Par ici le soufre et par l� l�encens. Ce fut finalement une bonne semaine de marketing politique pour le chef de l�Etat. Gr�ce � la liturgie habituelle, il officia sur deux fronts. Il y eut d�abord une impr�cation � l�adresse d�un d�viant politique et ensuite la sanctification m�daill�e d�un footballeur c�leste qui s�est construit une notori�t� hors de �chez nous� et �sans nous�. Deux occasions o� les fumigations de toutes sortes n�ont pas manqu�. Celle � base du soufre �tait destin�e � exorciser les assertions malintentionn�es d�un ministre d�Etat alors que les effluves de l�encens d�Arabie se chargeaient de flatter l�alg�rianit� retrouv�e d�un prodigieux sportif. Ainsi va la com�die du pouvoir. Elle maltraite d�abord les cabotins de son cru quand ils ont le mauvais go�t d�alt�rer les r�pliques qu�on leur a �crites au pr�alable, puis s�en va ex�cuter la danse du ventre devant une ic�ne sportive qui ne nous ressemble que par le lien du sang. Ici la posture du p�re fouettard, l�, la flagornerie int�ress�e devant un spot publicitaire. En somme, le recours au d�risoire pour faire bonne mesure. Contrairement donc � Zidane, h�te hors normes du prince, Soltani Aboudjerra fut, lui, invit� � s�expliquer devant les tribunaux de la vertu politique. Iconoclaste par maladresse, il lui est implicitement reproch� d�avoir �clabouss� l�intouchable establishment en tenant des propos indignes de la confiance mise en lui. Coupable de d�lation, il s�appr�te � �tre inculp� de crime de l�se-r�publique pour avoir vaniteusement repris � son compte les m�disances des chaumi�res o� les noms des grands ripoux sont sur toutes les l�vres. Triste sort d�un politicien pourtant blanchi sous le harnais du z�le et qui, pour avoir d�rap� devant un micro et des t�moins, risque de voir toutes les ambitions de son parti partir en fum�e. Lui, qui par exp�rience sait que les voies du compagnonnage sont essentiellement pav�es de tabous, n�aurait pas d� en desceller celui de la corruption. Surtout pas celui-l�, car il est la pierre angulaire sur laquelle s�adossent depuis toujours les camarillas. �Parler de corde dans la maison d�un pendu� n�est-il pas une superstition mortif�re ? Or la �d�monologie� politique fonctionne �galement avec le m�me interdit. Elle ne tol�re jamais que soit abord�e en public la question des privil�ges indus sous peine d��tre livr� � la cur�e. Celui qui fut �mouch�, �plomb�, �carbonis� par Bouteflika, comme le qualifie avec justesse la presse, est d�j� dans la peau du mouton noir au sein de l�alliance. L�omerta ne souffre pas les bavards, bravaches de surcro�t quand ils font le dos rond. A l�oppos�, Belkhadem et Ouyahia sont exemplaires dans l�art de la dissimulation et la retenue verbale. Eux sont jusque-l� parvenus � ne pas toucher � cette bo�te de pandore o� dorment en toute s�ret� les dossiers compromettants qui indiquent que l�appareil d�Etat n�est pas peupl� d�anges indiff�rents aux avantages douteux ; et qu�ici, la tentation y est m�me plus forte qu�on ne le croit. M�me quand ils s�autorisent quelques commentaires sur le sujet ils prennent soin de g�n�raliser le mal jusqu�� culpabiliser, en toute mauvaise foi, les modestes servitudes de l�Etat. Peu ou prou, les Alg�riens actifs seraient tous enclins � pratiquer la �tchipa�, disent-ils, et nous serions collectivement responsables de cette immoralit� sociale ! Tel est le genre de raisonnement que l�on distille afin de diluer le probl�me et gommer les diff�rences entre le pr�judice v�niel et le quasi-crime �conomique. Or, Soltani, dans son in�narrable stupidit�, venait d�affirmer le contraire. Pour lui, les racines de l�enrichissement illicite se situent dans les strates sup�rieures, l� o� des hommes et des clans d�influence n�h�sitent pas � monnayer leurs positions dominantes. Aupr�s du commun des Alg�riens, ces propos-l� n�avaient rien d�une r�v�lation scandaleuse. Tout au plus, pensait-il, ils expriment enfin un point de vue officiel et peut�tre l�amorce d�une campagne vigoureuse pour moraliser les m�urs politiques. Esp�rance vite d��ue ce 9 d�cembre quand il apprit que le chef de l�Etat n�entendait pas engager le pays dans une chasse aux sorci�res de la corruption � partir des seules pr�somptions. Il est vrai, qu�en se contentant des effets d�annonce, le dirigeant du MSP a non seulement aggrav� son cas personnel, mais de plus il a donn� l�opportunit� au pouvoir de se d�fausser d�une �patate br�lante � au pr�texte qu�elle est pollu�e par les �id�ologies� partisanes. Le discours du pr�sident scellait le destin politique d�un ministre qui a parl� � contre-temps, mais il n�a pas pour autant chass� l�ambigu�t� sur les intentions r�elles d�El-Mouradia. Celles qui se r�sument dans la question suivante : faut-il ou pas aborder frontalement le probl�me de la corruption et jusqu�� quel niveau dans la hi�rarchie de l�Etat est-il permis de faire le m�nage ? L�injonction � Aboudjerra �tait tellement violente et disproportionn�e aux gesticulations de celui-ci, que l�on se demande si le chef de l�Etat se souvient encore ce qu�il claironnait jadis. En effet, n�a-t-il pas lui-m�me exprim� � une certaine �poque un haut-le-c�ur devant le g�chis des importateurs jusqu�� caricaturer th��tralement le port d�Alger ? Ah ! �Ce pont des g�n�raux � dont il indiquait l�endroit devant les cam�ras et qui � ses yeux r�sumait l��conomie renti�re. Ce pont-l� est toujours � sa place et devint depuis un standard dans d�autres ports et pour d�autres aigrefins. Plus r�cemment encore, pourquoi n�a-t-il pas censur� son ministre des Finances qui avouait, au d�but de cette ann�e, qu�il y aurait un millier d�importateurs volatilis�s dans la nature sans tra�abilit� fiscale et bancaire ? Cela fait bien longtemps que l�Alg�rie sait qu�il existe des r�seaux et constate que des fortunes se sont �difi�es � partir du n�ant. Nul besoin par cons�quent de solliciter la perspicacit� du d�tective du MSP pour remonter des pr�te-noms aux commanditaires, si r�ellement le pouvoir �tait soucieux de promouvoir la transparence. Mais est-on s�r qu�il le souhaite ? Il semble qu�apr�s l�oubli des promesses de 2000, l�on s�est souvenu plut�t des contraintes et des imbrications d�int�r�ts qui se sont solidement tiss�es � l�int�rieur de l�appareil d�Etat pour ne pas provoquer le s�isme salutaire. Alors l�on se contente de surfer sur la rh�torique sans jamais se donner les moyens de combattre le fl�au. La m�fiance et la crainte de parler ouvertement de cette gangr�ne qui ronge la cr�dibilit� du pays s�expliquent essentiellement par le souci de ne pas laisser se d�velopper une image d�testable aupr�s des observatoires internationaux. En somme, une scrupuleuse pr�vention qui ne concerne que les apparences de l�Etat sans pour autant qu�il y ait un d�sir affich� ou le courage politique n�cessaire de changer de fond en comble les modalit�s de fonctionnement. En d�finitive, l�on est rest� aux artifices des lois, d�ailleurs inapplicables, d�s l�instant o� ce sont les coteries qui ex�cutent les contrat de l�Etat de la m�me mani�re que les familles mafieuses. Autant dire que la morale de l�Etat attendra encore longtemps avant de devenir une r�alit�. Quand le pr�sident de la R�publique impute, subsidiairement, � un chef de parti, le tort de faire de la surench�re sur un dossier �minemment strat�gique, il ne nous dit pas comment, pour sa part, il compte s�y atteler, avec s�r�nit� et sans r�glements de comptes. Car, si effectivement son ministre a fanfaronn� sur des dossiers qu�il n�a pas, par contre lui a, � sa disposition, les services qui l��difient exhaustivement sur ce d�sastre �conomique, sans pour autant qu�il se d�cide � en faire une priorit�. Une inqui�tante passivit� qui, convenons-en, accr�dite toutes les th�ses, m�me les plus farfelues. Nous avons souvent entendu ses sentencieux scrupules � d�fendre l�Etat. Ce qui n�est qu�une sacralisation discursive qui n�a de sens que si l�on prend en compte les critiques qui mettent le doigt sur la corruption et sur l�obsolescence de son architecture. Faire par contre le contraire et se r�fugier, malgr� l��vidence, dans les pr�suppos�s du pass� risque de l�installer durablement dans la spirale du pillage. Aussi continuer � agiter les m�mes credo de probit� alors que l�on sait qu�il y a d�sormais autant de secteurs o� le sens du service public est encore pr�sent, que de niches de l�affairisme, n�est-il pas le signe que quelque part le pouvoir politique s�accommode de cette morale au rabais de l�Etat ? Le pr�sident n�avait pas � s�effaroucher outre mesure lorsqu�un chef de parti s�empare de la question, d�t-il uniquement en faire un fonds de commerce politique. D�s l�instant o� il est convaincu qu�il pense dans le m�me sens, il n�a aucune raison de le soumettre � un tir de barrage � moins que� en haut lieu les m�urs politiques ne soient �galement atteintes du m�me mal ! Quelle morale de l�histoire doit tirer Soltani qui sans �tre remerci� de son poste n�ose pas prendre l�initiative de d�missionner de son plein gr� ? T�tanis� mais tenant toujours aux privil�ges de la fonction, il compte faire valoir le plus longtemps possible une sorte d�immunit� proc�durale tout en sachant que son affaiblissement se r�percutera infailliblement sur les �r�sultats� des l�gislatives et locales de 2007. A moins d�un retournement de situation, le MSP aura alors v�cu. Il est vrai que l�islamisme politique ne manque pas d�sormais d�outsiders. Voil� ce qu�il en co�te � vouloir marquer sa diff�rence lorsque l�on n�est qu�un appareil g�n�tiquement modifi� par la compromission. Finalement, le cas de Aboudjerra est moins tragique qu�on ne l��crit. Un m�diocre m�lo politique o� m�me le soufre est frelat�.