Au moment o� les luttes de clans du pouvoir s�exacerbent pour la sauvegarde et la pr�servation des parts de la rente p�troli�re, le docteur Sa�d Sadi, pr�sident du Rassemblement pour la culture et la d�mocratie (RCD) rompt le long silence qu�il s��tait impos� �afin d�emp�cher le pouvoir de pervertir ses propos�. Il sort de sa r�serve � l�occasion de l�ouverture de la 8e universit� d��t� qu�organise son parti � Zemmouri-El-Bahri (w. de Boumerd�s). Il interpelle, une autre fois encore la soci�t� sur les dangers qu�encourt notre pays qui, � suivre l�intervention du leader des d�mocrates, est assis sur un baril de poudre pouvant causer des d�g�ts plus importants que ceux subis � ce jour. �Il ne faudrait pas compter sur nos dirigeants pour anticiper sur les probl�mes majeurs qui surviendront.� Les erreurs et les errements politiques se paient cher et le refus d�instaurer et d�instituer au lendemain de l�ind�pendance le d�bat avaient emp�ch� la soci�t� de fonctionner par consensus. C�est d�sormais le divorce soci�t� et Etat qui est consomm�, estime Sadi. La responsabilit� incombe � tous, d�s lors que le niveau de d�liquescence a atteint une ampleur sans pr�c�dent. Sadi refuse d��tablir un bilan pol�mique. Comme en 1993, lorsqu�il avait appel� � la r�sistance citoyenne contre le terrorisme islamiste, il se situe en dehors des dogmes et de la politique politicienne pour alerter ses concitoyens sur la gravit� de la situation actuelle et, surtout, le risque d��clatement de l�Alg�rie : �l�Unit� et la coh�sion nationale sont en danger�, mart�le-t-il. Il commence son bilan sur les r�f�rents constituant le socle de l�Etat alg�rien. Les concepteurs ont reproduit les sch�mas de l�administration ottomane sp�cialis�e dans la ponction fiscale, le jacobisme fran�ais lequel n�est pas un mod�le le plus r�pandu dans le monde et le centralisme d�mocratique tr�s pris� par les pays sous-d�velopp�s, �l�Alg�rie n�a pas eu l�Etat qu�elle m�ritait�. A ce handicap de d�part se sont greff�es les incoh�rences du r�gime. Le diagnostic est sans complaisance : �Les institutions portent les marques de leurs cr�ateurs : personnalisation du pouvoir, opacit� dans la gestion, absence de m�canisme de contr�le. L�Etat n�est pas au service de la collectivit�, il a �t� charg� de contr�ler la soci�t�.� Il n�attend plus rien du pouvoir en place �la nature du r�gime bride et neutralise toute possibilit� d�effort.� Il rappelle trois exemples, notamment le retour de Boudiaf assassin� en direct � la t�l�vision, la tentative de d�cr�dibiliser la r�sistance citoyenne contre le terrorisme et l�incapacit� du r�gime d�injecter dans le circuit �conomique la manne miraculeuse du p�trole pour soulager du fardeau de la pauvret� que vit la majorit� des Alg�riens. Par ailleurs, l�orateur d�cortique le fonctionnement r�gionaliste du pouvoir dans notre pays. �En plus des d�rives politiques graves, le tribalisme s�vit au sommet de l�Etat, il n�est pas condamn� comme r�gression, par contre, il exasp�re des sectarismes des cadres de l�Est d�non�ant l�h�g�monie de l�Ouest. En retour, des dirigeants oranais, et pas des moindres, r�torquent que leur tutelle actuelle sur le pays n�est que justice puisqu�ils ont �t� chass�s du pouvoir depuis 1962. Alors la pendule r�gionaliste rythme les affrontements qui s�vissent. C�est une r�alit� et une constante dans la r�partition du pouvoir. Elles structurent l�argumentaire politique du s�rail�, ce qui entra�ne, selon lui, des diverses communaut�s lesquelles, fautes de perspectives transparentes, visibles et lisibles sont tent�es de se regrouper et de s�identifier � ces sectes o� l�opacit� et le client�lisme constituent un fondement de la relation sociale et de l�organisation politique de la cit� alg�rienne un demi-si�cle apr�s l�ind�pendance. Et pour cause, des comp�tences saines ont �t� pouss�es � l�exil. �Nous avons vu que face � la violence islamiste et l�incapacit� des dirigeants de donner des r�ponses � la mesure des enjeux ont pouss� les meilleurs cadres du pays � s�exiler, convaincus que leur pays avait d�finitivement fait le choix du pire, privant du m�me coup la nation de ces classes moyennes qui sont partout le liant structurant de l�espace social et le potentiel capable de construire une d�mocratie.� Pire, le num�ro un du RCD cite le cas des populations du sud du pays que la d�liquescence du pouvoir lequel accapare et achemine les p�trodollars vers le Nord, laisse aux Alg�riens du sud mis�re et pr�carit� et les pousse par cons�quent � des tentations vers l�irr�parable. Finalement, l��quilibre r�gional tant chant� par la propagande officielle n�est qu�une chim�re : �Les populations du sud du pays vivent de plus en plus leur marginalisation comme une volont� du pouvoir halog�ne qui n�a pas su les reconna�tre en tant que citoyens capables de dire leur mot sur la gestion de leur quotidien. Une phrase en vogue dans tout le pays r�v�le leur frustration : la vache est au Sud et le lait est au Nord.� L�orateur r�v�lera aussi � un auditoire m�dus� �un courant de r�flexion sur la scission se structure dans le sud du pays�. Plus grave encore, l�arm�e qui, nagu�re en cas de crise majeure, constituait un rempart pour le maintien de la coh�sion nationale, serait pr�sentement incapable d�assumer cette mission tant elle a �t� d�stabilis�e. Aux probl�mes internes viendront s�ajouter ceux qui remonteront du subsaharien dont les instigateurs lorgnent les richesses du sous-sol alg�rien. N�a-t-on pas entendu, en effet, des voix inviter des tribus du Grand Sahara se constituer en f�d�ration ? Autre probl�me signal�. �Selon des estimations fiables, d�ici une dizaine d�ann�es notre pays sera oblig� d�accueillir, sans moyens ad�quats entre 30 et 40 millions de migrants fuyant la mis�re du subsaharien�, avertit par ailleurs le docteur Sadi qui s�interroge en outre sur l�identit� des groupes arm�s qui �cument � l�heure actuelle le Sahara. Qu�� cela ne tienne ! Les �checs successifs qu�enregistre notre pays ne constituent pas, du moins pour Sadi, une fatalit�. Il r�it�re par cons�quent son appel aux d�mocrates pour se constituer en alternative. Il propose un d�bat serein dans le respect des opinions divergentes. �Il ne s�agit pas de lancer la chasse aux sorci�res ni d�organiser des putschs�, dit-il en fixant une limite par rapport au r�gime. �On ne peut pas �tre le client du r�gime qu�on veut changer�, affirme l�orateur qui se dit horrifi� par l�id�e m�me du vote utile et qui refuse d��tre l�un des constructeurs d�une d�mocratie �sp�cifique�. Cette approche est, d�apr�s lui, une mani�re de renforcer le r�gime. L�alternative, le RCD remet � jour son projet de refondation nationale ayant comme pierre angulaire l�Etat unitaire r�gionalis�. C�est une mani�re, selon les concepteurs de ce projet, de d�connecter d�finitivement l�Etat alg�rien du mod�le jacobin h�rit� du colonialisme fran�ais. Poursuivant son analyse, le pr�sident du RCD estime que le mal qui ronge l�Alg�rie est tel que toute r�forme est vou�e � l��chec, si au pr�alable la formulation de la nature de l�Etat alg�rien n�est pas revue. Cette r�gionalisation, les RCDistes la veulent comme antidote du r�gionalisme en cours dans notre pays. S�inspirant fortement du d�coupage politico-militaire instaur� par le congr�s de la Soummam qui avait eu comme r�sultat, l�ind�pendance politique du pays. Elle est modulable parce que s�articulant sur les sp�cificit�s r�gionales. Elle permettra la cr�ation de gouvernements et parlements r�gionaux, v�ritables instruments de la gestion des probl�mes des localit�s et des citoyens. La responsabilit� politique se trouvera ainsi � proximit� des populations concern�es. Bien entendu, les questions de souverainet� (D�fense, monnaie, Affaires �trang�res...) sont du ressort du gouvernement central. Le docteur Sa�d Sadi est l�un des politiciens dont la lucidit� lui permet d�appr�hender les �v�nements. Depuis 20 ans, il n�a de cesse de pr�venir des failles du syst�me en place et des drames pr�visibles. Il n�a pas souvent �t� �cout�. Rappelons ses pr�visions sur les �meutes de 1988, son opposition quant � la politisation de la religion qui a d�g�n�r� en guerre sanglante, sa demande pour le r��chelonnement de la dette ext�rieure qui s��tait effectu�, malheureusement, trop tard et dans des conditions sociales dramatiques, la question de la Kabylie qui a eu pour r�sultat le Printemps noir, l�argent du p�trole qui s�est envol� vers l��tranger... Le sera-t-il, cette fois-ci lorsqu�il �value les probl�mes qui se sont malheureusement aggrav�s ? Il faut esp�rer que oui. Sinon, cela sert � quoi de garder l�espoir dans un pays qui risque la dislocation � la somalienne et que ses dirigeants ont d�ores et d�j� mis � l�abri, sous d�autres cieux, leur prog�niture et leurs capitaux.