La ville de Th�nia dans la wilaya de Boumerd�s a v�cu un jeudi tr�s agit� qui aurait pu conna�tre une tournure dramatique. En effet, � la fin du match que l'�quipe locale avait disput� contre celle de la ville de Lakhdaria dans la wilaya de Bouira, des centaines de jeunes ont pris possession de la rue pour d�clencher une violente �meute qui a dur� jusqu�� l�aube du vendredi. Le match n�a finalement servi que de catalyseur et d�clencheur de la col�re de ces laiss�s-pour-compte. Dans l�enceinte du stade, des jeunes et moins jeunes nous apostrophaient : �Signalez sur le manque de logements et la distribution des chalets, on n�a rien � faire du football.� La contestation grondait depuis longtemps. Cette violence �tait d�ailleurs pr�visible. Dans un reportage du 8 mars 2006, intitul� �Le ras-le-bol des habitants de Th�nia�, nous avions �crit en conclusion : �Apr�s une longue p�riode de l�thargie, voire de passivit�, des pans de la soci�t� de la ville de Th�nia exigent d�sormais qu�on les �coute. Ils n�attendent qu�un cadre organis� pour structurer leur contestation dans le temps. �a commence � bouillonner sec, en effet, dans les quartiers de l�ex- M�nerville.� Las de voir leur commune marginalis�e o� le ch�mage, n�en d�plaise aux autorit�s de wilaya qui alignent des chiffres erron�s, d�passe les 80%, les insurg�s ont d�vers� leur col�re sur les dizaines de policiers anti�meute d�p�ch�s en renfort. Pour ces jeunes dont l��ge tourne autour de la vingtaine, ces policiers symbolisent le r�gime politique r�pressif qui les prive des conditions de vie correcte. Vers 21 h, nous nous sommes m�l�s � un groupe qui attaquait � coups de pierres les casques bleus �regarde !�, hurle l�un d�eux en pointant son doigt vers les hauteurs du nord de la ville o� sont �rig�s quelques tr�s rares unit�s industrielles de la commune la plus ancienne d�Alg�rie �aucun fils de Th�nia n�a �t� embauch�. Puis d�autres voix s��l�vent dans la nuit : �Aucun projet de relogement de sinistr�s n�a d�marr� dans notre commune qu'on surnomme : la municipalit� du treillis � souder�. Cette derni�re boutade se rapportent aux nombreux terrains du centre-ville laiss�s nus apr�s le s�isme. La foule nous entoure pour fustiger les �lus locaux qui, selon elle, n�ont rien fait pour la ville. �Les chalets sont distribu�s aux amis et aux familles des �lus locaux. Des adolescents ont b�n�fici� de ces habitations alors que des familles sont d�laiss�es.� �Nous voulons le d�part du maire. D�abord qu�il rende compte de sa mauvaise gestion et des trafics de ses adjoints.� Brusquement la conversation est interrompue, des dizaines de manifestants chargent les policiers qui ripostent � l�aide de tirs de bombes lacrymog�nes. La discussion reprend apr�s le rin�age des visages avec du vinaigre : �Nous souffrons de voir nos familles sinistr�es, choisir le silence et rester dans les chalets ou de s�exiler dans d�autres villes pour avoir un logement.� Les �meutiers ont certes bombard� les policiers � coups de pierres et incendi� tout ce qui leur tombe sous la main pour barrer les acc�s � la place centrale de la ville. Ils n�ont cependant pas de haine destructrice mais seulement de la col�re devant ce qui leur semble de l�injustice envers leur ville et leurs familles. La seule infrastructure qui a �t� incendi�e concerne le projet d�un centre culturel implant� au niveau de l�ex-cit� des HLM, cit�, rappelons-le, qui a �t� d�vast�e par le tremblement de terre du 21 mai 2003. Ils l�ont fait pour des raisons se rapportant au drame v�cu apr�s le s�isme. �Nous n�admettons pas qu�une infrastructure r�serv�e pour le chant et la danse soit �difi� sur un endroit o� sont d�c�d�es plus de 100 personnes�, avaient dit plusieurs personnes qui soup�onnaient la commune de vouloir c�der cette b�tisse � un priv� pour l�am�nager en salle des f�tes. Ces propos ont �t� dits lors d�une r�union tenue d�but mars 2006, avec le P/APC, M. Halouane, en pr�sence de toutes les autorit�s locales. Comme � leur habitude, celles-ci sont rest�es insensibles � ce cri de col�re. Malheureusement durant ces �chauffour�es, plusieurs bless�s ont �t� d�nombr�s. Selon les sources hospitali�res de la ville, une dizaine de jeunes, deux joueurs de la CMBT et trois policiers ont subi des blessures n�cessitant des soins mais ils n�ont pas �t� hospitalis�s. Par contre, une jeune de 18 ans, originaire de Mila a re�u un projectile en plein visage. Ce projectile, dont la nature et la provenance n�ont pas �t� d�termin�es a, d�apr�s le premier diagnostic, caus� la perte de l��il de la victime. Vu la gravit� de sa blessure, le malheureux a �t� �vacu� vers Mustapha. Abord� aux alentours du commissariat vers 21 h, le commissaire Rachid qui �tait en poste � La�zib � l�est de la wilaya de Boumerd�s, en 2001 au moment du Printemps noir, nous a assur� qu�aucune arrestation n�a �t� faite. A l�heure o� nous mettons sous presse, vendredi apr�s-midi, les jeunes se sont rassembl�s au niveau du centre-ville. Les affrontements risquent de reprendre.