Le proc�s en diffamation intent�, il y a deux ans et demi, par la chanteuse Amel Wahbi � Mohamed Benchicou, auteur du livre Bouteflika, une imposture alg�rienne, s�est enfin tenu jeudi � la 17�me chambre du tribunal correctionnel de Paris. Au vu des d�bats et des plaidoiries, l�audience a nettement tourn� en d�faveur de la plaignante. Pour rappel, la chanteuse reprochait � Benchicou de l�avoir calomni�e en r�v�lant, dans de courts passages du livre, ses relations privil�gi�es avec le pr�sident Bouteflika. Amel Wahbi �tait cit�e parmi les �innombrables interlocutrices qui usent du temps pr�sidentiel pour le convertir en avantages mat�riels en contrepartie de l�illusion qu�elles procurent au chef de l�Etat d��voluer dans un harem t�l�phonique� (page 186). Apr�s le rappel des faits par la pr�sidente qui a longuement rappel� le parcours de l�auteur et l�emprisonnement qu�il a subi, la parole est donn�e � Mohamed Benchicou qui rejette d�embl�e l�accusation de diffamation, � ce point infond�e que, soutient-il, m�me la plaignante s�en est rendu compte puisqu�elle a retir� sa plainte en �t� 2005. La pr�sidente s��tonne de cette r�v�lation. L�avocat d�Amel Wahbi, d�stabilis�, a commenc� par nier le fait avant de se d�dire et de le reconna�tre. Benchicou enfoncera le clou en affirmant que derri�re ce proc�s se profilait la main du r�gime alg�rien puisque la chanteuse est d�fendue par le prestigieux cabinet Jil, connu pour �tre un des cabinets-conseils du gouvernement alg�rien. �Vous avez des preuves de ce que vous avancez ?� demande la pr�sidente. �Oui, le cabinet Jil s�occupe du dossier des privatisations pour le gouvernement alg�rien. Comment se fait-il qu�un cabinet si on�reux d�fende, aujourd�hui, une petite affaire de diffamation pour le compte de Mme Wahbi ?� La pr�sidente prend note alors que l�avocat de la chanteuse s�abstient, cette fois-ci, de protester. Mohamed Benchicou soulignera cependant qu�il ne nourrit aucune animosit� envers la chanteuse, qu�il ne conna�t pas personnellement, et que l�objet de son livre n��tait pas de parler de cette artiste mais de traiter des m�urs d�un syst�me. �Vous avez �t� emprisonn� apr�s la sortie de votre livre ?� demande la pr�sidente. �Oui, quatre mois apr�s la sortie de mon livre et deux mois apr�s la r��lection de Bouteflika, ce qui a entra�n� la liquidation de mon journal et la vente aux ench�res de son si�ge.� A propos des passages incrimin�s, il soutiendra que, comme pour l�ensemble de son ouvrage, il s��tait appuy� sur des articles de presse de confr�res alg�riens jamais d�mentis par la plaignante ainsi que sur le t�moignage � confirm� par �crit � de Moumen Khalifa, attestant de fortes sommes vers�es en euros au profit de Amel Wahbi. L�attestation sign�e par Khalifa et authentifi�e par un avocat londonien est sans �quivoque : Khalifa a remis de l�argent � Amel Wahbi � la demande de la pr�sidence ! La pi�ce est vers�e au dossier. La parole est ensuite donn�e � Amel Wahbi qui croit utile de rappeler qu�elle est ing�nieur agronome, qu�elle est de ce fait �la seule chanteuse alg�rienne instruite� et qu�elle a �os� d�fier le terrorisme islamiste en chantant pour des enfants dans une mosqu�e de Constantine�. Elle affirme que le livre de Mohamed Benchicou a port� atteinte � sa dignit� et � celle de sa famille. A la question de la juge de savoir s�il est vrai qu�elle passait du temps au t�l�phone avec le pr�sident Bouteflika, comme l�affirme l�auteur, elle reconnut que le chef de l�Etat �lui avait donn� personnellement son num�ro de t�l�phone, en lui demandant de l�appeler si elle avait besoin de quoi que ce soit�. C��tait, tint-elle � pr�ciser, lors d�une r�ception donn�e en solidarit� avec les victimes des inondations de Bab-El-Oued en novembre 2001. C�est d�ailleurs, ajoute-t-elle, � cette occasion qu�elle a rencontr� Moumen Khalifa et qu�il a �t� d�cid� de la signature d�un contrat de sponsoring en sa faveur. Ce contrat, pr�cise- t-elle, �a �t� sign� en pr�sence de l�avocat du groupe Khalifa qui est �galement le fr�re du pr�sident�. �Ce contrat, poursuit-elle, a cess� d��tre honor� quelques ann�es apr�s (cons�cutivement aux d�boires du groupe Khalifa, ndlr) ce qui a emp�ch� la r�alisation de mon album.� Devan�ant les questions de la juge, la plaignante rappelle qu�en effet, elle avait effectivement retir� sa plainte contre Mohamed Benchicou, avant de se raviser quelques mois plus tard. �Cela me co�tait cher en honoraires et je ne m�attendais pas � ce que cela prenne tout ce temps�, explique-t-elle. �J�ai pris cette d�cision car je n�avais plus d�argent, j�ai m�me vendu ma voiture que j�avais en Egypte.� A la question de savoir si une plainte similaire avait �t� d�pos�e aupr�s de la justice en Alg�rie, Amel Wahbi r�pond par la n�gative car, croit-elle savoir, �le livre a �t� interdit � la vente et ne s��tait vendu que sous le manteau�. La d�fense de Benchicou intervient pour d�mentir : le livre a �t� �dit� � 48 000 exemplaires en Alg�rie. �Avez-vous d�pos� une plainte contre des journaux qui auraient publi� des informations diffamatoires vous concernant avant la parution de l�ouvrage de Mohamed Benchicou ?� demande la juge. �Non, Madame la Pr�sidente, r�pond la plaignante, aucun journal n�en a publi� � l�exception du journal Le Matin que dirigeait Mohamed Benchicou et je le d�fie de m�en citer un seul.� Sur ce, Mohamed Benchicou remet � la juge un article de Libert� dat� d�ao�t 2003 et qui faisait �tat des relations pouss�es entre la chanteuse et Bouteflika. Dans sa plaidoirie, l�avocat de la partie civile a tent� de d�montrer ce qu�il a qualifi� de caract�re �prostitutif� des passages du livre incrimin�s qui auraient �port� pr�judice � la r�putation et en cons�quence � la carri�re internationale de sa cliente�. Il cite pour preuve les soci�t�s saoudienne d��dition et alg�rienne de production qui auraient selon lui �rompu le contrat qui les liait � la chanteuse�. Et d�exiger pour �le pr�judice moral et financier� subi par sa cliente la somme de 45 000 euros � l�auteur du livre et � son �diteur, Jean Picollec. L�avocat de la d�fense, Me Hadjas, a rappel� dans sa plaidoirie que ce n�est pas la plaignante qui est vis�e par l�auteur mais bien les m�urs politiques d�un r�gime qui a tout int�r�t � disqualifier son ouvrage. �Ce proc�s, a-t-il constat�, est en r�alit� le proc�s de la libert� d�expression.� Il a rappel� l�accueil r�serv� � l�ouvrage, Bouteflika, une imposture alg�rienne par la presse alg�rienne et fran�aise, relevant qu�il a �t� class� � deux reprises par les hebdomadaires fran�ais L�Express et Le Point dans le palmar�s des meilleures ventes. �Contrairement � l�accusation de la partie civile, les �crits de mon client reposent sur des sources cr�dibles et reconnues� et de demander la relaxe. La d�fense de la maison d��dition Picollec, assur�e par Me Chazal, a appuy� sa plaidoirie sur le fait que l��diteur a publi� le livre apr�s l�avoir lu et relu, ne trouvant rien de diffamatoire dans les extraits incrimin�s. �En publiant ce livre, a-t-il dit, mon client a soutenu le droit � l�expression des intellectuels alg�riens r�prim�s dans leur propre pays.� Il a �galement ni� le caract�re diffamatoire et s�est employ� � d�molir l�argument selon lequel le livre aurait compromis la carri�re artistique de la plaignante. �Nous avons affaire � une chanteuse de r�putation modeste et l�ouvrage de Benchicou n�est pour rien dans ses insucc�s. Amel Wahbi est soutenue dans son activit� artistique par le gouvernement alg�rien�, ass�ne-t-il en citant les concerts financ�s par le Tr�sor alg�rien. Verdict le 8 f�vrier 2007.