Mausolée détruit, guerre des mosquées, l'Irak a vécu un cycle de violences sanglantes. L'attentat terroriste mercredi contre le mausolée de Samara a induit une réaction en chaîne qui met le pays au bord de la guerre civile donnant lieu à une guerre des mosquées qui a fait rage entre mercredi et jeudi, des dizaines de mosquées sunnites ayant été attaquées ou incendiées. Pour parer aux dangers qui guettent le pays, le gouvernement irakien a décidé d'instaurer pour hier, jour de la prière du vendredi un couvre-feu jusqu'à 16 heures locales afin d'éviter les rassemblements du vendredi qui pouvaient donner lieu à de nouvelles confrontations entre les chiites et les sunnites comme cela a eu lieu mercredi et jeudi, coûtant la vie à plus de 150 personnes dans divers attentats et assassinats. Cette vague d'assassinats a aussi coûté la vie à la journaliste irakienne Atwar Bahjat et à ses deux collègues (voir ci-dessous). Tout a commencé mercredi après la double explosion qui a détruit en partie l'un des lieux saints les plus révérés par le chiisme irakien : le mausolée des imams Ali Al-Hadi et Hassan Al-Askari à Samarra, ville sunnite du nord de l'Irak. Cet attentat, de tout évidence prémédité, a eu pour effet une réaction en chaîne avec des représailles anti-sunnites et l'assassinat de plusieurs dizaines d'entre eux entre mercredi et jeudi notamment à Baghdad et Samarra. Les autorités de Baghdad qui ont pris des mesures, dont le couvre-feu pour la journée d'hier, ont tenté de prévenir l'escalade de violence et l'irréparable. Dans un communiqué, le président irakien, Jalal Talabani a dénoncé les violences qui secouent le pays mettant en garde contre les dangers qui menacent l'Irak indiquant «Il faut prendre garde au feu de la sédition car s'il s'allume il détruira tout sur son passage et personne n'en sortira indemne». De fait, les responsables politiques étaient angoissés par la tournure que prenaient les évènements, lesquels pouvaient dégénérer en confrontation sanglante lors de la prière du vendredi quand un ayatollah, aussi influent que le grand ayatollah Ali Sistani, appelle les fidèles à manifester ce jour précisément, au moment où la violence atteignait des sommets, tant du fait des attentats, des assassinats, que des groupes miliciens armés qui opèrent aujourd'hui au grand jour comme celui qui enleva mercredi soir onze détenus de diverses nationalités arabes, retrouvés assassinés, jeudi, à Bassorah. Entre mercredi et jeudi, plus de 80 personnes ont été retrouvées mortes souvent avec une balle dans la tête, ce qui montre que l'Irak n'a jamais été aussi proche de l'embrasement généralisé avec en sus les risques d'une guerre confessionnelle d'un autre temps. Aussi, après les représailles contre les sunnites, sept groupes armés salafistes jihadistes, dont la branche irakienne d'Al Qaîda, ont menacé de passer à l'action pour riposter aux agressions contre les sunnites, accusant au passage la milice chiite Badr et l'Iran d'être derrière l'attentat du mausolée chiite de Samarra. De fait, tous les ingrédients sont aujourd'hui réunis en Irak pour transformer la violence qui pèse sur le pays en véritable guerre civile. La guerre des mosquées qui s'est déclarée mercredi est un aperçu de ce qui menace l'Irak si le gouvernement de Baghdad reste impuissant à imposer l'ordre et à assurer la sécurité pour tous. Le pays reste ainsi fragile n'ayant pas, jusqu'ici, réussi à panser les plaies ouvertes par l'invasion et l'occupation américaine laquelle a, en revanche, aggravé le fossé entre les ethnies irakiennes aujourd'hui dangereusement au bord de la rupture. En fait, l'échec des Etats-Unis, qui n'ont réussi ni à découvrir les mystérieuses armes de destruction massives (ADM, prétexte à l'invasion du pays un 19 mars 2003), définitivement introuvables et surtout inexistantes, ni, encore moins, à instaurer la démocratie et le modèle de gouvernance démocratique dans la patrie d'Hammourabi. A contrario, à quelques semaines de la célébration du troisième anniversaire de l'invasion par les troupes américano-britanniques, l'Irak se trouve plongé dans un chaos de violences et de meurtres alors que le gouvernement mis en place par Washington n'arrive pas à contrôler un pays marqué par la violence qui s'exprime par ses aspects les plus odieux. De fait, c'est la première fois depuis, la chute du régime de Saddam Hussein, que la violence inter-confessionnelle atteint ces sommets de l'horreur en Irak. Ce qui implique que le temps n'a pas été un remède espéré pour un pays qui plonge de plus en plus profondément dans l'irrédentisme, prémisse d'une guerre civile tant redoutée.