La fracture de la mouvance d�mocratique, issue publiquement de l�approche de la question islamiste et, subs�quemment, du rapport au pouvoir va lentement mais s�rement vers l�apaisement. L��volution de la sc�ne nationale et internationale a att�nu� les dissensions neutralisantes entre les formations du camp d�mocratique. En effet, la premi�re partie de la discorde � la question islamiste � devrait poser moins de probl�mes pour essentiellement deux raisons. La mouvance radicale islamiste compos�e principalement de l�ex-FIS et de l�ex-AIS, son bras arm�, a rejoint, dans sa majorit�, le processus engag� par le pouvoir dans le cadre de �la charte pour la paix et la r�conciliation nationale�. Ce dispositif qui s�est fait aux d�pens des normes politiques et juridiques plus � m�me d�aller vers le pardon par la v�rit� et la justice a, en r�alit�, abouti au ralliement au pouvoir d�une partie du personnel politique de l�islamisme radical. L�option ainsi adopt�e renforce la coalition islamo-conservatrice qui a d�j� 10 ans d�exercice en commun des affaires gouvernementales. L�accentuation de l�emprise de la conservation au d�triment du mouvement est une raison suppl�mentaire qui milite pour la fin de la division politique du camp d�mocratique, d�autant que le socle id�ologique est globalement partag�. Le deuxi�me �l�ment de la dissension � le rapport au pouvoir � a trouv� une partie de la r�ponse dans l�acceptation du jeu institutionnel � un moment ou � un autre du processus de l�gitimation engag� depuis 1995 par la premi�re �lection pr�sidentielle pluraliste. Les boycotts qui ont �gren� les divers parcours des partis d�mocratiques ont �t� des postures politico- �lectorales et non des bases principielles qui auraient exig� des r�currences structurelles, c'est-�- dire le rejet permanent de toute �lection. L�objet de ce positionnement est d�amener le pouvoir � s�amender et � prendre en compte une demande sociale urgente, ensemble de revendications g�n�ralement inaudibles pour le syst�me. Le pouvoir a-t- il accept� les termes de cette d�fiance ? Globalement, le r�gime a continu� son petit bonhomme de chemin en faisant fi des demandes populaires, allant m�me dans un sens plus restrictif des libert�s publiques. Constat encore plus net en la mati�re depuis l�arriv�e de Bouteflika au sommet de l�Etat. Le syst�me fonctionne en circuit ferm� et se reproduit en recourant � la fraude �lectorale et � la corruption, seule �d�mocratisation� vraiment r�ussie. A l�inverse, ce processus chaotique a permis une relative stabilit� institutionnelle qu�il s�agit non pas de refuser, mais de transformer. La transition d�mocratique est � venir. Le grand soir demeurera notre utopie mobilisatrice, horizon � ne jamais perdre de vue pour ne pas renoncer � nos fondements et � cette esp�rance qui nous a port�s malgr� les difficult�s du combat et les �preuves subies. La ligne r�formiste ainsi d�gag�e tire son origine d�une exp�rience pratique faite d�affrontement et de composition et d�une sociologie politico-�lectorale �prouv�e. La force du camp conservateur Trois p�les politico-id�ologiques se sont ouvertement form�s depuis l�apparition du multipartisme en f�vrier 1989 : - l�islamo-int�griste ; - le nationalo-conservateur ; - le d�mocratico-r�publicain. Entre les deux premiers p�les, il existe maintes connivences id�ologiques malgr� des frictions politiques. L�int�gration du MSP au gouvernement n�a pas fait renoncer celui-ci � son id�al d�Etat islamiste si l�on se r�f�re aux toutes derni�res d�clarations du leader de cette formation, le ministre d�Etat Aboujerra Soltani. L�exercice du pouvoir par le MSP n�a pas encore produit l��quivalent turc en la mati�re, c�est-�-dire la transformation d�un parti islamiste pur et dur en un parti gouvernemental qui s�accommode des normes s�cularis�es. La longue marche turque pour la construction d�une d�mocratie musulmane, similaire � la d�mocratie chr�tienne d�Europe, est dans sa vitesse de croisi�re. Ce ph�nom�ne n�est pas encore abord� au MSP malgr� un pragmatisme � toute �preuve. C�est dire combien, rien que par cet aspect, la question islamiste demeure ambigu�. Dans le deuxi�me p�le, le retour en gr�ce du FLN aux d�pens du RND, notamment depuis l�accession de Bouteflika � la magistrature supr�me, est significatif de l�infl�chissement du pouvoir vers plus de conservatisme. En tout cas, la tentative de r�novation contr�l�e du pouvoir en privil�giant un RND cens� �tre plus moderniste a tourn� court. Ces derni�res ann�es, l�h�g�monie du FLN s�est exerc�e sur l�ensemble des instances d�lib�ratives : APC, APW, APN et Conseil de la nation. Le FLN est consacr� comme la colonne vert�brale de l�establishment institutionnel. Du moins dans les apparences. Au sein de cette formation, il n�y a pas de monolithisme comme l�a montr� la derni�re �lection pr�sidentielle et les difficult�s qu��prouve encore son secr�taire g�n�ral � g�rer harmonieusement et efficacement les mouhafadhas. En votant contre leurs propres candidats lors des derni�res �lections pour le renouvellement partiel du Conseil de la nation, les grands �lecteurs de ce parti ont lanc� un signal s�v�re � leur hi�rarchie. Il faut esp�rer que les individualit�s et les forces r�formatrices de ce parti gouvernemental puissent �merger et fixer le cap dans le sens de plus de modernit�. Quelles que soient les conjectures sur lesquelles on peut sp�culer � propos du camp conservateur, on constate que les deux p�les constitutifs de celui-ci ont les moyens de leur politique. Il leur arrive m�me de se payer le luxe de l�union. C�est, h�las, la principale faille du p�le d�mocratique. Pour une �thique de responsabilit� Le RCD a r�it�r� en toute humilit� sa disponibilit� et son offre politiques pour pallier cette faiblesse en commen�ant, d�s l��ch�ance l�gislative prochaine, � �uvrer � ce n�cessaire rassemblement. L�int�gration d�une partie des militants des arouch et du PT et l�ouverture vers des personnalit�s politiques et de la soci�t� civile sont une preuve de lucidit� de cette formation. Du reste, cette formation n�a pas cess� d�appeler au regroupement des d�mocrates depuis d�j� longtemps. Il est clair que, face aux deux mastodontes, il faut opposer une politique de raison et d�intelligence. Le boycott annonc� des l�gislatives par le FFS, qui ne nous appartient pas de commenter ici, lib�re une partie de l�espace de gauche. Il s�ouvre peut-�tre un moment de recomposition historique qui va dans le sens du rapprochement, non pas entre �tats-majors politiques mais entre bases �lectorales. La r�alisation pratique de ce v�u atteindra sa pleine efficacit� si l�on arrive � faire cesser la fraude �lectorale, v�ritable chancre de la vie politique nationale. Comment combattre cet �pouvantail qui cr�e le d�senchantement et la d�mission ? La d�sertion des institutions, notamment de l�APN lors de cette derni�re l�gislature, n�a pas arr�t� le pouvoir dans son cynisme en se dotant d�une Assembl�e � d�put�s ill�gitimes, ni de s�acheter une virginit� diplomatique au niveau international. Reste la participation Une partie de l��lectorat la souhaite r�ellement. Elle est �galement encourag�e par des ONG et bien des amis d�mocrates de par le monde afin, disent-ils, de rendre lisible et palpable l�image et le poids du camp d�mocratique dans la soci�t� alg�rienne. Beaucoup de gens dans ce conglom�rat diversifi� consid�rent que, sous les coups de boutoir de l�opposition, le syst�me s�obligera � des r�formes et � des ouvertures qui cr�eront des fondations mat�rielles et id�ologiques autrement plus solides pour b�tir la d�mocratie. Cette th�se que nous privil�gions, � l�instant pr�sent, se v�rifiera � l��preuve du terrain et du temps. Ceux qui critiquent cette option parmi les commentateurs, analystes et �ditorialistes avancent des arguments � la fois solides et l�gitimes. Il est vrai qu�ils se dispensent d��noncer l�alternative � la participation, qui, elle, est r�serv�e aux partis politiques. C�est certainement plus facile, mais, l� au moins, les r�les sont respect�s. Cependant, stigmatiser d�une mani�re permanente des actions et options du camp d�mocratique � hier, contre Sadi aux pr�sidentielles ; aujourd�hui, contre le RCD aux l�gislatives � voil� qui n�est pas coh�rent. Cette position est d�autant plus inique qu�elle est rationnellement inexplicable. Il se trouve qu�une partie de ces analystes a pris fait et cause, en avril 2004, en faveur de l�un des candidats du syst�me, Ali Benflis, au nom du vote utile. Tout se passe comme si dans l�inconscient de cette opinion engag�e, l�opposition d�mocratique n�est pas apte � aller au pouvoir. Elle doit �tre cantonn�e �ternellement dans le minist�re de la parole et le magist�re de la morale. Les d�mocrates sont assimil�s aux gregarri, ces porteurs d�eau qui doivent p�daler tout le temps pour amener leur leader aux sommets� des montagnes et du classement. L��lectorat d�mocratico-r�publicain est exigeant car il croit aux valeurs et id�aux tout aussi �lev�s. Il pr�f�re souvent l�abstention que de voir son suffrage d�tourn�. Est-ce que la r�signation est la meilleure conseill�re en ce domaine ? Aller en nombre au vote et d�fendre pacifiquement son bulletin � sens civique �lev� s�il en est � est une autre mani�re de cr�er les conditions de l�av�nement de l�alternative d�mocratique. En ex- Yougoslavie, le pouvoir nationalo-autoritaire de Milosevic est tomb� gr�ce � la combinaison simultan�e de la participation �lectorale et de la contestation citoyenne qui s�en est suivie. Au m�me moment � Alger, en Octobre 1998, la protesta avait �chou� faute d�un soutien populaire plus massif. La d�mocratie et la citoyennet� sont intimement li�es. Il faut tout le temps avoir � l�esprit cette dialectique pour sortir du r�le de protestataire �ternel, apanage de partis groupusculaires. C�est � l�avenir l�un des d�fis qui se pose � l�ensemble du camp d�mocratique : partis, organisations sociales et personnalit�s politiques. Il commencera d�s demain. T. M. (*) secr�taire national aux Relations internationales du RCD