Si l'occupation est illégale, toutes les institutions qui en sont issues le sont également. Au moment où s'ouvre son procès à Baghdad pour crime contre l'humanité, il est bon de se demander sur quoi va reposer la défense de l'ancien président irakien Saddam Hussein, ennemi public numéro un de George W.Bush, bien avant Oussama Ben Laden, chef d'Al Qaïda. Saddam va bien entendu invoquer le vice de procédure, qui rend normalement caduques les poursuites entamées contre lui. Ce vice de procédure s'appuie logiquement sur l'illégalité de l'occupation de son pays par les forces coalisées, laquelle occupation était elle-même faite en violation de la légalité internationale, puisque Bush et Blair, son complice, n'avaient pas obtenu l'aval du Conseil de sécurité pour engager la guerre et la chute du régime de Saddam Hussein. L'argument principal qui a motivé la guerre est celui des armes de destruction massive. Après plusieurs années d'inspection, les représentants de l'Agence internationale de l'énergie atomique n'avaient rien trouvé de suspect. La preuve, c'est que longtemps après l'occupation de l'Irak, les armées de la coalition ne sont pas parvenues à exhiber ne serait-ce que la moindre preuve de l'existence de ces armes de destruction massive. La défense de Saddam va donc essayer de démontrer qu'à partir du moment où le motif invoqué pour l'occupation était fallacieux et préfabriqué, l'occupation elle-même devient illégale. Par conséquent tous les organes et institutions issus de l'occupation sont eux-mêmes dans l'illégalité la plus totale : illégal le gouvernement, illégal le tribunal qui va juger Saddam et les pontes de son régime, illégale la procédure. Contrairement donc à Nuremberg, le procès de Saddam Hussein n'aura pas la même résonance. Si on se réfère à de tels arguments, et au regard de la Constitution en vigueur au moment de la chute de Saddam Hussein, ce dernier ne peut pas être jugé par ce tribunal. L'ancien dictateur pourra dire qu'il ne reconnaît pas ce tribunal. Et il l'a déjà dit à plusieurs reprises. Du reste, la première partie du procès, qui porte sur le gazage de centaines de Kurdes, est lui-même entaché d'irrégularité, car si l'on se base sur le droit positif, il faudra à ce moment-là remonter toute la filière des armes chimiques utilisées, qui ont été fournies à Saddam Hussein par les Américains, les Français et les Britanniques, à savoir au moins deux pays qui occupent actuellement l'Irak. La responsabilité de ces puissances occidentales est engagée au moins en tant que complices du régime de Saddam Hussein. Saddam ne va pas renier les faits et ne se battra pas logiquement sur le fond, mais il s'attachera à la procédure et à la forme. Il pourra difficilement nier les faits qui lui sont reprochés, tant les preuves sont accablantes, mais il se cachera derrière la souveraineté violée de son pays, et l'immixtion dans les affaires d'un Etat indépendant. Il pourra dire que le procès est irrecevable en la forme. Et c'est certainement pour réduire à néant les arguments juridiques de Saddam Hussein que le nouveau gouvernement irakien, constitué d'anciens opposants à l'ex-dictateur, a attendu la fin du référendum sur la nouvelle Constitution du pays, qui a drainé une forte participation populaire. Ils vont lui rétorquer: «Le peuple a parlé. Les urnes se sont exprimées. Nous avons une nouvelle loi fondamentale, et c'est la seule applicable». Derrière ses barreaux, l'ex-dictateur n'est plus en mesure de peser sur les événements. Pas plus d'ailleurs que Zarkaoui, qui en multipliant les attentats dans lesquels périssent des dizaines d'Irakiens, s'est mis la population sur le dos. Derrière donc le procès des armes de destruction massive, c'est surtout celui de l'extrémisme baâsiste et maintenant islamiste qui est fait. L'extrémisme étant lui-même une négation du droit international, il aura du mal à endiguer les arguments militant en faveur de l'illégalité de l'occupation. Quelque part, Zarkaoui ne rend pas service à Saddam Hussein.