En visite aujourd�hui et demain en Alg�rie, sur invitation du FLN, Fran�ois Hollande, le premier secr�taire du Parti socialiste, a bien voulu r�pondre aux questions du Soir d�Alg�rie. Il explique � nos lecteurs le sens qu�il donne � cette visite et pourquoi pr�cis�ment maintenant ; le type de relations qu�il compte entretenir avec l�Alg�rie, si le PS arrivait au pouvoir en 2007, le devenir du trait� d�amiti� alg�rofran�ais, mis aujourd�hui sous le coude, et enfin comment le PS compte faire pour que les institutions fran�aises puissent �tre r�ellement repr�sentatives de la France et avoir sa couleur et sa composante sociologique caract�ris�e par des origines et des cultures diverses. Le Soir d�Alg�rie : Depuis de tr�s longues ann�es, l�Alg�rie a tr�s peu fait partie des programmes de visite de la plus haute hi�rarchie du PS. A quoi cela est-il d� ? Fran�ois Hollande : Depuis 30 ans, d��minents dirigeants du Parti socialiste sont venus en Alg�rie. Fran�ois Mitterrand, le premier, en 1976, pour rencontrer le pr�sident Boumediene. Le pr�sident Chadli a re�u Lionel Jospin en 1987 et Pierre Mauroy en 1991. Louis Mermaz, en juin 1992, est venu saluer le pr�sident Boudiaf avec un message de soutien du Parti socialiste fran�ais. Et lorsque nous avons �t� au gouvernement de la France durant les ann�es 1997/2002, les visites des ministres socialistes en Alg�rie ont �t� r�guli�res. Mais je tenais � faire, comme premier secr�taire du Parti socialiste, le d�placement � la veille des �ch�ances d�cisives de 2007 pour souligner la priorit� que je porte au resserrement des liens entre nos deux pays. Votre s�jour en Alg�rie, Monsieur Hollande, pr�cis�ment en ces jours de c�l�bration de la f�te de l�Ind�pendance, se veut-il un symbole ou alors la date de votre arriv�e � Alger est un hasard du calendrier ? J�ai voulu que ce moment corresponde � une volont� commune et puisse �tre utile. Le Parti socialiste peut demain avoir la responsabilit� de la France. Il est donc significatif qu�il veuille rencontrer d�ores et d�j� les principaux responsables des pouvoirs publics alg�riens, ainsi que les diff�rents partis politiques alg�riens. Et j�y vois plusieurs raisons essentielles. La France compte plus de trois millions de citoyens directement li�s � l�Alg�rie par leurs racines familiales. Rien de ce qui se passe dans nos deux pays ne peut donc nous laisser indiff�rents. En outre, l�Alg�rie avec la France doivent jouer un r�le moteur dans le d�veloppement d�un partenariat euro-m�diterran�en. Il n�y a donc dans ma visite, en ce mois de juillet o� nos deux pays comm�morent leurs f�tes nationales, aucun signe du hasard, mais un v�ritable choix politique. Quelle est votre position sur ce qui fait d�bat aujourd�hui, pour ne pas dire plus, qui cr�e plus que des tensions dans les relations alg�ro- fran�aises, en l�occurrence la non-reconnaissance des d�g�ts caus�s par le colonialisme fran�ais. Notre position est claire. La colonisation appelle la plus ferme condamnation : puisque c�est l�occupation par la force d�un pays par un autre et l�exploitation de ses ressources. L�entreprise coloniale s�est faite au service d�une minorit� de privil�gi�s. Quant � la guerre d�Alg�rie, elle a �t� comme toute guerre, une trag�die. Et nous devons �tablir ce devoir de v�rit�, au nom m�me des victimes de cette histoire commune. Cette reconnaissance des faits n�est pas, pour la France d�aujourd�hui, un exercice de mortification, mais au contraire une exigence de clart� pour apaiser les plaies du pr�sent, mais surtout pr�parer l�avenir. Pensez-vous que l�Alg�rie a raison, comme elle l�a encore fait par la voix de son pr�sident et par celle de plusieurs associations d�anciens moudjahidine, de trouver scandaleux qu�une telle loi ait �t� vot�e (m�me si l�article concern� a �t� abrog�), sachant qu�aujourd�hui en France, le retour des nostalgiques de l�Alg�rie fran�aise se manifeste avec force dans le paysage politique fran�ais ? La loi de f�vrier 2005, vot�e par la majorit� de droite, et notamment son article 4, n�a pas choqu� que les Alg�riens. Elle a bless� nos compatriotes d�Outre-Mer et a suscit�, chez nous, une vive �motion. Et pas seulement � gauche. Au point que Jacques Chirac a �t� conduit � retir� l�article, si controvers�, qui �reconnaissait le caract�re positif de la colonisation �. Vous avez raison de souligner l�influence de l�extr�me droite en France et la pression qu�elle exerce sur certains groupes. Mais, le peuple fran�ais, dans ses profondeurs, s�y refuse. Et c�est pourquoi il faut �viter tout amalgame et toute simplification. Et rappeler fortement ce qui est la r�alit� de l�histoire. Dans votre livre le Devoir de V�rit�, vous abordez r�solument les questions li�es � la colonisation, en Alg�rie notamment. Vous prenez courageusement position pour que la France pr�sente ses excuses pour son pass� colonial et ses cons�quences; dans quel cadre et � quelles conditions envisagez- vous de concr�tiser et d'officialiser cette prise de position ? J�ai voulu, au nom du Parti socialiste, condamner ce qui avait �t� de notre propre responsabilit�, et notamment les d�cisions du gouvernement de Guy Mollet, il y a 50 ans, sur les pouvoirs sp�ciaux en Alg�rie. Le Parti socialiste est, certes, l�h�ritier lointain de la SFIO, mais il est aussi et surtout celui de tous les militants et dirigeants, anonymes ou reconnus, qui ont refus� la guerre coloniale et ont d�fendu le choix de l�ind�pendance alg�rienne. Aujourd�hui, le retour sur notre histoire, dans le respect de nos deux peuples, est n�cessaire si l�on veut pr�parer l�avenir. C�est en �tant au clair sur le pass�, et notamment sur la condamnation de l�entreprise coloniale, que l�on pourra associer la France et l�Alg�rie dans un v�ritable trait� d�amiti�. Sa pr�paration doit mobiliser nos deux soci�t�s, car sa port�e d�passera largement le cadre de la relation d�Etat � Etat. Prenons le temps du d�bat et de l��change. M�me si officiellement la campagne �lectorale en vue des pr�sidentielles de 2007 n�est pas encore lanc�e, dans les faits, cette campagne est largement engag�e. A droite, et comme pour faire oublier les mauvais r�sultats �conomiques et sociaux de leurs mandats, les axes de campagne des candidats d�clar�s ou candidats potentiels prennent pour th�me central les aspects s�curitaires. La gauche n�est pas en reste elle aussi, dans la mesure o� un des ses candidats potentiels, en l�occurrence l�ancien Premier ministre, Lionel Jospin, vient de placer lui aussi ce th�me comme devant �tre central de la campagne. Cela se justifie-t-il et n�est-ce pas la mis�re sociale, le ch�mage, les promesses non tenues et non pas les immigr�s des banlieues qui font le lit de l�ins�curit� ? L�ins�curit� n�est acceptable nulle part, et la violence jamais n�est excusable, surtout quand elle frappe nos concitoyens les plus fragiles et les plus modestes La gauche doit montrer que ses r�ponses sont � la fois plus efficaces et plus humaines, que celles mises en �uvre par la droite. Elle doit affirmer sa fermet� vis-�-vis de la d�linquance, mais en m�me temps mettre en �uvre une politique globale de pr�vention, tout en luttant contre les causes sociales de la violence (les ghettos, la pauvret�, le ch�mage). La flamb�e de violence dans les banlieues en 2005 comme l�augmentation des agressions sur les personnes confirment la gravit� de la situation. La violence se d�veloppera si des solutions ne sont pas apport�es sur le terrain de l�emploi, de la formation, de l��ducation et de la lutte contre toutes les discriminations. C�est l�un des principaux d�fis que nous aurons � relever si la gauche revient aux responsabilit�s en 2007. Il ne s�agit pas l� d�un probl�me de populations �trang�res, mais d�un probl�me global qui concerne toute la nation. Il importe de ne pas stigmatiser ces quartiers car ils souffrent d�un abandon des politiques publiques depuis trop d�ann�es. En outre, les populations qui y vivent portent en elles des potentialit�s importantes. Beaucoup d��lus de terrain peuvent t�moigner des tr�sors d�intelligence, de combativit�, de talents que l�on y trouve. Raison de plus, s�il en fallait, pour nous engager dans une politique d�envergure envers nos banlieues. A propos justement de banlieue, votre parti est le premier � officialiser la d�signation de ses candidats pour 2007, candidats qui seront enfin plus repr�sentatifs de la soci�t� fran�aise ; en particulier vous avez investi Faouzi Lamdaoui � Argenteuil, l� o� M. Sarkozy a prononc� l�ignoble qualificatif de �racaille� des banlieues, quartier d'o� sont ensuite parties les �meutes de novembre 2005. Quelle port�e donnez-vous � cette d�signation ? Quel message souhaitez-vous envoyer aux Fran�ais en g�n�ral, ceux issus de l�immigration. Doit-on aussi y voir un message adress� plus sp�cifiquement aux Alg�riens eux-m�mes ? J�ai pris l�engagement de favoriser au sein du Parti socialiste la repr�sentation de la diversit� de la soci�t� fran�aise. Cette volont� s�est traduite au moment des �lections r�gionales et europ�ennes et nous avons poursuivi cet effort � l�occasion des d�signations aux l�gislatives. Dans plus de 20 circonscriptions, le Parti socialiste sera repr�sent� par des candidats issus de l�immigration. C�est un message fort que je veux faire passer. Nous sommes tous citoyens fran�ais quelles que soient nos origines et l�Assembl�e nationale comme les collectivit�s locales et territoriales, comme les partis, doivent �tre � l�image de la France. De toutes les couleurs et de toutes les origines. Chacun doit pouvoir se sentir pleinement repr�sent� dans la R�publique. C�est un droit, mais il comporte aussi des devoirs. Je compte sur cette nouvelle g�n�ration pour promouvoir les valeurs de fraternit�, de libert�, d��galit� et de la�cit�. Vous venez accompagn�, entre autres, de d�put�s ou responsables du PS d�origine alg�rienne. Qu�apportent ces responsables au PS et que fait le parti pour que la repr�sentation de la communaut� issue de l�immigration soit plus fortement repr�sent�e dans les institutions ? Nous comptons d�j� dans nos rangs de nombreux �lus dans les conseils municipaux, dans les conseils g�n�raux et dans les conseils r�gionaux d�origine maghr�bine. Ces �lus ont �t� d�sign�s par les militants socialistes, puis choisis par la majorit� des �lecteurs. Ils ont donc une parfaite l�gitimit� d�mocratique. Bariza Khiari est s�natrice, Kader Arif est d�put� europ�en et exerce depuis longtemps des responsabilit�s �minentes au sein du Parti socialiste et Faouzi Lamdaoui avec d�autres de ses camarades originaires du Maghreb ont �t� d�sign�s comme candidats aux prochaines �lections l�gislatives. On regarde toujours les sportifs, bien s�r � et comment ne pas penser en ce moment au plus illustre d�entre eux, Zin�dine Zidane � et les chanteurs ou les artistes; mais, on devrait aussi regarder les enseignants (de l�instituteur � l�universitaire), les fonctionnaires, les m�decins, les journalistes, les ing�nieurs, les chefs d�entreprise, les cadres de l�administration territoriale� Bref, tous les secteurs de la vie �conomique, sociale, culturelle o� les Fran�ais de toute origine font chaque fois la preuve de leurs comp�tences. Et pourtant, on peine, malheureusement, � refl�ter fid�lement la composition sociale dans la r�alit� politique : les ouvriers, les femmes, les citoyens repr�sentant la diversit� ont toujours �t� sous-repr�sent�s et le Parti socialiste a le devoir d�inverser ce mouvement. Nous n�arr�terons pas nos efforts, car il y va de la vitalit� de notre d�mocratie et de notre coh�sion sociale. La France est belle de tous ses talents. A propos toujours d�immigration, jamais la France n�a connu, comme actuellement sous la droite, autant de structures qui ont officiellement pour charge soit une meilleure int�gration, soit la lutte contre l�exclusion, contre le racisme et l�acc�s � l�emploi sans discrimination� Mais les Fran�ais d�origine �trang�re ou les immigr�s ne sont plus dupes, ils apprennent chaque jour qu�en France l�int�gration, la lutte contre les discriminations, etc. sont en r�gression. Que propose le Parti socialiste dans son programme, pour avancer dans ce domaine et faire en sorte que les institutions fran�aises soient � l�image de la composante sociologique de la France ? La France aujourd�hui souffre de trop d�in�galit�s. Mais son mod�le r�publicain est lui aussi en difficult�. Il peine � r�pondre � l�aspiration l�gitime de la r�ussite pour tous. Dans ce contexte de ch�mage de masse, s�ajoutent pour certains de nos concitoyens des discriminations qui sont inacceptables. C�est pourquoi dans le projet socialiste nous mettons l�accent sur deux piliers essentiels du pacte r�publicain. L��ducation d�abord, car sans formation qualifiante, de nombreux jeunes ne peuvent plus se projeter dans l�avenir. Il s�agit aussi de lutter contre les discriminations, en sortant les banlieues de la logique de ghettos dans laquelle elles sont enferm�es, et en permettant � chaque citoyen d�acc�der � un emploi, un logement et une promotion professionnelle en fonction de ses seules qualit�s et sans subir de discriminations li�es � ses origines ou � son lieu de r�sidence. Le projet de trait� d�amiti� entre l�Alg�rie et la France est aujourd�hui dans les oubliettes. Qu�est-ce qui, selon vous, l�a fait capoter ? Dans le cas de victoire du PS aux prochaines pr�sidentielles, que ferait votre parti de ce projet de trait� et plus g�n�ralement comment envisageriez- vous les relations avec l�Alg�rie ? Cette id�e d�un partenariat exceptionnel entre la France et l�Alg�rie a �t� �voqu�e pour la premi�re fois lors de la visite du pr�sident Bouteflika � Paris en juin 2000. Le gouvernement de Lionel Jospin comme le pr�sident Chirac y ont aussit�t consenti et leur travail sur le texte s�est largement avanc� du c�t� alg�rien comme du c�t� fran�ais. Ce qui y manque, c�est la volont� politique et la confiance durable. Aujourd�hui, � mon grand regret, et alors que la coop�ration franco-alg�rienne a rarement aussi bien fonctionn�, des probl�mes importants li�s � l�Histoire et � la m�moire viennent jeter une ombre sur ce projet et freinent un processus prometteur. Si le peuple fran�ais nous rappelle en 2007 aux responsabilit�s, je peux vous assurer que nous reprendrons, de mani�re sereine et claire, cette d�marche visant � �tablir durablement notre amiti� garante d�une relation sinc�re et forte entre nos deux peuples.