Atwar Bahdjat incarnait sans doute l'id�al d'un Irak d�mocratique. Elle �tait de p�re sunnite et de m�re chiite, de quoi dissuader tout fomenteur de guerre civile si tous les Irakiens �taient comme elle. Malheureusement pour Atwar et pour l'Irak, la violence est toujours de r�gle pour �liminer la contradiction. Atwar incarnait cette contradiction intol�rable pour les extr�mistes religieux. Avant de la tuer, les sicaires de Zarqaoui (1) et consorts ont commis un premier sacril�ge contre le d�me de la mosqu�e Hussein-El-Hadi � Samarra. Pour bien montrer qu'ils ne connaissent ni piti� ni remords, ils se sont encore attaqu�s au cort�ge fun�bre de notre cons�ur. On n'est pas � une offense pr�s lorsqu'on a profan� le mausol�e de l'imam Hussein El-Hadi (2) Atwar n'a pas �t� tu�e seulement parce qu'elle �tait journaliste. Entre son p�re sunnite et sa m�re chiite, elle avait choisi l'Irak. Des choix pareils, �a ne se pardonne pas. A la veille des derni�res �lections, elle avait claqu� la porte de la cha�ne Al-Jazira. Elle entendait protester contre le parti-pris anti- chiite de la cha�ne qatarie. Une aubaine pour la rivale Al-Arabia beaucoup moins virulente mais tout aussi efficace dans sa partie. Al-Jazira et son pol�miste furieux Fay�al Al-Kassem repr�sentent le n�o-wahhabisme : deux tiers de Ben Laden, un tiers de Bachar Al-Assad. N�e pour d�fendre le royaume saoudien, r�guli�rement malmen� par Al- Jazira, Al-Arabia fait dans la dentelle mais on y trouve tous les ingr�dients qui font le succ�s de la cha�ne d'en face. Disons qu'entre deux maux, Atwar a choisi le moindre. Le magazine �gyptien Rose-Al-Youssef n'�tait pas oblig� de choisir mais il a pris, comme on dit, la canne par le milieu. D�sireux de montrer les c�t�s nocifs des programmes de certaines cha�nes satellitaires, l'hebdomadaire a coup� la poire en deux. Il a mis, d'un c�t�, les cha�nes musicales et de l'autre les cha�nes religieuses. Dans le premier cas, et volontiers moralisateur, le journaliste passe en revue le contenu des clips diffus�s par des cha�nes comme Rotana ou Melody. Il estime que les chansons propos�es sont d'un niveau plus que contestable. De plus, elles ne servent, en g�n�ral, qu'� mettre en valeur les formes et les app�ts de la chanteuse ou de la danseuse associ�e au clip. Ainsi, notre confr�re, a �d�coup� le nouveau clip de la Libanaise Nourahane, Yalli, en deux parties. �Dans la premi�re, dit-il, elle exhibe ses seins. Dans la seconde, ce sont ses jambes�. Ce que je confirme, avec cette r�serve que sans ces deux parties, il n'y aurait pas de Nourahane. En fait, l'objectif de Rose-Al-Youssef est de d�noncer les starlettes qui font plus dans l'exhibitionnisme que dans la chanson. Et s'il cite, au passage, Marwa qui fait scandale dans les chaumi�res, il �pargne les Haifa Wahbi, Nancy Agram ou Nawal Zoghbi qui sont assur�ment d'une trempe. Le deuxi�me sujet est beaucoup plus int�ressant. Rose- Al-Youssef �voque l'apparition de nouvelles cha�nes religieuses comme Khair, Ennadjah, Affassi. Il observe que ces cha�nes proclament toutes qu'elles sont l� pour r�pandre les id�es d'un islam authentique. N�anmoins, note-t- il, la majorit� des animateurs de ces cha�nes appartiennent au courant fondamentaliste. Ce sont les m�mes pr�cheurs extr�mistes dont les cassettes et les CD se retrouvent sur les march�s � des prix d�risoires. Parmi ces cha�nes, l'hebdomadaire cairote cite le cas de Kha�r qui diffuse les pr�ches d'un enfant de six ans, baptis� �Musulman heureux�. Les pr�ches appellent invariablement les musulmans � s'accrocher � leur religion. Sans oublier, note Rose-Al-Youssef les pr�ches en faveur de la circoncision des filles et les attaques contre Al-Azhar qui autorise les Egyptiens � ne pas le faire. Le pr�cheur de six ans reproche � Al-Azhar de mener la religion � la perdition en embo�tant le pas � l'Occident dans son rejet de la circoncision des filles. Ces pr�ches passent en boucle et � la fin de chacun d'eux, l'enfant n'oublie pas de remercier son ma�tre et professeur, Mohsen Mohamed Hassan. Ce pr�cheur kowe�tien fondamentaliste est aussi l'une des �stars� de Khair. Les cassettes de cet enfant qu'exploite la cha�ne se vendent aujourd'hui � trois livres devant les mosqu�es. Il est �vident, souligne le journal, que les dirigeants de la cha�ne ont le sens du commerce et qu'ils exploitent la veine � fond. C'est ce qu'ils ont fait en appelant les t�l�spectateurs � s'exprimer par SMS dans l'affaire des caricatures (3). La cha�ne Ennadjah rivalise avec la pr�c�dente pour faire vibrer la fibre religieuse. Sa devise est : �Le changement commence ici�. Elle mise �galement sur les m�mes animateurs comme le sus-nomm� Mohamed Hassan et l'omnipr�sent Zaghloul Nedjar. Ce dernier, je vous le rappelle, se pr�tend astrophysicien et fait prendre des vessies pour des lanternes � tous les gogos arabes. Il est l'un des tenants de la th�orie selon laquelle les grandes d�couvertes scientifiques sont dans le Coran. Ce qui laisserait entendre que les Occidentaux savent lire le Coran mieux que nous. Rose-Al-Youssef se demande, enfin, si les objectifs de ces cha�nes sont commerciaux ou religieux. �Si les objectifs de ces cha�nes sont purement religieux, comment sont-elles financ�es alors ? Qui sont les financiers et quelles sont leurs motivations?� En ce qui concerne les financiers, inutile de chercher bien loin. La caisse se trouve du c�t� des cha�nes musicales. La main droite peut lancer le clip de Marwa pendant que la main gauche donne le la au cheikh Soudaissi. Les investisseurs arabes ne mettent pas leurs �ufs dans le m�me panier. Aux uns, ils parlent des probl�mes d'ici-bas, aux autres ils proposent un avant-go�t des d�lices � venir. Quant aux actrices et autres starlettes qui font actuellement scandale, je ne m�inqui�te pas pour leur avenir. Lorsqu'elles seront techniquement amorties, et donc inexploitables, elles changeront de cha�nes. Apr�s avoir proclam� leur victoire sur le diable et leur repentir, elles se reconvertiront dans le pr�che, accompagn�es de leurs enfants de moins de six ans. Elles passeront ainsi du satanisme � l'ang�lisme de fa�ade sans changer d'employeur. Dieu est cl�ment et mis�ricordieux, les Arabes versatiles et oublieux. A. H. (1) Zarkaoui cible particuli�rement la communaut� chiite sur tous les lieux de ses rassemblements. Il s'attaque �galement aux policiers qui sont en majorit� chiites. Il tue beaucoup moins de soldats am�ricains, sans doute parce qu'ils ne sont pas chiites. (2) Je n'ai pas entendu beaucoup de protestations sunnites lors de la destruction du d�me. (3) On voit souvent d�filer le fameux �Alayha nahia, alayha namout�. On l'entend aussi de la Bastille � la salle Harcha. De sa prison, Benhadj obscurcit encore le monde. Des imams imitent son accoutrement et jusqu'� ses poils de barbe et ses quintes de toux.