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REPORTAGE
APRES LE PUTSCH DU HAMAS, LA PALESTINE SOUS LE CHOC T�moignages et choses vues � J�rusalem et en Cisjordanie De notre envoy� sp�cial en Palestine, Hassane Zerrouky
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 06 - 2007

A Jerusalem, o� la crainte et la m�fiance entre Palestiniens et Isra�liens structurent la r�alit� de la ville sainte, et dans toute la Cisjordanie, les Palestiniens des territoires occup�s sont sous le choc. Ces images d�hommes d�fenestr�s, de membres du Fatah ex�cut�s de sang-froid sur leur lit d�h�pital ou apr�s s��tre rendus aux islamistes contre la promesse d�une vie sauve, le pi�tinement de l�embl�me palestinien et des portraits d�Arafat, ont choqu� les Palestiniens, y compris certains sympathisants du Hamas.
�LE HAMAS A FRANCHI LA LIGNE ROUGE�
�Le parti islamiste a franchi la ligne rouge. Savent-ils que des milliers de Palestiniens sont morts pour cet embl�me qu�ils ont pi�tin� et que des milliers d�autres sont d�tenus en Isra�l depuis pr�s de 30 ans, avant m�me la cr�ation du Hamas, pour cet embl�me�, dit sur un ton calme et ferme, le colonel Mazen Abou Hassen, membre du Fatah, responsable de la s�curit� de Jenine et Ram au nord de J�rusalem. Pour cet homme au physique de lutteur, ayant pris part � la bataille de Jenine, en avril 2003, �le Hamas �tait absent. Ce sont les hommes du Fatah qui ont fait face aux forces isra�liennes et qui sont tomb�s pour cet embl�me justement�. Et de citer les noms de ses compagnons morts les armes � la main � Jenine comme le commandant des forces du Fatah, Abou Djendef, et ses adjoints Ziad el Amer, Nidhal Houlouli, Amjad Fakouni� Mazen Abou Hassan est amer : �Le Hamas, c�est fini. Il n�y aura pas de dialogue apr�s ce qu�ils ont fait aux n�tres.� Pour Ziad Medoukh, professeur � l�universit� Al-Aqsa � Ghaza, �la population est d�boussol�e. Elle n�a pas encore r�alis� l�ampleur du d�sastre. On est doublement enferm�, par Isra�l et par le Hamas. Contrairement � ce que racontent les m�dias occidentaux, le Hamas a perdu de sa cr�dibilit�. Ici, � Ghaza, les gens �taient habitu�s au pluralisme politique et � une information pluraliste. Depuis le 14 juin, tout est � l�arr�t. Sur les 12 cha�nes de radio existantes, il ne reste plus que trois : Radio Iman, Radio Aqsa (Hamas) et Radio Qods (Djihad islamique). Toutes les activit�s culturelles et politiques sont � l�arr�t. Il n�y a d�sormais qu�un seul son de cloche : celui du Hamas.� A J�rusalem, en contre-bas du Saint-S�pulcre, sous une chaleur de plomb (38 degr�s), Bessam (sourire en arabe) palestinien de confession chr�tienne, attend d�sesp�r�ment le touriste. �Mais je ne souris pas depuis quelque temps�, dit-il. Peu de clients dans son fast-food. �La faute au Hamas�, lance-t-il. �Depuis la mort d�Abou Amar (Yasser Arafat), il a pris du poids. Vous avez vu ce qu�ils ont fait aux gens du Fatah, aux institutions et �coles chr�tiennes � Ghaza ?� Bessam, comme la majorit� des Palestiniens chr�tiens, soutient Mahmoud Abbas dans son refus de dialoguer avec le Hamas. Les plus jeunes esp�rent, sans trop y croire, que si Isra�l lib�rait Marwan Barghouti, cela changerait la situation. �Mais ils ne vont pas le faire�, dit cette jeune �tudiante, �galement de confession chr�tienne, de l�universit� de Bethl�em. �Le Hamas fait leur jeu. Pourquoi les Isra�liens se priveraient-ils d�un tel alli� pour poursuivre leur politique de colonisation ?� Les �lections anticip�es ? �Les islamistes laisseront- ils les habitants de Ghaza y participer ? se demande-t-elle. Mardi dernier, � Beitjala s�par�e d�une rue de Bethl�em, avait lieu une veill�e fun�raire au domicile du po�te palestinien Carlos Khalil Touma dont le p�re (94 ans) est d�c�d� au courant de la nuit. Dans le salon, orn� d��ffigie de la Vierge Marie et du Christ, amis et proches assis autour de deux pr�tres de rite grec-catholique (le d�funt �tait chr�tien), la discussion tourne autour des �v�nements de Ghaza. Ici, dans cette commune frontali�re de Bethl�em, ville de naissance du Christ, habit�e exclusivement par des Palestiniens de confession chr�tienne, la population s�est rang�e comme un seul homme derri�re Mahmoud Abbas. Carlos Khalil Touma, membre du Parti populaire palestinien (PPP, communiste), qui a fait trois ans de prison en Isra�l avant d��tre lib�r� � l�occasion des accords d�Oslo en 1993, estime que �le Hamas a commis une grave erreur et qu�il n�a qu�une seule alternative, accepter des �lections anticip�es au lieu de tergiverser et de mettre le mouvement national palestinien en danger �. A Bethl�em m�me, o� le Hamas est pr�sent au sein de la forte minorit� musulmane, on n�en pense pas moins. Dans cette ville, entour�e par le mur de s�curit� construit par Isra�l pour parer soi-disant aux attentats, g�r� par un maire communiste de confession chr�tienne, le Fatah a ferm� le local du Hamas et lui a interdit toute forme d�activit�.
DE L�AUTRE C�TE DU �MUR DE LA HONTE�
Changement de d�cor. De l�autre c�t� du mur dit de �s�curit� �, cette hideuse barri�re de b�ton, longue de 700 km, qualifi� de �mur de s�paration raciale�, de �la honte� par les Palestiniens, on entre dans un autre monde. Des pans entiers de terres cultivables, des habitations, parfois des quartiers entiers, des �tablissements scolaires, des centres de sant�, des puits d�eau, se sont trouv�s du jour au lendemain de l�autre c�t� du mur. Des familles enti�res ont �t� d�finitivement s�par�es de leurs voisins et de leurs proches, changeant de statut juridique, devenant des �r�sidents temporaires � � la merci d�une expulsion par les forces isra�liennes. Aux barrages de contr�le en place � l�int�rieur de la Cisjordanie, des check-points de l�arm�e isra�lienne install�s pr�s du mur, filtrent les sorties et rendent du coup le bouclage des territoires occup�s plus efficace : il suffit de fermer ces immenses portes m�talliques qui permettent aux voitures et aux transports publics de passer de l�autre c�t� ! Pour Assad Meslaoui, pr�sident de l�association des commer�ants de Ram, au nord de J�rusalem, �d�j�, avant la construction du mur, c��tait tr�s difficile. Maintenant, c�est pire : plus de 50% des commerces et des petites et moyennes entreprises ont ferm�. Moi, qui gagnais 5 000 dollars par mois, j�en fais � peine 500 aujourd�hui. Alors au lieu de s�unir pour faire face � la situation, le Hamas a choisi la force parce que sa politique n�ob�it pas � l�int�r�t national palestinien. Elle est commandit�e de l�ext�rieur �. Son coll�gue Ahmed Nadchi, sympathisant du Parti populaire palestinien (communiste), est cat�gorique : �Le mur est une violation des droits de l�homme. Quant au Hamas, il a commis l�irr�parable. Maintenant, la parole est au peuple : c�est � lui de trancher par la voie des urnes. Le Hamas a d�j� perdu la partie, c�est pour �a qu�il rejette les �lections anticip�es.� A Ram, le parti islamiste est peu pr�sent. La ville est dirig�e par une coalition form�e entre le Fatah, les communistes et le FPLP.
RAMALLAH SI LOIN ET SI PROCHE DE GHAZA
Dans la capitale politique palestinienne, sous haute surveillance polici�re, apr�s que Mahmoud Abbas eut d�cr�t� le Hamas hors-la-loi, le Fatah n�a pas fait dans le d�tail : arrestations, fermetures des locaux des islamistes et saisies de leur mat�riel informatique et de documents. Mais selon le colonel Mazen Abou Hassan, �il n�y a plus aucun membre du Hamas en prison : ils ont tous �t� lib�r�s, mais interdits d�activit�. A Ramallah, tout para�t normal. Ghaza semble loin mais proche. Ici, � de rares exceptions, toute la population est derri�re Mahmoud Abbas. Avec ses rues embouteill�es par la circulation, ses caf�s bond�s, ses boutiques de mode, Ramallah donne l�impression d�une capitale qui a peu souffert de l�embargo d�cr�t� par l�Occident depuis l�arriv�e du Hamas au pouvoir. �Le Hamas ne remettra plus les pieds ici�, assure ce jeune officier de la garde pr�sidentielle. Mais sortie de la capitale politique palestinienne, la r�alit� rattrape le visiteur, rues d�fonc�es et poussi�reuses, le mur qui vous accompagne, masquant le paysage et les in�vitables check-points � la sortie de la ville, avec leur longue queue d�automobilistes attendant le bon vouloir du militaire isra�lien pour passer. C�est � l�un de ces checkpoints que Abeer Abdeen, la toute jeune responsable de la commission des femmes de la ville de Ram au nord de J�rusalem, a accouch� au d�but d�avril dans une ambulance parce que les forces isra�liennes ont boucl� les territoires. �J�ai cru que j�allais mourir. Je priais Dieu de sauver mon b�b�. Des soldates isra�liennes, choqu�es par les ordres de leurs sup�rieurs, m�ont aid�e � accoucher. Dieu merci, �a s�est bien pass�.� Aujourd�hui, la jeune femme �voque sa m�saventure en souriant.
NAPLOUSE, LA VILLE DE TOUTES LES TENSIONS
Plus au nord, Naplouse que l�on rejoint par la �route des colons�, voie rapide que seuls les Isra�liens empruntent, serpente � travers une vall�e entour�e de petits monts, au sommet desquels se trouvent les implantations coloniales. Pour parer aux attaques des colons, certains villages palestiniens ont barr� l�acc�s de leurs localit�s � l�aide de gros rochers, de cubes de b�ton et de fil barbel�. Ici, le face-�-face est quotidien. Les colons n�h�sitent pas � ouvrir le feu sur les bergers palestiniens si par malheur leur troupeau s�approchait des colonies. �Il y a un mois, deux enfants ont �t� tu�s ici par balles�, m�assure Yahia, un des rares Palestiniens autoris�s � emprunter cette voie. Toujours pr�s de Naplouse, � Amirad, des colons d�origine russe et br�silienne ont arrach� 300 oliviers appartenant � des paysans palestiniens, pour ensuite les replanter dans leur colonie �ill�gale� de Shavot Rachel implant�e sur un terrain confisqu� par la force aux Palestiniens. Dans cette r�gion d�oliviers, on a l�impression d��tre au Far West, avec des colons volant la terre aux Indiens sous la protection de l�arm�e. Naplouse, domin� par le Mont Gourizim, ancien fief de la gauche palestinienne, est un vrai camp retranch�. Le check-point a des allures de poste-fronti�re : les taxis collectifs venant de Ramallah d�posent leurs clients sur un parking : ils n�ont pas le droit d�y p�n�trer. Pour y entrer, pas de contr�le : il suffit de passer le portillon m�tallique. Mais pour sortir, c�est une autre affaire : il faut faire la queue qui peut durer plusieurs heures, montrer ses papiers, se justifier, avant de recevoir le s�same. Naplouse d�tient le triste record du plus grand nombre de prisonniers palestiniens d�tenus en Isra�l, environ 30% et du plus grand nombre de Palestiniens tu�s lors des deux Intifadha. L�arm�e isra�lienne a �tabli un cordon s�curitaire tout autour de la ville. Les jeunes sont, sauf exception express, interdits de quitter la ville. En raison de la jeunesse de la population � les moins de 20 ans sont majoritaires � , c�est plus de la moiti� de la population qui est clo�tr�e dans la ville. Depuis le 14 juin, le Fatah r�gne en ma�tre. L��viction des islamistes, qui g�raient la ville, a �t� brutale : locaux saccag�s et incendi�s, membres du Hamas, dont le maire et l�ancien ministre de la Justice, Ahmed Al Khaldi, arr�t�s avant d��tre rel�ch�s. Les islamistes se terrent, �vitent de parler aux �trangers, � savoir les journalistes ou des membres d�ONG. Khaled Jendakgy, patron de la Librairie populaire, o� l�on ne trouve que de la litt�rature marxiste (autre paradoxe de cette Palestine occup�e) � l�entr�e de la vieille ville, n�est pas tr�s optimiste : �Si aucune solution n�intervient, je crains pour l�avenir des Palestiniens. Le Hamas a commis l�irr�parable, il doit se plier � la l�galit�, accepter de retourner aux �lections. Les Palestiniens n�accepteront pas un �mirat islamiste � Ghaza.� A Naplouse, o� la tension est permanente, les incursions isra�liennes quasi quotidiennes d�s la nuit tomb�e, une partie de la population reste fid�le au Hamas. Le pire est � craindre. Un responsable du Hamas, cit� par Charq al Awsat du 20 juin, menace d��tendre le conflit � la Cisjordanie o� son parti disposerait de 4 000 hommes arm�s � Naplouse et H�bron, si la �r�pression� envers le Hamas ne cessait pas ! �C�est du bluff�, assure Khaled Jendakgy. A voir.


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