Un s�minaire international sur le th�me : �L�ouverture �conomique dans la r�gion sud-m�diterran�enne, impacts et perspectives� vient de se tenir � Barcelone et a r�uni des entrepreneurs et universitaires des pays des deux rives de la M�diterran�e. Les expos�s qui y ont �t� pr�sent�s et surtout les d�bats qui s�en sont suivis ont �t� bien int�ressants et instructifs, notamment ceux qui ont port� sur l�avenir des industries maghr�bines � la suite de la mise en �uvre des accords d�association qui lient ces �conomies � l�Union europ�enne. Nous avons �t� frapp�s par les chiffres qui ont �t� pr�sent�s par une �quipe de recherche qui associe chercheurs maghr�bins et europ�ens (fran�ais et espagnols), et qui ont �t� produits par des travaux de simulation �conom�triques, certes � manier avec prudence, mais qui tracent tout de m�me les tendances lourdes qui vont marquer l�ouverture commerciale que portent ces accords d�association euro-m�diterran�ens. La premi�re observation qui m�rite d��tre soulign�e est donc celle qui a trait aux statistiques qui ont �t� pr�sent�es lors de ce s�minaire : les donn�es chiffr�es montrent bien que �l��change in�gal� est toujours l� et que les relations commerciales lib�ralis�es qui se d�veloppent entre les deux rives p�nalisent les pays tiers-m�diterran�ens dont les �conomies ne sont pas encore pr�par�es � tirer quelques r�sultats positifs de ces accords d�association. Ainsi, les trois pays du Maghreb : Maroc, Alg�rie et Tunisie perdront 1,7% � 2% de leurs PIB par suite de l�ouverture de leurs industries nationales � la concurrence des produits industriels europ�ens plus comp�titifs et qui prendront d�importantes parts de march�s int�rieurs aux entreprises maghr�bines. De l�autre c�t�, l�ouverture r�ciproque des march�s europ�ens aux produits industriels maghr�bins n�aura pas d�impact positif sur les balances commerciales maghr�bines. Il faut en effet souligner que les produits industriels maghr�bins, qui b�n�ficiaient d�j� d�un d�mant�lement tarifaire aux fronti�res europ�ennes ne sont pas comp�titifs ni avec les produits europ�ens ni avec les produits asiatiques, notamment chinois, sud-cor�ens, malaisiens et indiens qui arrivent sur les march�s d�Europe. Cette premi�re conclusion a d�j� �t� �tablie par d�autres travaux mais le s�minaire l�a confirm�e pour ne pas dire valid�e. - 2e Dans le domaine agricole, la perte due � l�ouverture est �valu�e � une valeur de l�ordre de 1,3% � 1,5% du PIB pour les pays maghr�bins. Dans ce domaine aussi, les exportations agricoles marocaines et tunisiennes souffriront de la concurrence des pays d�Europe centrale et orientale (PECO). - 3e La troisi�me �valuation qui a �t� pr�sent�e et d�battue a trait � la perte des parts de march� int�rieur que vont enregistrer, plus particuli�rement, les industries agroalimentaires des pays maghr�bins. Lorsque la lib�ralisation commerciale sera g�n�ralis�e et que l�ensemble des barri�res tarifaires et non tarifaires seront tomb�es comme le pr�voient les accords, la part de march� des fournisseurs nationaux sur leurs propres march�s passera de 81% (aujourd�hui) � 23% au moment o� le d�mant�lement sera total. Lorsque la baisse des droits de douane sera de 50% d�j�, la part de march� des fournisseurs nationaux passera de 81% � 57%. La part de march� accapar�e par les fournisseurs europ�ens dans les pays maghr�bins passera, quant � elle, de 31% � 57% (dans le cas d�une seule r�duction des droits de douane de 50%). Les entreprises des pays maghr�bins subiront s�v�rement les effets n�gatifs de la lib�ralisation g�n�ralis�e. Si l�on en croit les �tudes pr�sent�es lors de ce s�minaire, 1/3 des entreprises �tiendront le coup�, 1/3 des entreprises n�cessiteront une s�rieuse mise � niveau, 1/3 des entreprises fermeront les portes et d�poseront leurs bilans. Bien �videmment, les cons�quences de ces fermetures sur l�emploi vont �tre socialement lourdes : dans les entreprises industrielles, les pertes d�emplois sont estim�es � 15% de l�emploi total. La raison de ces cons�quences bien n�gatives est � rechercher, en tout premier lieu, dans les diff�rentiels de productivit� qui existent entre les entreprises de la rive sud et ceux de la rive nord de la M�diterran�e. Et ce diff�rentiel ne cesse de cro�tre, la productivit� des entreprises europ�ennes (productivit� apparente des facteurs capital et travail, productivit� globale s�entend) �tait en 1980, trois fois sup�rieure � celle des pays tiers-m�diterran�ens. Elle est cinq fois sup�rieure en 2000. Les entreprises europ�ennes ont-elle creus� encore plus l��cart en 2006 ? Tout porte � le croire, aussi bien les retards des programmes de mise � niveau des entreprises maghr�bines, que les projets r�alis�s dans la recherche innovation dans les pays europ�ens. - 4e La mise en application des accords d�association signifie avant toute chose le d�mant�lement tarifaire. Compte tenu de l�importance des programmes d�importation des pays maghr�bins, la disparition des taxes douani�res entra�ne un manque � gagner consid�rable en termes de recettes parafiscales. Elles ont �t� �valu�es pour l�Alg�rie � quelque 100 milliards de dinars par an, 25 milliards de dirhams au Maroc et quelque 5 milliards de dinars tunisiens en Tunisie. Toutes ces pertes de parts de march�, d�emploi, de recettes budg�taires sont-elles le prix � payer par les pays maghr�bins pour �tre au niveau des exigences de la mondialisation. Peut-�tre, mais rien n�est automatique, ces contraintes, n�es de l�ouverture commerciale des �conomies maghr�bines, ne seront des contraintes d�efficacit� que si les Etats maghr�bins mettent en �uvre de v�ritables strat�gies d�accompagnement de leurs entreprises dans diff�rents domaines. Et en tout premier lieu, l�am�lioration du climat des affaires qui va all�ger l�entreprise des carcans qui p�sent sur elle. Mais l� o� l�Etat est le plus sollicit�, c�est dans le domaine de ce que les sp�cialistes de l��conomie d�entreprise appellent les �facteurs coop�rants� c�est-�-dire tous ces facteurs qui influent directement sur les niveaux de productivit� : formation pour am�liorer la qualification des ressources humaines, recherche, innovation pour am�liorer la qualit� des produits et en cr�er de nouveaux, mise � niveau des �quipements et des technologies�. Toutes ces actions sont � prendre en charge par l�Etat dans cette phase de �r�habilitation� de la culture d�entreprise. Il faut que l�Etat pr�pare s�rieusement l�entreprise � prendre le relais et � fabriquer, dans un deuxi�me temps, par elle-m�me la croissance. Les entrepreneurs sudcor�ens, malaisiens, ta�wanais qui inondent aujourd�hui les march�s mondiaux de leurs marchandises savent bien ce qu�ont fait pour eux, leurs propres Etats. Les �conomies ferm�es, construites sur le seul march� int�rieur et ne participant pas � l��change international, aux mouvements mondiaux de capitaux et refusant les r�volutions num�riques qui ont fait du monde, le petit village - les �conomies de ce type ont fait long feu. De plus, aujourd�hui les strat�gies des firmes l�emportent sur les strat�gies des Etats et pour nos pays, il s�agit � pr�sent de construire ces firmes et non pas de continuer � faire de l�Etat l�alpha et l�om�ga de toute la vie �conomique. Une telle voie est sans issue. Et parmi les processus de mutation syst�mique qui sont en cours aujourd�hui dans le monde, et notamment dans notre r�gion, notre pays est le plus en retard.