Histoire bouleversante, celle d�un gamin, aujourd�hui devenu un homme, �g� de 51 ans, victime d�un oubli de l�Etat qui s�appelait autrefois �l�Alg�rie fran�aise�. Lui, c�est Robert Palmade, c�est ainsi que sa m�re biologique l�a nomm� � sa naissance, le 24 juillet 1955, � Aumale (Sour-El-Ghozlane), avant de l�abandonner devant un orphelinat. Robert est donc un pupille de l�Etat qui, normalement, devait �tre rapatri� en France au lendemain de l�ind�pendance, comme le stipule la loi. Hors, la France, en quittant l�Alg�rie, a tout laiss� derri�re elle ; des dizaines d�enfants abandonn�s � leur sort. Une fois constitu�, l�Etat alg�rien a tent� de prendre en charge ces enfants en les pla�ant dans des familles d�accueil. En 1969, le gouvernement alg�rien a promulgu� une ordonnance qui instaurait l�arabisation des noms des pupilles de l�Etat. Une instruction qui a �t� appliqu�e � certains, seulement. Robert Palmade a �t� plac� dans plusieurs familles d�accueil, dont la derni�re a bien voulu lui donner un nom et un pr�nom arabes. Robert Palmade est devenu Acheli Mourad-Abdelkader, tandis que les autres familles d�adoption l�appelaient Abdelkader. Plusieurs identit�s pour un m�me qui a �t� contraint de quitter l��cole � l��ge de treize ans, pour se consacrer aux travaux des champs avec sa famille d�adoption, apr�s que l�assistance publique n�eut plus donn� signe de vie pour le soutien financier � la prise en charge de l�enfant. Boulevers� d�s son jeune �ge par l�absence de rep�res identitaires, les d�boires de Robert Palmade ont commenc� s�rieusement quand il avait 18 ans et s�appr�tait comme tout Alg�rien, � effectuer son service militaire. Un refus lui fut ainsi signifi�, expliquant que le nom de Acheli Mourad- Abdelkader n�existait pas dans les services de l��tat civil alg�rien, Robert, Palmade est consid�r� comme fran�ais, malgr� qu�il circulait avec une carte d�identit� et un permis de conduire alg�riens. C�est alors qu�il s�adressa en 1979 aux services consulaires de l�ambassade de France en Alg�rie, qui, apr�s v�rification et enqu�te, l�ont r�tabli dans ses droits de citoyen fran�ais. Il s�installa en France, mais a refus� d�abandonner son combat pour arracher ses droits des deux Etats dont il a �t� victime. Il a certes accept� la nationalit� fran�aise, mais a continu� � frapper � toutes les portes en Alg�rie pour �r�cup�rer �, son identit� d�origine. Car � chaque fois que Robert a besoin d�un acte de naissance, c�est � Sour- El-Ghozlane qu�il va le chercher. A l�aide d�un avocat, Robert Palmade a eu gain de cause, seulement en 1996, lorsque l�Etat alg�rien a reconnu son identit� alg�rienne et lui a d�livr� la nationalit�. Ce n�est pas fini ! En voulant se marier avec une Alg�rienne, Robert Palmade s�est confront�, encore une fois, � la bureaucratie administrative. De par son nom europ�en, les services de l��tat civil ont exig� de Robert Palmade une attestation de reconversion � l�islam. Lui qui a grandi au milieu d�une famille kabyle, qui parle l�arabe et le kabyle parfaitement, et qui a connu l��cole coranique se voit oblig� de justifier son appartenance religieuse par un document d�livr� par la mosqu�e de Paris. �C�est une aberration parmi des centaines d�autres que j�ai v�cues que ce soit en Alg�rie ou en France�, nous confie-t-il. �J�en ai ras-le-bol de subir les humiliations des uns et des autres, marre de raconter mon parcours � chaque bout de chemin, je suis fatigu�, dit-il avec beaucoup de lassitude. Fatigu�, certes, mais aucunement l�intention de baisser les bras. �Je n�aurais pas la conscience tranquille tant que les deux Etats, � l�origine de mes malheurs, ne reconnaissent pas leurs erreurs. Je veux des excuses et des d�dommagements pour tout ce que j�ai subi comme pression et m�pris�, a-t-il lanc�. Ce qui terrorise aujourd�hui Robert Palmade, c�est de voir son enfant adoptif �g� de deux ans, subir les cons�quences de cette erreur commise par l�administration fran�aise et qui n�a pas �t� corrig�e par l�Alg�rie ind�pendante. �Mes craintes sont justifi�es, la preuve, la premi�re demande d�adoption formul�e en France, a �t� rejet�e, en raison de mon pass� instable. La kafala en Alg�rie nous a �t� accord�e � la condition que la demande soit faite au nom de jeune fille de mon �pouse�, affirme M. Palmade, qui ne cache pas son amertume face � une administration incomp�tente et insouciante aux souffrances des autres. C�est un t�moignage historique et � la fois vivant que Robert a voulu apporter aujourd�hui. �Je veux que l�opinion publique soit inform�e des s�quelles de la colonisation. L�histoire n�est pas derri�re nous, des centaines d�autres pupilles de l�Etat subissent le m�me parcours tragique que moi. Il faut que cela cesse � jamais et que chacun reconnaisse ses responsabilit�s �, tient-il � lancer. Rosa Mansouri