�L�Emir Abdelkader El- Djaza�ri est le p�re de la renaissance arabe�, c�est � cette conclusion qu�est parvenu Etienne Bruno, politologue sp�cialiste du monde arabe, professeur de sciences politiques � HEP d�Aix-en-Provence, universit� d�Aix-Marseille III et directeur de l�observatoire religieux, � l�issue de son �tude biographique portant sur cette �minence spirituelle et politique alg�rienne du XIXe si�cle. Une �tude qui �tait, en fait, au centre de la conf�renced�bat tenue samedi dernier � la salle de conf�rences de l�universit� Emir- Abdelkader des sciences islamiques sous le th�me �L�Emir Abdelkader et le refus du clash des civilisations � travers sa personnalit�. �La renaissance des ann�es 1860-1870 avait pour berceau Damas et non pas Le Caire � partir des ann�es 1900, comme il est r�pandu.� M. Bruno a pr�cis� que c�est le disciple de l�Emir Abdelkader et son meilleur �l�ve �cheikh Illich�, fils du ma�tre de son p�re Mehieddine, qui a brill� dans le salon litt�raire institu� dans sa r�sidence. Lequel fut la source d�inspiration des Kaouakibi, Mohamed Abdou, Djamel Eddine El Afghani, Rachid Ridha et d�autres philosophes fondateurs des courants politiques et sociaux de la renaissance. A Damas, au moment o� l�empire ottoman agonisait et les puissances coloniales de l��poque se disputaient son h�ritage, quand tous les espaces de discussion, caf�s, �nadis� (clubs) ont �t� interdits, les assoiff�s du savoir se rassemblaient chez les notables et la famille de l�Emir et celle des �Assim� ont �t� les leaders par excellence de ses salons de culture priv�s. L�Emir, lors de son exil � Damas, a r��dit� les �uvres d�Ibn Arabi qui constituent l�ossature de ses travaux de recherche. �Et il va tr�s loin qu�Ibn Arabi sur certains points, notamment dans le d�bat portant sur la tol�rance�, affirme Etienne Bruno. En plus de l�activit� de recherche, l��mir enseignait �galement dans ce salon, qui a servi d�espace de d�bat o� il a anim� un grand nombre de controverses avec des philosophes de l�Occident et des chefs religieux juifs et chr�tiens, et autres imams des diff�rentes confr�ries musulmanes et arabes, chiites, maronites, druzes� Sur ce m�me chapitre, le conf�rencier relate que l�Emir dialoguait avec tous ceux qui lui rendaient visite dans sa prison d�Amboise. Des controverses qui constituent, selon l�orateur, �les premiers dialogues interreligieux y compris politiques au point o� l�Acad�mie fran�aise lui a demand� l��criture des livres pour leur expliquer l�Islam�. Il a sign� deux textes Dicra El A�kil oua Tanbih El Ghafil et Ba�na El Batil Oua El Ilhad exprimant ses pens�es notamment autour de la port�e d��Errahma� (l�indulgence). A la t�te se son arm�e, il a d�cr�t� �Ouichah El Kata�b� (la ceinture des bataillons) qui est un code de conduite pour les soldats. Un texte imm�diatement traduit en fran�ais par les chefs militaires. Ce texte explique � ses soldats comment ils doivent se comporter, notamment vis-�-vis des prisonniers, et cela 100 ans avant les conventions de Gen�ve dont ce �Ouichah� a servi de r�f�rence aux statuts des prisonniers d�finis par ce trait�. Etienne Bruno s�est �tal� sur la position de l�Emir sur l�ouverture en relatant l�histoire de la construction du canal de Suez, �c�est lui qui va, alors qu�il vient de passer une ann�e � La Mecque et � M�dine, autoriser Ferdinand Delessert � construire le canal du Suez parce qu�il travaillait sur un th�me qui s�appelle �Barzakh El Barazikh� (l�isthme des isthmes), cit� dans l�une des sourates du Saint Coran dont sa projection a fait enseigner que ce canal peut servir d�isthme entre l�Orient et l�Occident�. Aujourd�hui, les d�bats, a expliqu� Etienne Bruno, sont � peu pr�s les m�mes, �voqu�s par les �lites arabes de l��poque de l�Emir � celle de Zaghloul et Ali Abderrazak qui a d�fendu le principe de la s�paration du religieux et du politique en passant par El Kaouakibi et Mohamed Abdou, tourn�s essentiellement sur l�identit�, la civilisation, la r�volution, le nationalisme� Il affirme que �dans ce d�bat constant, la pens�e islamique aujourd�hui n�a pas r�solu les probl�mes que ces personnages ont pos�s il y a plus d�un si�cle�. L�Emir Abdelkader, ajoute le conf�rencier, �tait pour le nationalisme arabe et contre la Turquie, et �la porte sublime�, mais aussi, n��tait pas antagoniste au concept de la nation musulmane. Il a organis� la r�sistance ind�pendamment des ottomans contrairement � Ahmed Bey de Constantine, et il a demand� la fetwa des oul�mas de F�s lorsqu�il a abandonn� la guerre contre l�arm�e fran�aise, � savoir si sa capitulation relevait de l�apostasie. Dans le jeu des questions r�ponses, le conf�rencier a d�fendu le pape Beno�t XVI en soutenant que ceux qui ont protest� contre lui n�ont pas lu le texte en question, qui est destin� aux chr�tiens pour qu�ils deviennent chr�tiens, et il est plus grave pour la communaut� chr�tienne que pour les musulmans. Le pape, ajoute Etienne Bruno, les a incit�s � faire comme les musulmans qui sont plus religieux et pratiquent strictement les imp�ratifs de leur religion. Il a, cependant, avou� que cette autorit� catholique a commis une b�tise qui se r�duit, selon ses termes, � une erreur de �casting� dans ses propos lorsqu�il a ni� le r�le des savants musulmans dans le transfert du savoir grec par la traduction des �uvres des philosophes de l��poque. Etienne Bruno a aussi soulign� que la stabilit� du Proche- Orient n�a rien � voir avec la religion, et que l�enjeu majeur est bien le p�trole. �Les Am�ricains ne veulent pas qu�une autre puissance se m�le du contr�le de la r�gion�, a-t-il dit. Et � propos du trait� de la Tafna, sign� par l�Emir et l�arm�e fran�aise, il a reconnu que l�honn�tet� �tait plut�t du c�t� de l�Emir que de la France, et qui est en un mot l�ambigu�t� autour du mot �faouka el oued� (au-del� de la rivi�re) mal interpr�t� par les Fran�ais. Concernant le refus de l�adh�sion de la Turquie � l�UE, Bruno a �voqu� trois arguments pour synth�tiser sa r�ponse, les Fran�ais n�ont pas lu la Constitution europ�enne, et qu�ils ont vot� pour des raisons de campagne �lectorale au moment o� 17% des Fran�ais passent leurs vacances en Turquie. A la question d�exprimer son opinion sur la possibilit� de comparer l�Etat fond� par l�Emir en le situant par rapport au syst�me politique adopt� par les d�cideurs de l�Alg�rie ind�pendante, il a r�pondu ainsi : �L�Etat de l�Emir �tait autoritaire, mais il est autorit� ! Il appliquait la "choura" (la consultation), mais il consultait ses lieutenants, et non pas l�ensemble de son peuple. Le mod�le adopt� par l�Alg�rie d�aujourd�hui ressemble au mod�le r�publicain r�pandu un peu partout dans le monde, mais trancher sur la r�alit� sociale de ce pays et des enjeux d�alternance du pouvoir�. En conclusion, Etienne Bruno a insist� sur la valeur de cette personnalit� comme r�f�rence aux jeunes qui cherchent une image d�un �h�ros positif� pour se projeter vers l�avenir. M�me en France, l�Emir est glorifi� dans les manuels scolaires pour amplifier la grandeur de cette puissance coloniale en combattant un chef militaire de son envergure.