Pour faire plus vrai que vrai, m�me les cabotins des tr�teaux affinent leurs r�parties et s�impr�gnent de leurs r�les afin que le spectacle soit aussi cr�dible que possible. Est-ce le cas avec la grossi�re farce qui se joue sur la sc�ne politique ? La triple alliance qui, depuis sept longues ann�es, conduit imperturbablement les affaires du pays nous invente un �malentendu� tout � fait ridicule pour nous faire croire qu�un drame shakespearien plane sur les lendemains de l�Etat. Une fausse chamaillerie qui finalement se retourne contre ses auteurs, per�us d�sormais comme d�authentiques gribouilles de la politique. Les commentateurs politiques, attentifs aux signes, s�escriment en vain � comprendre ce qu�il y a derri�re cette bouffonne surench�re de critiques qui pr�parerait � la rupture. C�est un v�ritable casse-t�te d�ex�g�tes du Talmud, que de vouloir donner du sens � la th��trale agressivit� d�un Belkhadem et � la retenue calcul�e de Ouyahia. Car, si ce qui les s�pare aujourd�hui est v�ritablement ce qui les a r�unis par le pass�, autant que chacun prenne acte de cette divergence et tire les cons�quences que la situation nouvelle impose. Sinon l�on ne peut que se couvrir de ridicule. Quitter un gouvernement, dont on ne partage plus l�action, cela se fait ; et m�me que cela a plus de noblesse politique que de continuer � le stigmatiser de l�int�rieur. �Un ministre �a ferme sa gueule ou �a d�missionne� (1). N��tait-ce pas, l�, le plus bel exemple de conscience qu�e�t � donner ce responsable fran�ais qui remit son portefeuille pour protester contre certaines options. Alors pourquoi cela ne serait-il pas valable chez nous, pour peu que l�on ne confonde pas le sens de la responsabilit� et les gratifications qu�on en tire ? En m�me temps qu�ils sont dirigeants de partis, Belkhadem et Aboudjerra Soltani sont �galement ministres d�Etat si�geant au gouvernement. A ce titre, ils ne peuvent pas faire semblant de se laver les mains alors qu�ils participent aux d�lib�rations et aux arbitrages de la gouvernance. Sans doute qu�ils ne manquent pas de raisons objectives pour critiquer l�inertie et les approximations d�un Premier ministre, mais pourquoi ne pas se d�marquer d�une mani�re cons�quente au lieu de choisir les proc�dures obliques ? Celles dont on sait qu�elles n�aboutiront � rien. Brandir l��pouvantail du Parlement et de la motion de censure n�est-ce pas de l�esbroufe ? Ouyahia, chef de gouvernement dans les m�mes conditions que ses pr�d�cesseurs, sait qu�il n�y a rien � craindre de ce c�t�-ci. Autant lui ne doit sa confiance qu�� celui qui l�a d�sign�, autant les d�put�s ne peuvent le d�fier sans la cons�quence f�cheuse de la dissolution. La censure, cette �lettre morte� de la Constitution, n�explique-t-elle pas � elle seule la nature de l��difice du pouvoir et l�utopie � vouloir le r�former de l�int�rieur ? En un mot comme en dix, Belkhadem et Soltani savent bien que leur agitation est naturellement vou�e � l��chec, sauf si elle est commandit�e ! Connaissant la qualit� d�all�geance que le FLN dispose aupr�s de Bouteflika, est-il pensable que ce parti soit en mesure de provoquer une crise gouvernementale � partir d�une �valuation autonome ? C�est-�-dire sans l�aval discret du chef de l�Etat. Belkhadem, qui a cr�� de toutes pi�ces un abc�s de fixation sur son interface le RND, � travers la r�vision constitutionnelle, n�a pas, par ailleurs, d�couvert par sa seule sagacit� que le gouvernement travaillait mal et qu�� terme, il portait pr�judice au pr�sident. Le jugement qu�il porte imprudemment ces jours-ci est trop p�remptoire pour n�avoir pas �t� inspir� d�en haut. Mais alors, pour quels objectifs, si ce n�est pour obliger Ouyahia � r�viser � la baisse les exigences de son parti en vue des �lections de 2007 et les siennes en particuliers, lui qui se voyait dans la bonne configuration du dauphin pr�sidentiable ? D�une pierre deux coups, le FLN, tout en travaillant � l�affaiblissement de cet adversaire intime, pourra se donner les moyens ad�quats afin de n�gocier sa pr�dominance dans les assembl�es �lues. Il est vrai, qu�hormis le p�le islamisant actif et l�entregent du RND, aucun courant ne peut disputer au FLN cette capacit� de marchander politiquement sa pr�sence. Autrement dit, m�me une pr�sidentielle se combine mieux avec ce parti, que sans lui ou, a fortiori, contre lui. La pr�gnance d�une pens�e dominante dans le champ politique conditionne encore toutes les strat�gies de conqu�te, � tel point que rares furent les courants qui ont pu �merger et se maintenir contre la dictature d�un appareil rod� par une longue histoire et qui est demeur� culturellement impr�gn� de sa pr��minence exclusive. En clair, le FLN est rest� un courant de pouvoir qui ignore et combat l�alternance. Pierre angulaire du syst�me, sa seule doctrine consiste � l�gitimer les pouvoirs successifs, sans craindre l�aversion que suscite naturellement l�infid�lit� ou la trahison. Depuis 1995, date du coup d�Etat scientifique qui envoya � la retraite Mehri, rien n�a chang� dans le d�marchage de ce parti ; tout comme est demeur�e immuable la proc�dure d�affectation des r�les politiques. Et ce n��tait pas parce que Ouyahia fut invit� � occuper le poste de fusible du pr�sident, qu�il fallait croire � un nouveau re-cadrage des influences, d�o� le FLN se serait senti flou�. Bien au contraire, l�acharnement que met son secr�taire g�n�ral � d�stabiliser un Premier ministre indique que ce parti ne se r�signe pas au compagnonnage mais qu�il veut accaparer toutes les premi�res loges. Mais le plus paradoxal dans cette querelle, jusque-l� circonscrite aux hommes du pr�sident, c�est que l�un n�est rien sans la nuisance de l�appareil qu�il dirige, alors que l�autre est une b�te politique dou�e pour toutes les mues et dont la long�vit�, voire la roublardise ont permis � une officine de devenir un levier influent. Belkhadem, sans le FLN, n�a pas la moindre possibilit� de survivre politiquement, quand Ouyahia peut tout � loisir quitter le militantisme partisan et poursuivre sans grands dommages sa carri�re. Le contraste foncier qui s�pare ces deux personnages se retrouve parfaitement dans la f�rocit� d�plac�e que met l�un et la r�sistance placide qu�affiche l�autre sans que cela semble �mouvoir le chef de l�Etat, qui observe une indiff�rence parlante. Ramen� sciemment � des sc�nes de m�nage entre concubins d�un m�me ma�tre, le conflit ne suscite de sa part aucun commentaire ni de rappel � l�ordre, car lui n�a pas les m�mes pr�occupations que ces seconds couteaux de la politique. En effet, si la domesticit� calcule au plus press� avec, pour horizon, le rendez-vous de 2007, lui se projette sur �son 2009� et cogite toutes les possibilit�s. Bien �videmment, il adore � rappeler que �nul n�est install� sur le tr�ne de l�Eternit�, comme il le fit � Constantine le 17 avril dernier, mais c�est tout juste pour distraire l�opinion sur sa derni�re tentation d�homme politique. Sauf que lui y pense d�ores et d�j� et qu�il ne pense qu�� cela. Ne voulant gu�re appara�tre sous les traits brutaux du Tunisien Ben Ali qui amenda � la hussarde la Constitution pour se faire reconduire � la magistrature, ni imiter le pharaonisme de Moubarak, Ra�s ad vitam, il aurait besoin d�un emballage constitutionnel qui assouvirait son ambition sans h�risser le pays. En somme comment faire pour sauter le verrou limitatif de deux mandats, sans que cela prenne l�allure d�un coup de force constitutionnel ? Tout le brouillard sur la r�vision de la loi fondamentale tient justement � ce d�sir inassouvi pour lequel il faudra imaginer un faux d�bat contradictoire, afin de parvenir � cr�er une illusion de consensus. Voil� pourquoi une fausse divergence est actuellement aliment�e entre deux compares majeurs (FLN-RND) et dont les avis se d�clinent sur le mode de l�hypocrisie la plus j�suitique. Entre le louvoiement de circonstance d�un Ouyahia qui trouve la question pr�matur�e mais ne manque pas de pr�ciser qu�il ne se pr�senterait pas pour sa part contre Bouteflika en 2009 et les fausses interrogations d�un Belkhadem qui se demande pourquoi on limiterait le nombre des mandats, il y a assur�ment une convergence de taille : celle qui envisage s�rieusement un troisi�me mandat ! Or, faire la promotion d�un tel r�am�nagement ce serait violer l�esprit m�me de la Constitution. Car sans limitation il n�y a plus d�alternance. Et puisque celle-ci ne va plus sans ceux-l�, il faudra alors abroger tous les minima d�mocratiques et lui tailler sur mesure une autre qui donne all�grement le pouvoir � perp�tuit�. Ce couple, donc, qui se donne en spectacle, ne le fait pas sur l�essentiel. Et ce qui en apparence les divise rel�verait m�me d�un travail de marketing politique � long terme. Car, parler abusivement de crise gouvernementale suppose qu�au moins une partie de l�alliance cesse de croire en la combinaison du pr�sident. Or, l�ensemble continue � se revendiquer de lui tout en soup�onnant l�autre de d�loyaut�. En somme un diff�rend de courtisans qui n�ont que l�autonomie de leur servitude. Bouteflika peut boire du petit lait et juger de ce d�cha�nement de s�rail en toute qui�tude. Tous travaillent pour lui et personne n�envisage d�entrer dans sa disgr�ce. Belkhadem, Ouyahia et Soltani ne sont que des com�diens du pouvoir. En coulisses, ils sont comme cul et chemise. Ins�parables dans la rente indivise du r�gime. B. H. (1) En 1990, � la veille de la premi�re guerre du Golfe, Chev�nement, ministre d�Etat et ministre de la D�fense, quittait le gouvernement de Mitterrand � la suite d�un d�saccord sur l�implication de la France.