Résumé de la 91e partie n Une nuit pas comme les autres, les rois massent les troupes, le champ de bataille est délimité. La mort va happer des milliers de soldats des deux camps, pour une histoire de vengeance de roi. Lorsque le grand patriarche des chrétiens de Constantinia faisait ses fèces, les prêtres les recueillaient soigneusement dans des étoffes de soie et les séchaient au soleil ; puis ils en faisaient une pâte qu'ils mêlaient de musc, d'ambre et de benjoin ; et ils pulvérisaient cette pâte, une fois tout à fait sèche, et la mettaient dans des petites boîtes d'or, et l'envoyaient à tous les rois chrétiens et à toutes les églises chrétiennes. Et c'est cette poudre des fèces patriarcales qui servait d'encens suprême pour sanctifier les chrétiens dans toutes les occasions solennelles et notamment pour bénir les nouveaux mariés et fumiger les nouveau-nés et bénir les prêtres nouveaux. Mais comme les seules fèces du grand patriarche pouvaient à peine suffire à dix provinces, et ne pouvaient servir à tant d'usages pour tous les chrétiens, les prêtres falsifiaient cette poudre en y mélangeant d'autres fèces moins saintes, par exemple les fèces des autres patriarches moindres et des vicaires. Et il était fort difficile de les différencier, d'ailleurs. Aussi cette poudre, à cause de ses vertus, était très estimée de ces porcs de Grecs qui, outre les fumigations, l'employaient également en collyres secs pour les maladies des yeux, et en stomachiques pour les maladies de l'estomac et des intestins. Mais c'était là le traitement employé surtout chez les plus grands d'entre les rois et les reines ; et c'est ce qui faisait que le prix en était très élevé et que le poids d'un drachme en était vendu mille dinars d'or. Et voilà pour l'encens des fèces patriarcales... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Le soir venu, elle dit : Et voilà pour l'encens des fèces patriarcales. Mais pour ce qui est du roi Aphridonios et des chrétiens, voici. Lorsque vint le matin, le roi Aphridonios, d'après le conseil de Mère-des-Calamités, fit assembler les chefs principaux de l'armée et tous ses lieutenants et leur fit baiser une grande croix de bois et les fumigea avec l'encens suprême déjà décrit, et qui était fait avec d'authentiques fèces du grand patriarche, sans falsification aucune. Aussi son odeur était-elle terriblement forte et aurait tué un éléphant des armées musulmanes ; mais les porcs grecs y étaient accoutumés. Alors la vieille Mère-des-Calamités se leva et dit : «O roi, avant de livrer bataille à ces mécréants, il faut, pour assurer notre victoire, nous débarrasser du prince Scharkân qui est le Cheïtân en personne et qui commande toute l'armée. Car c'est lui qui anime tous ses soldats et leur donne le courage. Mais lui mort, son armée est notre proie ! Envoyons-lui donc le guerrier le plus valeureux de nos guerriers pour le défier à un combat singulier et le tuer.» Lorsque le roi Aphridonios eut entendu ces paroles, il fit venir aussitôt le fameux guerrier Lucas, fils de Camlutos, et de sa propre main, il le fumigea avec l'encens fécal. Puis il prit un peu de cette fiente et l'humecta de salive et lui en oignit les gencives, les narines et les deux joues, et lui en fit priser un peu et, avec le restant, il lui frotta les sourcils et les moustaches. (à suivre...)