Palmade Robert. Achli Abdelkader. Deux noms, deux prénoms, deux nationalités, une seule personne… ! Cet imbroglio civil résume, à lui seul, l'histoire cahoteuse d'un enfant, aujourd'hui un homme âgé, qui a subi les dommages collatéraux de la colonisation française. Né le 24 juillet 1955, à Aumale, aujourd'hui Sour El Ghozlane, le petit bout de chou ne connaîtra jamais ses géniteurs qui ont préféré ne pas adopter un enfant né d'une relation extraconjugale. Sa mère, qui a gardé l'anonymat, l'a placé au niveau de l'Assistance publique sous le pseudonyme de Palmade Robert. Pupille de l'Etat français bien sûr, le petit Robert est ballotté d'un centre spécialisé à un autre et d'une famille algérienne à une autre. Après l'indépendance de l'Algérie, la France a naturellement oublié son enfant. En 1967, Robert a atterri dans une famille d'origine kabyle à Draria. En 1973, l'enfant subira son premier choc : les autorités lui ont changé d'autorité son identité. Le petit Français s'appellera désormais Achli Abdelkader, le nom de ses parents adoptifs. L'ordonnance n° 169-5 de 1969 est passée par là. Et par une argutie juridique incroyable, il obtient un permis de conduire et une carte nationale d'identité sous sa nouvelle identité sans même exhiber un acte de naissance. Et pour cause, l'acte de naissance ne pouvait être délivré à Sour El Ghozlane qu'au nom de Palmade Robert, tel qu'il est enregistré. Le jeune homme ne pouvait donc travailler sous une double identité qui n'en vaut pas une seule, puisque il n'est reconnu ni en Algérie ni en France. En 1978, il se rapproche opportunément du consulat de France à Alger. Après enquête, il a pu obtenir ses papiers pour rentrer « chez lui ». Un chez-lui qui s'avère être un no man land pour Robert qui n'a ni diplôme ni argent sur lui. Après bien des péripéties, il arrive à faire la rencontre de sa vie. Celle qui allait le mener à un retour aux sources. Converti à l'Islam par un document dûment signé par le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, un fidèle à qui il raconta son histoire lui propose de le marier à sa sœur établie en Algérie. Une autre bataille à mener et une terrible bureaucratie à subir pour arracher son droit d'épouser une… Algérienne. Mais, courageux, Robert enjambera toutes les barrières dressées devant lui pour enfin franchir la ligne d'arrivée : épouser la femme de sa vie et obtenir, en 2001, le passeport vert au nom de Palmade Robert qu'il garde et exhibe fièrement avec le rouge de l'Etat français. Robert retrouvera ainsi le droit chemin, il veut donner un sens à sa vie : adopter un bébé. Un autre chemin de Croix et une ultime bataille à livrer. Alors que l'administration algérienne lui signifie qu'elle ne pouvait pas mettre à sa disposition un enfant parce qu'il porte un nom à consonance française, les autorités de l'Hexagone rechignaient à lui accorder ce droit eu égard à son enfance difficile. Mais, doté d'un caractère d'acier, forgé dans la douleur et la solitude, Palmade Robert finira, en 2006, par obtenir ce qu'il désirait par dessus tout : la petite Amel. Un espoir qu'il nourrissait depuis ces longues années de souffrance. Le destin semble sourire désormais à Robert qui vient d'obtenir un dédommagement de 45 000 euros de l'Etat français pour l'avoir oublié en 1962.