pas d�sign�, mais je ne suis pas pr�sent. L. S. A. : Quelle issue voyez-vous � cette situation ? Me J. V. : Un proc�s se faisant dans ces conditions, je ne vois pas comment on �vitera la peine capitale ; c�est le moyen de se d�barrasser du prisonnier. Ce que je remarque surtout, c�est qu�on reproche au gouvernement irakien beaucoup de choses mais dans ce proc�s on ne retient que des �v�nements qui ont eu lieu il y a plus de vingt ans, alors que les Occidentaux ne sont pas m�l�s directement � l�affaire. Ensuite, tout ce qu�on reproche � M. Saddam Hussein, les Occidentaux y sont m�l�s. L. S. A. : Vous �tes aussi d�sign� pour la d�fense de Tareq Aziz... Me J. V. : J�ai �t� d�sign� d�abord par son fils, ensuite par lui-m�me et par l�interm�diaire de son avocat irakien qui est venu me voir � Paris et qui m�a confirm� que j��tais le seul avocat, � l��tranger de M. Tareq Aziz, que j�avais d�j� rencontr� plusieurs fois, lors de la p�riode de l�embargo � l�occasion de conf�rences � Baghdad. M. Tareq Aziz me conna�t. L. S. A. : Est-il poursuivi pour crime contre l�humanit� ? Me J. V. : Je pense que les crimes contre l�humanit� sont ceux qui sont commis actuellement en Irak par les forces d�occupation. D�autre part, je pense que dans le droit pr�tendument d�mocratique, tout accus� est pr�sum� innocent jusqu�� ce qu�un jugement dans des conditions �quitables soit rendu. Il ne me semble pas que les conditions de ce tribunal sont parfaitement �quitables. L. S. A. : Quel sera, selon vous, l�issue de ce proc�s ? Me J. V. : Je ne peux pas faire de devinettes... Je pense qu�on veut le faire taire. L. S. A. : Le faire taire ? Mais il y a une forte pr�sence de m�dias... Me J. V. : Les m�dias suivent du proc�s ce qu�on veut bien les laisser voir. L. S. A. : Quelle d�marche avez-vous entreprise pour la d�fense de Tareq Aziz ? Me J. V. : J�ai �crit aux cinq membres permanents du Conseil de s�curit�, il y a d�j� plusieurs mois. J�ai re�u des r�ponses au nom de l�ambassadeur d�Angleterre, d�un conseiller du pr�sident Chirac, et de l�ambassadeur de Russie. L�ambassadeur d�Angleterre m�a transmis la position du gouvernement anglais selon laquelle tout allait se passer r�guli�rement. L�ambassadeur de Russie m�a fait parvenir un document disant que les Russes veillaient � ce que les choses se passent normalement et que c�est ce qu�on leur avait promis. Les Fran�ais m�ont dit que le gouvernement irakien est partie prenante � l�accord international sur le respect des droits de la d�fense. Cet accord pr�voit que parfois on peut ne pas appliquer compl�tement les r�gles mais qu�ils font pr�venir les parties contractuelles, cela n�a pas �t� fait. Actuellement, j�ai �t� inform� par t�l�phone de la part de mon confr�re irakien sur place que M. Tareq Aziz �tait dans un �tat de sant� tr�s dangereux avec une h�morragie c�r�brale. Il ne re�oit pas les soins qu�il devrait recevoir. Donc je vais sensibiliser une nouvelle fois les membres permanents du Conseil de s�curit� que j�ai d�j� alert�s une premi�re fois. L. S. A. : Comment se pr�pare ce proc�s ? Me J. V. : On ne peut pas pr�voir ce qui va se passer �tant donn� la confusion qui r�gne en Irak. Je ne suis m�me pas s�r que les forces d�occupation savent ce qu�elles vont faire. J�ai d�j� demand� il y a longtemps un visa que je n�ai pas eu. Ceci �tant, je peux � l�ext�rieur alerter l�opinion parce que je pense que dans ce genre de proc�s c�est l�opinion internationale qui peut exercer une influence sur la �justice� dans le pays. C�est mon exp�rience de la guerre d�Alg�rie o� en inaugurant la d�fense de rupture en m�adressant pas seulement au tribunal mais � l�opinion fran�aise et internationale, j�ai pu faire en sorte que les clients que j�ai d�fendus dont un certain nombre ont �t� condamn�s � mort, aucun n�a �t� ex�cut�. L. S. A. : Quel commentaire faites-vous � propos de la situation en Irak ? Me J. V. : L�avenir en Irak est bien sombre. Il y avait une esp�ce d��quilibre. Maintenant, c�est la guerre civile. Je ne vois pas comment, en l��tat actuel, cette guerre civile s�arr�terait. La pr�sence �trang�re ne fait qu�aggraver la situation... Ce qui est particulier dans ce proc�s, c�est que la d�fense n�est pas libre. On ne peut pas estimer une d�fense libre lorsque sur dix avocats, deux sont morts et un est � l�h�pital apr�s avoir tent� de l�assassiner. Quand un avocat plaide avec un pistolet dans le dos, on ne peut pas affirmer que la d�fense est libre. Dans ces conditions, je ne peux qu�admirer le courage des avocats. Autre chose, c�est quasiment un proc�s � huis clos. Il n�y a aucune pr�sence d�observateurs internationaux dans ce proc�s de cette nature. L. S. A. : Que pensez-vous de la d�fense de Saddam Hussein ? Me J. V. : Je ne suis pas son avocat mais je critique la mani�re dont il est jug�. L. S. A. : Quels arguments auriez-vous utilis�s ? Me J. V. : J�aurais pu le savoir si j�avais consult� le dossier. Je n�ai pas le dossier. Actuellement, il est poursuivi pour des faits vieux de vingt ans et non pas sur ce qu�on lui reproche r�ellement.