L�Alg�rie est tr�s malade, atteinte de plein fouet par la corruption, grande et petite, sous toutes ses formes, et plus les recettes du p�trole augmentent et plus ce fl�au fait des ravages, hypoth�quant toute perspective de redressement �conomique et de progr�s social. Les institutions de la R�publique sont � l�article de la mort, et tout le monde est maintenant convaincu � notamment les grandes organisations internationales et l�opinion publique alg�rienne � que les ratifications par l�Alg�rie des conventions internationales n��taient que de la poudre aux yeux et des effets d�annonce sans lendemain. Pour preuve suppl�mentaire de cette �supercherie autoris�e�, la tr�s mauvaise loi dite de pr�vention et de lutte contre la corruption (*), vot�e en janvier dernier, tout en �tant amput�e d�un instrument essentiel en mati�re de cr�dibilit� du processus de d�claration de patrimoine, vote qui consacre surtout l�impunit� totale et une immunit� sans limite pour les �agents publics� (dont les parlementaires). Cette loi, qui ne contient par ailleurs que des recommandations g�n�rales, n�a m�me pas pr�vu des incriminations pourtant essentielles dans une lutte efficace contre la corruption : parmi ces incriminations volontairement omises � toujours pour prot�ger les �agents publics� �, il y a les notions de conflits d�int�r�ts (l�article 34 de la loi suscit�e est faussement intitul� �conflits d�int�r�ts�), de n�potisme � fl�au qui prend une ampleur in�gal�e �, de copinage, de client�lisme et de pantouflage. Les conduites contraires � l��thique sont de plus l�gion au c�ur de l�Etat et � tous les niveaux. Le mal est profond et la gangr�ne est � un stade tr�s avanc�. De quoi s�agit-il ? Toute personne, dans l�exercice de ses activit�s professionnelles, peut se trouver tiraill�e entre les devoirs de sa charge et ses int�r�ts personnels. Les r�gles relatives au cumul d�int�r�ts visent � pr�venir ces situations et � indiquer les bonnes pratiques � observer dans ce genre de situation. Le fonctionnaire peut se trouver dans des syst�mes qui tol�rent ou entretiennent des conduites contraires aux principes de base qui doivent r�gir le fonctionnement d�une administration probe et performante : n�potisme, copinage, client�lisme, trafic d�influence et pantouflage. LES CONFLITS D�INTERETS Un d�cideur se trouve en situation de conflit d�int�r�ts lorsqu�il existe une contradiction entre ses int�r�ts personnels directs ou indirects et ceux relevant de ses fonctions. Le conflit d�int�r�ts est inh�rent au fonctionnement des rapports sociaux et n�cessite seulement un mode de gestion particulier. Ce qui est inacceptable, c�est que le d�cideur fasse pr�valoir ses int�r�ts personnels sur les responsabilit�s de sa charge et d�veloppe ainsi des pratiques de n�potisme, de copinage, de client�lisme ou de trafic d�influence. Selon les pays, les situations de conflits d�int�r�ts sont r�gies par des dispositifs juridiques d�application g�n�rale et/ou par des codes d��thique que les organismes sont invit�s � concevoir et � mettre en �uvre. A titre d�exemple, on peut relever la disposition l�gale suivante : �Un fonctionnaire ou un employ� d��tat ne doit en aucune mani�re agir, dans le cadre de ses pouvoirs, dans les domaines o� son int�r�t financier personnel entrera en jeu, de fa�on directe ou indirecte, de sorte que cela puisse nuire � son objectivit� ou � son ind�pendance de jugement.� Si les conflits d�int�r�ts ne sont pas g�r�s de mani�re ad�quate, ils peuvent avoir des cons�quences d�sastreuses sur de nombreux secteurs vitaux d�un pays. Ils peuvent conduire � la d�sorganisation de l�administration et � l�inefficacit� du service public, � la remise en cause de r�gles fondamentales de fonctionnement du service public (comme le m�rite), au pillage des deniers publics et au d�s�quilibre des finances publiques. Ils peuvent augmenter les risques d�instabilit� sociale et �conomique, en remettant en cause notamment les r�gles de la concurrence et du march� et discr�diter l��tat sur le plan international, entra�nant la rar�faction des investissements. LE NEPOTISME ET LE COPINAGE Etymologiquement, �n�potisme� vient du latin nepos qui signifie neveu ou descendant. Au sens strict, le n�potisme d�signe �l�abus qu�une personne en place fait de son cr�dit, de son influence pour procurer des avantages, des emplois � sa famille, � ses amis�. Le n�potisme est une forme particuli�re de conflit d�int�r�ts et l�expression a de plus en plus tendance � �tre utilis�e dans son sens large pour d�signer un simple conflit d�int�r�ts. Emp�cher le n�potisme ne signifie pas interdire � un d�cideur d�avoir dans sa sph�re professionnelle des rapports avec des membres de sa famille, mais �viter qu�il abuse de son pouvoir en leur faveur. Dans le secteur public, il s�agit de veiller � ce que le candidat le plus apte obtienne le poste qu�il m�rite, abstraction faite de ses relations personnelles, et que les march�s soient attribu�s � l�entreprise qui fait la meilleure offre. Dans le secteur priv�, l��viction du n�potisme fera passer l�int�r�t de l�entreprise avant celui de ses dirigeants. Le n�potisme engendre g�n�ralement les pratiques suivantes : - la cr�ation de postes fictifs pour un membre de la famille ou de son groupe d�appartenance, l�acc�l�ration indue dans la promotion, l�attribution d�une mutation, d�un reclassement, etc. ; - la participation � la d�finition de la r�mun�ration d�un prot�g� ou � la d�finition de termes de r�f�rences �sur mesure�. Le �copinage� est une forme de n�potisme dans laquelle les faveurs vont aux amis et aux coll�gues. Dans l�usage populaire, les deux termes ont tendance � se confondre. Le corporatisme constitue une manifestation de copinage. Ainsi par exemple, dans de nombreux pays, des hauts postes sont attribu�s par pr�f�rence aux membres d�un m�me corps professionnel et les nominations des membres du gouvernement se font souvent sur la base du copinage. LE CLIENTELISME Le client�lisme consiste, pour le d�tenteur d�une autorit�, � accorder des avantages indus pour fid�liser des personnes et en faire ses oblig�s. Le client�lisme recouvre plusieurs pratiques : - le recrutement d�agents sur la seule base d�affinit�s politiques au m�pris des r�gles en vigueur ; - la cr�ation de postes en faveur d�amis politiques alors que leur utilit� n�est pas av�r�e ; - l�utilisation d�une position de pouvoir pour assurer l�impunit� d�amis politiques qui auraient commis des actes r�pr�hensibles ; - l�orientation de l�aide sociale aux populations en fonction de l�appartenance politique ; - le fait de favoriser sa r�gion dans le choix d�implantation d�un projet de d�veloppement au d�triment de sites plus appropri�s. LE PANTOUFLAGE Il d�signe la migration d�un fonctionnaire du secteur public vers le secteur priv�. Ce ph�nom�ne s�est amplifi� en raison du d�graissage de la Fonction publique, de la similitude des modes de gestion priv�s et publics, et du recours aux contrats � dur�e d�termin�e. Il se manifeste par un nouveau type de comportements o� les fonctionnaires n�envisagent plus le d�roulement de leur carri�re uniquement au sein des services publics. On compte les comportements suivants parmi les manifestations du pantouflage : - des cadres du secteur public changent leur conduite officielle afin d�am�liorer leurs perspectives professionnelles, lors de leur passage du secteur public au priv�. Cela concerne les employ�s de l�administration publique qui agissent de fa�on malhonn�te, injuste et partiale ou dont les d�cisions sont influenc�es par leurs projets d�avenir et par des offres d�emploi externes ; - les anciens fonctionnaires abusent des informations confidentielles obtenues dans l�exercice de leurs fonctions dans l�administration publique en les mettant � la disposition d�int�r�ts priv�s ; - les anciens fonctionnaires cherchent � influencer leurs homologues encore en poste pour obtenir d�eux des faveurs ou des informations confidentielles ; - la r�int�gration de fonctionnaires mis � la retraite, d�missionnaires ou limog�s peut donner lieu � des pratiques de pantouflage. La lutte efficace contre la corruption est loin d��tre un long fleuve tranquille. C�est avant tout une affaire de volont� politique, de pratiques d�mocratiques, de libert� d�expression, de respect des droits de l�homme, d�une plus juste redistribution des richesses, de combat contre la pauvret� et de libre implication de la soci�t� civile. Djilali Hadjadj (*) Nous mettons cette loi � la disposition des lecteurs int�ress�s du Soir d�Alg�rie � via Internet. Nous envoyer un email � soir_corruption