Il aura pass� dix ans au sommet de l�Etat fran�ais, deux mandats au cours desquels Jacques Chirac, qui va passer le t�moin aujourd�hui au nouveau pr�sident Nicolas Sarkozy, n�a pas laiss� indiff�rent, peut-�tre pas du fait de la politique int�rieure, mais s�rement par la politique �trang�re qu�il a men�e et qui aura marqu� son mandat � la t�te de la France. Tous les analystes s�accordent � dire en effet que sa politique �trang�re, dont il a fait un domaine r�serv�, lui vaut aujourd�hui beaucoup d�hommages, mais aussi beaucoup de r�serves, car non concluante et non productive. Les opinions de droite comme de gauche reconnaissent au pr�sident sortant une d�cision sinon visionnaire, du moins tr�s lucide et pour le moins courageuse quand il s�opposa � une intervention en Irak et refusa d�y engager la France, expliquant : �La guerre c�est toujours un ultime recours, c�est toujours un constat d��chec, c�est toujours la pire des solutions, parce qu�elle apporte la mort et la mis�re.� L�histoire lui donnera raison, et m�me son successeur Sarkozy, partisan de l�intervention en Irak, a d�, par calculs �lectoralistes et s�rement pas par conviction, qualifier finalement en fin de campagne la guerre en Irak �d�erreur historique �. Sur le plan de la politique arabe men�e par Chirac, elle s�est voulue en continuit� avec celle de De Gaulle qui a entretenu des relations privil�gi�es avec le monde arabe. Mais alors que ce dernier la situait au strict plan officiel, des relations d�Etat � Etat, Chirac dans sa politique arabe et africaine a en permanence privil�gi� ses relations personnelles. Il a beaucoup �t� reproch� � Chirac, sur la Palestine par exemple, de ne pas avoir eu de vision de r�glement d�ensemble du probl�me dans un contexte d�un Moyen-Orient devenu de plus en plus complexe, et d�avoir �t� toujours influenc� par feu son ami Yasser Arafat ou encore sur le Liban, par feu son ami Hariri. Ces amiti�s personnelles ne lui ont pas permis d�agir sur les conflits, ni en Palestine ni au Liban, et ses prises de position ont souvent �t� qualifi�es de simples postures. Avec l�Afrique, Chirac a poursuivi la politique du fameux r�seau �fran�afrique � initi�e sous de Gaulle par le tr�s puissant Jacques Foccart (alors secr�taire g�n�ral de l��lys�e et patron des services secrets) et par Pasqua et une nu�e d�acteurs �conomiques, politiques et militaires. L�objectif �tant naturellement de continuer � s�accaparer les mati�res premi�res, en concourant � la mise en place de dirigeants acquis � la France et plus soucieux de leurs portefeuilles que de l�ind�pendance r�elle des pays qu�ils dirigent. L��tat de guerres d�clar�es ou latentes dans lequel se trouve aujourd�hui le continent est le r�sultat de cette constance fran�aise dans ses rapports aux �anciennes colonies�. Avec l�Alg�rie, les relations n�ont pas �t� simples. Si les sentiments d�amiti� qu�a d�velopp�s Chirac avec le pr�sident Bouteflika avaient augur� de relations privil�gi�es et de perspectives tr�s prometteuses, le cours des �v�nements est venu entraver ces perspectives prouvant que l�on est all� trop vite en besogne. D�un c�t� comme de l�autre, l�on a oubli� le lourd h�ritage laiss� par les 130 ann�es d�occupation fran�aise. Ca laisse des traces et la plus importante est sans conteste, aujourd�hui, la lecture pour le moins oppos�e que l�on a du pass� colonial. M�me si, sous la pression des Alg�riens et aussi de fran�ais anticolonialistes, Chirac a fait supprimer par le Conseil constitutionnel l�article 4, le plus contest� de la loi du 23 f�vrier 2005, il n�en demeure pas moins que cet �pisode a contribu� � mettre en relief l�impossibilit� encore de tourner la page et a r�v�l� aux Alg�riens que la France ne s�est pas encore d�partie de sa �grande mission civilisatrice dans sa conqu�te coloniale� et que l�on est loin de voir, avec Chirac et encore plus avec celui qui lui succ�de, l�ancien occupant demander pardon de ses crimes dans notre pays. Mais l� n�est pas le seul diff�rend qui a oppos� ces derni�res ann�es Chirac � notre pays. La position de la France quant � la d�colonisation du Sahara occidental est une grande plaie ouverte. En tant que membre du Conseil de s�curit�, la France a toujours bloqu� toute d�cision en mesure de d�bloquer la situation. Cette entrave, l� aussi, s�explique par les liens tr�s �troits qu�a toujours entretenus Chirac avec le Maroc de Hassan II et de son h�ritier sur le tr�ne. Des liens tellement �troits (et m�me familiaux) le conduiraient d�ailleurs, selon certaines informations parues ces derniers jours, � aller au Maroc passer quelques jours, d�s la passation des pouvoirs avec Sarkozy. K. B.-A. Ce que dit Chirac de Bouteflika Dans L�inconnu de l�Elys�e, biographie du journaliste Pierre P�an, parue aux �ditions Fayard en f�vrier 2007, Jacques Chirac qui explique (pages 221 et 222) son �pop�e Alg�rie fran�aise en ces termes �puisque la France avait d�cid� � � tort ou � raison � que l�Alg�rie devait rester fran�aise, eh bien, j�apporterais ma contribution : c��tait un choix fondamental�, �voque, un peu plus loin, dans ces m�mes pages, le chef d�Etat alg�rien en ces termes : �Bouteflika est un personnage complexe, mais je l�aime bien. Il d�teste cette p�riode coloniale, mais ne me le dit pas trop, car il est poli. C�est un sujet que nous avons en g�n�ral esquiv�. C�est lui qui m�a cit� un livre �crit en arabe par un ancien chef de la wilaya de l�Oranie, qui me consacrait quelques pages : �Il y avait dans la wilaya une unit� qui �tait command�e par un d�nomm� Chirac, et je tiens � faire l��loge de cet officier fran�ais� parce qu�il a toujours �t� d�une totale correction avec les gens de la wilaya. Il n�y a jamais eu un probl�me.� Chirac poursuit : �C�est vrai (�) j�avais un nerf de b�uf, et au moindre manquement de mes hommes � j�entends : quand l�un deux voulait forcer la porte des maisons quand c��tait pas n�cessaire, mettre la main aux fesses des filles, enfin vous voyez le genre�� je m�en servais.� Jacques Chirac poursuit en racontant que lors de sa visite officielle en Alg�rie : �Bouteflika organisa une grande r�ception r�unissant beaucoup de gens qui ont combattu la France. Il lui pr�senta une femme qui avait fait sauter un caf� fran�ais � Alger, puis l�ancien chef de wilaya qui lui avait consacr� quelques pages.� �Tous deux sont mont�s sur sc�ne et me sont tomb�s sur les bras. Cela ne m�a pas choqu�, et je les ai embrass�s de bon c�ur.�