Revoil� Abdessabour Chahine, repr�sentant de Dieu autoproclam� sur la terre d'Egypte, en guerre contre la raison et tirant � vue sur la moindre de ses manifestations. Universitaire de son �tat, Abdessabour Chahine a d�cid� d'�radiquer tout esprit critique ou semblant d'esprit critique des facult�s �gyptiennes. Il n'h�site pas � d�f�rer devant la justice pour "atteinte � la religion" tout homme qui se hasarde � r�fl�chir, � haute voix, sur le contenu des textes sacr�s. En d'autres temps, la justice du pays aurait eu d'autres chats � fouetter mais, hasard ou opportunisme, les plaintes de Chahine sont toujours trait�es avec c�l�rit� (1). L'infatigable redresseur de torts, caus�s � une soci�t� ronronnante par l'usage de la raison, vient de prendre pour cible l'un de ses coll�gues, Hassan Hanafi, professeur de philosophie. Ce dernier est, en effet, sous le coup d'une action en justice pour h�r�sie devant les tribunaux du Caire. Abdessabour Chahine reproche � Hassan Hanafi d'avoir relev� des contradictions entre les saints noms de Dieu et, surtout, d'avoir livr� ses r�flexions au grand public. Chahine consid�re que les conclusions du professeur portent atteinte � Dieu et � l'Islam. Le fait d'en informer l'opinion �quivaut pour Hassan Hanafi � proclamer son h�r�sie. Il est donc somm� par le justicier Chahine de se renier et de se repentir sous peine des pires ch�timents pr�vus par la Charia. Quant aux r�flexions de Hassan Hanafi, elles portent, selon notre confr�re Achraf Abdelkader, sur quelques contradictions manifestes entre les attributs divins, comme celles existant entre la bienveillance et la s�v�rit�. En r�alit�, ce qui suscite le courroux de Abdessabour Chahine et de ses amis, c'est l'exploitation des propos de Hassan Hanafi par la cha�ne adventiste Al-Hayat. Le rus� et �rudit p�re Zaccharia, copte �gyptien, n'est pas un inquisiteur mais un redoutable bretteur. Tous les th�ologiens de l'Islam le d�testent et il le leur rend bien puisque son objectif est de convertir le maximum de musulmans au christianisme. Ses meilleurs alli�s sont dans la place et son arme principale est la stupidit� des Chahine et consorts. Lorsqu'il appelle ses t�l�spectateurs arabes � lire les Evangiles sur Internet, par crainte des exactions qu'ils risquent dans leurs pays, il sait que les Abdessabour Chahine sont l�gion et qu'ils confortent son discours. Le "procureur de Dieu" au pays des pharaons n'en est pas � sa premi�re affaire. Il a ainsi r�ussi, il y a quelques ann�es, � faire un proc�s retentissant � l'�crivain Nacer Hamed Abou Zeid. Motif : l'universitaire recommandait de lire le Coran avec la raison. Bien s�r, le r�quisitoire du procureur Chahine fut suivi et valid� par une condamnation : la rupture de son mariage avec sa femme Ibtihal. Bien entendu, cette derni�re refusa la sentence et le couple vit actuellement exil� en Hollande, sans espoir de retour (2). Commentant la derni�re initiative du grand inquisiteur �gyptien, Achraf Abdelkader affirme que ses compatriotes doivent faire preuve de courage en religion. "Nous devons reconna�tre, dit-il, qu'il y a de nombreuses contradictions, non seulement dans les saints attributs de Dieu mais aussi dans la Sunna et les Hadiths. Il y a eu dans ce domaine de nombreux textes falsifi�s et d'autres invent�s de toutes pi�ces, ajoute notre confr�re. Je prends l'exemple du Hadith qui dit : "Celui qui change de religion, tuez le !". Ce Hadith est certainement faux puisqu'il contredit plusieurs versets du Coran. Malgr� �a, les trabendistes de la religion s'y r�f�rent constamment. Si ce Hadith est authentique, comment expliquer alors ces versets : "Vous avez votre religion et moi la mienne" ; "Il n'y a pas de contrainte en religion". Achraf Abdelkader qui d�nonce la profusion de "fetwas", bas�es sur des Hadiths faibles ou apocryphes, en appelle � une r�vision d�chirante des textes religieux, "pour en finir avec tous les drames provoqu�s par les divergences d'interpr�tation". C'est la m�me d�nonciation que l'on peut retrouver sous la plume du billettiste attitr� d' Al-Akhbar, Ahmed Rajab, lorsqu'il �crivait : "Le monde autour de nous se consacre � la science et � la technologie tandis que nous nous attachons aux fetwas religieuses utiles. La fetwa qui interdit d'appeler son �pouse "ya mama" (maman) afin qu'elle ne devienne pas illicite pour lui comme si elle �tait sa m�re. Ou bien la fetwa qui veut que l'�pouse donne le sein aux employ�s (m�les) de la maison de fa�on � ce qu'elle devienne illicite pour eux. C'est ainsi que de nombreux d�vots �clair�s ont offert leurs services (comme employ�s de maison) � Nancy, Ha�fa et Alyssa (3). Et annonce la nouvelle � ceux qui vivent dans la patience !" Toujours au chapitre des fetwas atypiques ou cycliques, citons la derni�re en date qui nous vient, comme il se doit, d'Arabie saoudite. Un haut dignitaire religieux a �dit� un d�cret prohibant l'apparition de compagnons du proph�te, interpr�t�s par des acteurs sur la sc�ne ou � l'�cran. Cette fetwa tardive vise le feuilleton syrien "Khaled Ibn Al Walid" que toutes les t�l�visions arabes se sont arrach� puisqu'il nous le montre en train de gagner des batailles. Du coup, le cheikh Karadhaoui qui avait salu� l'arriv�e du feuilleton au d�but du Ramadhan, se rebiffe au 25�me jour. Il d�savoue l'�uvre pour des raisons qui tiennent plus de l'opportunisme politique que du jugement esth�tique si tant qu'il ait vu l'�uvre. Ceci dit, "Khaled Ibn Al Walid" est un feuilleton chorba, avec l'ingr�dient repoussoir de ce plat, le navet. C'est parce qu'il met en sc�ne un personnage de la trempe de Khaled Ibn Al Walid que les critiques arabes ne l'ont pas incendi�. Pourtant, il y a bien des raisons d'envoyer ce feuilleton l� o� finissent les navets p�rim�s. L'�crivain syrien exil�, Hakem Al-Baba, a son opinion l�-dessus : il ne s'arr�te pas au fait que l'acteur principal ne sache pas monter � cheval ni qu'il tra�ne une femme par les cheveux avant de la tuer avec force gicl�es d'h�moglobine. Hakem Al-Baba affirme que le feuilleton m�ne les guerres de Khaled comme les Arabes ont men� celle de 1967. "Si Khaled s'�tait battu ainsi contre les Byzantins, c'en �tait fait des musulmans et de l'Islam", dit-il. Loin de ces querelles sur les feuilletons et le retour des actrices en hidjab, la danseuse �gyptienne Dina s'appr�tait la semaine derni�re � effectuer une "omra" pour se laver de ses p�ch�s. Au retour, elle observera une pause de quarante jours avant de reprendre ses activit�s �moustillantes. Interrog� par un de nos moralisateurs sur cette fa�on de concilier sa profession et sa religion, elle reconna�t que ce n'est pas tr�s orthodoxe. "Comme il y a des voleurs, il y a aussi des danseuses, dit-elle. Comme je ne peux pas �tre une voleuse, alors je danse." Que Dina se rassure, il y aura toujours beaucoup plus de voleurs que de danseuses. Il faut juste esp�rer que les inquisiteurs apprennent � tourner le dos aux danseuses comme ils le font pour les voleurs. A. H. (1) A propos des juges "engag�s" ou soumis au port de l'oreillette, je citerais ce "Hadith" dont je ne garantis pas, au demeurant, l'authenticit� : "Les juges sont trois : deux qui vont en enfer et un qui va au paradis." (2) Cette forme de r�pudiation n'est pas propre � l'Egypte. Tout r�cemment un couple saoudien, avec deux enfants, a �t� s�par� par un jugement. Les fr�res de l'�pouse ont invoqu� le fait que le mari appartenait � une tribu inf�rieure � la leur. (3) Il s'agit, pour les lecteurs non initi�s, des chanteuses libanaises Nancy Agram, Ha�fa Wahbi et Alyssa que la nature, ou la chirurgie plastique selon les mauvaises langues, a g�n�reusement dot�es de ce point de vue-l�.