Depuis la troisi�me voie de Tony Blair, Premier ministre socialiste anglais et la fracture sociale de Jacques Chirac en France, le clivage droite-gauche dans le domaine de l��conomie, mais pas seulement, n�est plus aussi net qu�il a pu l��tre jusqu�alors. La droite est accus�e de faire du �lib�ralisme social� par les lib�raux purs et durs, la gauche d��oit ses orthodoxes qui lui reprochent de faire du �socialisme-lib�ral�. Comment y voir clair aujourd�hui, surtout qu�en Europe, en Allemagne par exemple, c�est une coalition droite- gauche qui gouverne et qu�en France les centristes proposent une m�me alliance de gouvernement. Rappelons d�abord que le r�formisme, par opposition � la pens�e r�volutionnaire, refuse la lutte de classes et la dictature du prol�tariat. Il s�agit de r�guler le lib�ralisme, l��conomie de march� et d�assurer un minimum de s�curit� et de protection � tous ceux que le capitalisme laisse au bord de la route. Le r�formisme est alors un programme d�action, sous-tendu par une id�ologie qui cherche � �construire, sous l��gide de l�Etat, un compromis social entre les int�r�ts du march� et de ses repr�sentants et les int�r�ts du monde du travail� (Robert Castel). Rappelons qu�en France et plus encore dans les pays nordiques d�Europe, le d�veloppement de l��conomie s�est fait sous l��gide de l�Etat qui a constamment cherch� � �tablir un �quilibre entre les exigences de productivit� et de comp�titivit� des entreprises et les revendications des salari�s. En France, durant les �trente glorieuses� et sous l��clairage gaulliste, planification et keyn�sianisme ont assur� une synergie entre la croissance �conomique et le progr�s social. Une certaine redistribution des fruits de la croissance a �t� assur�e et a permis de maintenir la coh�sion sociale, la coh�sion de la nation. Les r�gimes �tendus d�assurances contre les risques sociaux existaient en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, dans les pays d�Europe du Nord. Mais aujourd�hui est pos�e la question du financement de cette protection sociale, de cet Etat providence qui est de plus en plus co�teux. De m�me que se d�veloppe l�id�e selon laquelle (� partir de la fin des ann�es 1980), l�Etat, par ses r�gulations impos�es, cr�e des obstacles au libre d�ploiement d�une dynamique �conomique qui ne peut �tre bas�e que sur la concurrence et la comp�titivit� les plus fortes, la mondialisation imposant ses exigences. Les lib�raux reprennent alors leur discours : ce n�est pas � l�Etat de piloter l��conomie, mais � l�entreprise, foyer principal de cr�ation de richesses et de fabrication de la croissance, d�imposer ses exigences de performance et de rentabilit�. Il faut plus que jamais lib�rer le march� ! Les r�formes sont alors aujourd�hui le mot d�ordre de la droite, mais des r�formes pour lever tous les obstacles � la libert� d�entreprendre et de maximiser les profits. Les r�gulations extra�conomiques, les r�glementations contraignantes et le droit proc�durier doivent �tre d�mantel�s. Voil� qu��merge et que s�installe le r�formisme de droite : le contrat doit remplacer la loi, l�imp�ratif juridique doit c�der sa place � la convention n�goci�e. Le r�formisme de droite vise � d�manteler les droits sociaux et �� rogner les pr�rogatives de l�Etat social, tout en renfor�ant celles d�un �Etat gendarme�. Bien �videmment, la pens�e de gauche renie ce genre de r�formes, mais ne peut nier dans le m�me temps que la nature de la protection sociale doit changer pour prendre en charge les contraintes de la mondialisation et celles des nouveaux syst�mes de production industrielle. La gauche, ne pouvant plus d�fendre l�Etat social dans sa conception ancienne, s�expose au risque du d�rapage vers le social lib�ralisme, �aid�e� pour cela par les coups de boutoir de l�ultragauche qui refuse toute notion de r�formes. Le r�formisme de gauche cherche � concilier la comp�titivit� �conomique impos�e par la mondialisation et le progr�s social, qui consiste � assurer une s�curit� sociale minimum garantie (� l�exemple du salaire minimum garanti). �Droit � �tre soign� lorsqu�on est malade, droit � un logement pour s�abriter, droit � des prestations d�centes en cas de cessation d�activit�, droit � l��ducation et � une formation permanente�. Ces droits doivent �tre assur�s � tous pour qu�on puisse parler de citoyennet� politique. On voit bien ici que ce qui distingue le r�formisme de droite du r�formisme de gauche, c�est �la distance qui existe entre une conception minimaliste et une conception exigeante des protections sociales�. Pour le r�formisme de droite, la couverture des risques sociaux n�a pas � �tre garantie par l�Etat, mais doit consister en des prestations bien cibl�es en direction des plus pauvres. Ceux qui ont des ressources s�assureront eux-m�mes sur un mode priv�. Le r�formisme de gauche est aujourd�hui plac� face � un challenge difficile : l�exigence de la comp�titivit� et de la dynamique �conomique remet en cause les protections sociales acquises : les changements dans la mani�re de produire, la flexibilit� des march�s du travail, la mobilit� sont des r�alit�s impos�es par la mondialisation. Et ces r�alit�s ont des effets destructeurs sur la coh�sion sociale. Comment parvenir � concilier la nouvelle �conomie impos�e par la mutation du capitalisme et la n�cessit� de poursuivre la protection sociale pour ceux et celles que la nouvelle dynamique �conomique laisse au bord de la route ? R�gulations juridiques et interventions de l�Etat social caract�risent le r�formisme de gauche, qui doit combattre la formation d�une soci�t� fractur�e en gagnants et perdants des transformations en cours, soci�t� que le r�formisme de droite, en refusant que le droit et l�Etat garantissent la citoyennet� sociale, va irr�m�diablement produire.