La question � laquelle renvoie Ibn El Khafadja, auquel Hamdane Hadjadji a consacr� le livre que nous pr�sentons ci-apr�s, n�est pas seulement de mesurer l�ampleur de la nostalgie �plor�e pour Al Andalus pour �gayer quelque peu les temps durs de la d�cadence. Il renvoie � une question qui est plus que jamais d�actualit� : les po�tes de cour. Dans le monde arabomusulman, cette question, du reste, n�a jamais cess� d��tre d�actualit� car le rapport entre les pouvoirs et les po�tes, et plus g�n�ralement avec les intellectuels et m�me les journalistes, a �t� coul� dans le m�me moule, immuablement. Le Prince est non seulement le d�tenteur du pouvoir politique mais aussi du pouvoir intellectuel. Souvent d�ailleurs, et on le voit encore dans nombre de satrapies habill�es des oripeaux d�Etats-nations, le Prince est le premier po�te, le premier intellectuel et, d�aventure, le premier journaliste du pays. Qu�ajouter alors ? Les r�gles d�Al Andalus �taient claires. Les po�tes �taient d�extraction pauvre, � l�exception remarquable d�Ibn Khafadja, et seule leur entr�e en cour pouvait les sortir de l�. Alors, ils entrent en cour et d�layent le dithyrambe � l�honneur du Prince pour assurer leur pitance. Le talent se mesure alors et la quantit� de fleurs dont on couvre le g�n�reux protecteur des arts et des lettres. Ibn El Khafadja a la chance, lui, d�avoir une fortune, ce qui lui �pargne les courbettes et lui donne toute latitude de s�adonner � son art et � ses passions. Mais il demeure cette exception qui nous mart�le la r�gle, encore valable. Par moments, on se trouve aujourd�hui dans un �tat de r�gression par rapport � Al Andalus. Les po�tes de cour �margent non point au Palais, ce serait trop d�honneur pour eux. La courbette litt�raire est tellement d�mocratis�e que n�importe quel pouvoir � n�importe quel �chelon peut fabriquer ces po�tes de cour qui courent les all�es des institutions du pouvoir. L�all�geance peut prendre des formes in�dites, et c�est le seul talent qu�on peut reconna�tre aux po�tes de cour de la modernit� archa�s�e. Quant � Ibn Khafadja, il a voulu �tre un po�te des jardins plut�t qu�un po�te de cour. Il pouvait se le permettre. On peut prendre exemple sur lui, m�me quand on n�a pas le sou.