Nous sommes revenus sur les lieux que nous avons d�j� visit�s il y a de cela quatre ann�es, c��tait lors du passage du pr�c�dent wali de Mascara. Sa visite s�inscrivait dans la d�marche de l�Etat consistant � r�unir les conditions n�cessaires pour le retour de la population vers les terres abandonn�es. En cette matin�e de jeudi, nous nous pointons � la gare routi�re de Sig, car pour rallier Reha�lia, il faut obligatoirement transiter par la commune de El-Ga�da, rattach�e � la da�ra de Zahana car la jonction � partir de Chorfa, commune m�re n�est pas possible, compte tenu de la route qui n�est pas encore achev�e. Nous savions que le lieu �tait isol� et nous d�mes attendre une bonne demi-heure pour d�busquer un taxi clandestin afin de parcourir les 20 km. Les �clandestins� sont le seul moyen de liaison et ils sont apparemment tol�r�s. L�un des v�hicules est une Renault Express am�nag�e en cons�quence. Les habitants de El-Ga�da, il faut le dire, se rendent plut�t dans la cit� des Olives pour effectuer leurs courses. Avec le chef-lieu de da�ra Zahana c�est plut�t une aberration administrative. Nous apprenons que m�me des citoyens de Sehamda y viennent, notamment pour le march� hebdomadaire qui se tient lundi. Au cours du trajet, des passagers entament la discussion avec le chauffeur autour de la perspective d�une bonne r�colte apr�s les derni�res chutes de pluie. La p�riph�rie de El- Ga�da �tait un immense vignoble jadis, dira l�un d�eux et il y avait quatre caves, poursuivra-t-il. Fin de la premi�re �tape et il nous reste 12 km environ � parcourir pour monter plus haut vers notre destination. Passent quelques v�hicules, nous faisons un signe de la main et une Peugeot 504 camionnette s�arr�te. Nous sautons � l�arri�re o� se trouvent deux personnes. Elles sont silencieuses. Arriv�s au croisement, nous descendons, c�est 20 DA pour le trajet effectu�. Nous apercevons alors des panneaux d�indication. Sur l�un d�eux, l�on y lit Sehamda 8 km. Nous sommes dans le territoire de la wilaya de Sidi Bel-Abb�s, Sehamda ou A�n-Aden. Les souvenirs sont grav�s dans notre m�moire, �voquer le nom de cette localit� martyre, c�est se rappeler le massacre par la b�te immonde de ces onze enseignantes lors d�une journ�e pluvieuse de fin du si�cle dernier. Pour parcourir les 3 km environ restant, il n�y a pas d�autre alternative que la marche, car les voitures sont rares. A mi-chemin, nous apercevons enfin Reha�lia, s�arr�te alors un v�hicule. Nous nous approchons et le conducteur est m�fiant. Nous nous rendons chez Monsieur Ahmed Sa�m lui annon�ons-nous. Qui �tes-vous et d�o� venez-vous ? demande-t-il. Une fois mis en confiance, il nous demande de monter. C�est la personne chez qui nous nous rendons particuli�rement. C�est une connaissance � nous, un confr�re pour plus de pr�cision qui nous a demand� de le joindre. A l�arri�re se trouvent deux enfants avec leurs cartables. Est-ce vos enfants ? Non, r�pond Amina qui fr�quente l��cole primaire de Sehamda. Ils sont six ou sept � effectuer quotidiennement le trajet et � partir du croisement, ils montent le plus souvent � pied, compl�te Si Ahmed. Tenez, voil� l�instituteur qui descend � pied pour se rendre � El-Ga�da. Il est jeune et nous salue. Il a en charge une vingtaine d��l�ves de plusieurs niveaux. Nous passons � c�t� de ce qui s�apparente une �cole et tant bien que mal, les �l�ves y suivent leur scolarit�. Notre h�te nous invite � prendre un caf� et nous entretient du quotidien de ce hameau o� vivent une vingtaine de familles. A c�t� des maisons dont certaines sont encore vides, se trouve un casernement de l�ANP. Nous apprenons que ces familles �taient candidates au retour vers l�ann�e 2000. Beaucoup d�entre elles se sont r�tract�es � cause de l�isolement et plus particuli�rement � cause de la route. A c�t� de nous, une maison a �t� am�nag�e en mosqu�e. L�eau, elle, ne fait pas d�faut, m�me si c�est une citerne de la commune de Chorfa qui approvisionne r�guli�rement les habitants � partir de Sehamda. Il existe �galement une salle de soins o� un infirmier fait des apparitions. Quand surviennent des urgences, c�est vers l�h�pital de Sfisef dans la wilaya de Sidi-Bel-Abb�s que sont �vacu�s les malades. M�me les militaires de l�ANP assistent parfois des citoyens pour des injections par exemple. Les gens de Reha�lia font face � moult contraintes et c�est ainsi que leur courrier, lui chute au niveau de la commune de Chorfa dont ils sont bien s�r coup�s. Et il est remis quand se pr�sente une opportunit� � travers une personne qui y est de passage. Pour s�acquitter des redevances de la Sonelgaz, c�est une autre paire de manches. L�on doit pour ceci se d�placer dans la ville de Sig, nous a-t-on inform�s. L�on sent cette �uvre de s�exprimer chez les habitants de ce type de contr�e et un jeune homme se joint � nous. Il exhibe sa carte de handicap�. Je percevais : �Une indemnit� (certainement celle relative au filet social) et puis plus rien�, dira-t-il. Il s�acquittait de certains t�che de nettoiement au niveau de l��cole. Le jeune Noureddine h�site � s�approcher. Il est curieux. Vas-tu � l��cole ? lui demandons-nous et la salle est-elle chauff�e ? Oui, r�pondra-t-il. Nous sommes bien, � c�t� de nous, deux autres petits gar�ons tapent dans leur ballon, dira notre interlocuteur, qui est n� et a grandi ici, il a d�sert� les lieux en 1993 et a �t� coup� de ses terres pendant sept longues ann�es comme le reste du douar d�ailleurs. �Il vient de planter une quantit� importante d�oliviers. Il poss�de quelques vaches laiti�res et s�adonne �galement � diverses cultures. Mensuellement, l�on emploie une dizaine de personnes. Il a b�n�fici� de fonds de soutien � l�agriculture. Il nous fait visiter sa propri�t� qui �tait autrefois un couvoir. Il nous montre des toitures de locaux d�garnis. Les terroristes, dira-t-il, nous ont fait fuir et les voleurs ont fait le reste. Nous remontons � bord du v�hicule et nous nous approchons de la rivi�re. Il nous montre du doigt ce qui �tait l�ancien douar de Reha�lia. C�est � peine si vous apercevez ce qui reste des anciennes demeures et autres mansardes au milieu du maquis tr�s dense de �Aarich�. La route est � peine praticable et c�est le no man�s land, les familles ont �lu domicile plus haut parce que le niveau de l�eau commen�ait � monter. Soudain, nous entendons des coups de feu. Sa�m nous rassure, ce sont des chasseurs, explique-t-il. En effet, des battues autoris�es sont organis�es, car la for�t de Aarich est infest�e de sangliers. Ils sont d�vastateurs et d�truisent toutes les cultures, pour �tayer ceci, il nous apprend qu�il l�avait v�rifi� � ses d�pens avec une culture de onze quintaux de c�r�ales dont il n�en a rien tir�. Une quinzaine de figuiers ont �galement �t� saccag�s, il y a urgence et il faut lutter contre ce ph�nom�ne qui s�accentue. La population du sanglier grandit. Puis, il nous indique des poteaux �lectriques � terre coup�s. C�est pour voler le cuivre, nous fait savoir notre compagnon de randonn�e. Puis nous faisons une halte a proximit� de Sidi- Abdelkader. En temps de paix et apr�s une bonne ann�e de bonne r�colte, on y faisait la waada, � proximit� des tombes. C�est le cimeti�re des lieux presque gagn� par les eaux. Il nous emm�ne sur un monticule o� se trouvent d�autres s�pultures. Ce sont des tombes familiales que nous avons d�plac�es, raconte Sa�m. Puis il pointe son doigt vers ce qui reste du mausol�e de Sidi- Bouhriz qui a �t� d�truit par une bombe. C�est le saint de Reha�lia et autre douar voisin qu�est Aara�bia. L�on vient de partout, apprenons-nous, m�me de l�Alg�rois, malades ou autres personnes pour conjurer le mauvais sort s�y rendaient. Notre agriculteur nous parle de Arra�bia, o� personne n�habite plus, � cause surtout de l�absence de route, ce sont environ 200 ha de pommes de terre qui pourraient �tre travaill�s, mais qui seront gagn�s par la for�t. Nous prenons alors une autre direction et nous nous arr�tons. A nos pieds, le barrage de Chorfa. De l�autre c�t�, nous apercevons le c�t� Chorfa sup�rieur. La commune est lointaine, l�on aper�oit �galement ce qui devait �tre l�ancien itin�raire la ralliant � Reha�lia. Notre visite des lieux termin�e, nous redescendons vers El-Gaada. C�est alors que nous apercevons deux jeunes filles Nadjet et Aziza qui, � 14 ans, poursuivent leurs �tudes au CEM de Sehamda et effectuent le trajet � pied. Elles sont en demi-pension dans leur �tablissement. C�est l�itin�raire quotidien de tous les risques. Nous sommes gagn�s par ce sentiment d�injustice : Nous croyions que les bus du minist�re de la Solidarit� et de celui de l�Int�rieur �taient destin�s � prendre en charge les �l�ves de ces zones en priorit�. Sur le chemin du retour, et au bord de la chauss�e, nous apercevons un plateau de camion calcin�, stigmates du terrorisme. C�est �reclandestin pour �tre � Sig.