Le syst�me d'imposition peut �tre plus ou moins juste selon les rapports de force au sein de la soci�t� et de l'Etat. Il n'en est pas moins vrai que l'imp�t repr�sente, potentiellement, un des moyens dont dispose l'Etat au service de l'int�r�t g�n�ral : maintien et am�lioration des services publics, am�lioration des infrastructures et am�nagement du territoire, redistribution des richesses, r�duction des in�galit�s. Echapper � l'imp�t est donc toujours un acte d'incivisme. L'�vasion fiscale permet � des particuliers et � des entreprises de confisquer des richesses qui devraient revenir � l'ensemble des citoyens. Les circuits de l'�vasion fiscale sont �galement ceux du blanchiment de l'argent g�n�r� par les activit�s criminelles (trafic de drogues, prostitution, racket, etc.), et des d�tournements destin�s aux corruptions en tout genre. Ces circuits passent le plus souvent par des micro-Etats � fiscalit� particuli�rement �compr�hensive� que l'on appelle �les paradis fiscaux�. Riches particuliers et entreprises peuvent, � peu de frais, y �lire une r�sidence, souvent fictive pour l'activit� qu'on y d�ploie, mais bien r�elle pour les profits que l'on en tire. Une bonne partie de ces paradis fiscaux se situe dans des �les ou des archipels paradisiaques : Bahamas, Bermudes, �les Ca�mans dans la mer des Cara�bes; �les anglo-normandes dans la Manche entre la France et l�Angleterre ; Seychelles et �le Maurice dans l'oc�an Indien; Nouvelle-Cal�donie et Polyn�sie fran�aise dans le Pacifique. C'est leur situation insulaire qui a valu � ces micro-Etats la d�signation de �places offshore� utilis�e par les Anglo-Saxons (litt�ralement offshore signifie � l'�cart des c�tes). Par extension le terme offshore, emprunt� � la prospection p�troli�re, a fini par d�signer toute activit� d�localis�e (financi�re ou pas). Ceux qui contr�lent une telle activit� d�localis�e peuvent r�sider, pour leur imposition, dans un paradis fiscal et intervenir pour l'investissement, la production et la commercialisation sur le continent, l� o� il y a de la force de travail et du pouvoir d'achat. Convergence de fait, d'int�r�t, entre les grandes fortunes et les mafias Les paradis fiscaux se sont d�velopp�s, entre les deux guerres mondiales, sous l'impulsion des riches familles et des gangs criminels. Cette convergence de fait, d'int�r�t, entre les grandes fortunes et les mafias, dans les espaces financiers am�nag�s par les paradis fiscaux, ne s'est, depuis, jamais d�mentie. La Seconde Guerre mondiale d�vasta la plan�te mais �pargna les paradis fiscaux et la Suisse, en particulier. A partir de 1945, sous l'impulsion des multinationales am�ricaines, les investissements directs � l'�tranger (IDE) se d�velopp�rent fortement et dans cette bonne ambiance, les paradis fiscaux prosp�r�rent aussi. A partir des ann�es 1980, la religion ultra-lib�rale commen�a � se r�pandre sur l'ensemble de la plan�te. Les bras lev�s au ciel, les grands pr�tres du culte (banquiers, boursicoteurs, experts internationaux, �conomiste vou�s � la plus extr�me �modernit�, sp�culateurs en tout genre) nous mirent en garde contre le p�ch� capital. A grands coups de d�r�gulations, d�r�glementations, privatisations, la mondialisation ultralib�rale cr�a de petites castes de super gagnants et des masses de perdants. Dans un tel bouillon de culture les paradis fiscaux se mirent � prolif�rer. Un rapport de l'Office pour le contr�le des drogues et la pr�vention du crime (rapport ODCCP) �mis sous l'�gide de l'ONU, il y a quelques ann�es, �valuait � plus de 90 le nombre des Etats pouvant �tre consid�r�s comme des paradis fiscaux. Ces paradis fiscaux constituent donc entre un tiers et la moiti� des nations repr�sent�es � l'ONU. Par del� leurs particularit�s et leurs diff�rences tous les paradis fiscaux pr�sentent quelques caract�ristiques communes qui permettent de les rep�rer : taux d'imposition r�duits ou nuls ; secrets bancaire et commercial garantis ; et vide juridique pour toutes les transactions financi�res et commerciales. L'alibi criminel de la souverainet� nationale Tout ceci sous la protection d'une �souverainet� nationale� efficace, m�me si elle est plus th�orique que r�elle. Dans ces paradis fiscaux le secret bancaire est prot�g� par la loi. Cette loi interdit aux banquiers et aux divers employ�s, sous peine de sanctions, de d�voiler l'origine, le nom et l'activit� des d�tenteurs de comptes. D'autres caract�ristiques, moins essentielles, sont aussi tr�s appr�ci�es des �clients�. Parmi celles-ci on peut citer une bonne stabilit� politique et �conomique, des moyens de communication sophistiqu�s, des relations de proximit� avec des march�s financiers importants et l'existence d'un r�seau de trait�s bilat�raux pour �viter aux multinationales des impositions multiples. Gibraltar, par exemple, � sous tutelle britannique faut-il le rappeler �, s'est beaucoup valoris� par son r�seau de communication. Les paradis fiscaux ne sont pas seuls au monde ; ils ont de tr�s nombreuses cousines : les �zones franches�. Ce sont de petits coins clos et tranquilles dans lesquels ne s'applique qu'incompl�tement, voire pas du tout, la l�gislation de l'Etat qui les a cr��es. On peut en distinguer deux sortes : les commerciales et les industrielles d'exportation. La zone commerciale est en g�n�ral situ�e � l'int�rieur d'un port ou contigu � celui-ci. Vers et � partir de cette zone, le commerce avec les reste du monde est autoris� sans restriction. La zone industrielle procure des b�timents et des services en vue d'activit�s de fabrication, de transformation ou de stockage. Les firmes, g�n�ralement multinationales, install�es dans ces zones franches, sont exemptes de droit de douane, d'imp�ts et de taxes et elles peuvent rapatrier librement leurs capitaux. De plus elles b�n�ficient, le plus souvent, de d�rogations � la l�gislation du travail ; d�rogations qui, bien entendu, vont toujours dans le sens de la mod�ration salariale et du minimum de protection sociale. Ces zones franches qui, contrairement aux paradis fiscaux, n'ont pas de pr�tentions �tatiques, sont tr�s nombreuses. A mesure que le niveau de vie de certains pays s'�l�vent (Cor�e du Sud, Singapour) les zones franches ont tendance � se d�placer vers les pays plus pauvres (Indon�sie, Sri-Lanka) o� les travailleurs seront oblig�s d'accepter (acceptent) des salaires plus bas encore. Les int�r�ts priv�s contr�lent, pour une bonne part, les fonctionnements des Etats Concernant les paradis fiscaux le rapport ODCCP d�j� cit�, s'exprime ainsi : �Ce qui a commenc� comme une activit� visant � satisfaire les besoins de quelques privil�gi�s est devenu une �norme faille dans le syst�me juridique et fiscal international.� Le syst�me de offshore, aujourd'hui plan�taire, repose sur les paradis fiscaux mais aussi sur les zones franches et les pavillons de complaisance. Il se prolonge par les am�nagements �on-shore� des l�gislations �tatiques allant dans le m�me sens. Il y a symbiose entre �conomie et finance �on-shore� et �offshore�, entre int�r�ts priv�s et int�r�ts �tatiques car les int�r�ts priv�s contr�lent, pour une bonne part, les fonctionnement des Etats. Dans un monde d�r�glement� et privatis� au b�n�fice d'un profit capitaliste, sp�culatif jusqu'� l'absurde, il y a un v�ritable continuum entres activit�s �conomiques licites et illicites, entre les bandits et les Etats. Mettre fin � la pathologie de ce syst�me socio�conomique n'est pas une question juridicotechnique. C'est un probl�me politique. Il s'agirait de reconqu�rir les espaces perdus par la d�mocratie au profit de la sph�re financi�re, de s'opposer � tout abandon de la souverainet� des Etats au pr�texte du �droit� des investisseurs et des marchands. Cela ne se fera pas sans une mobilisation citoyenne consciente et puissante.