L�abstention qui a fait couler tant d�encre est d�j� pass�e � la trappe de l�oubli. L��crasante majorit� des d�put�s a vot� le programme du gouvernement. On peut bien s�r y voir une cons�quence naturelle. La plupart des petits partis ont concurrenc� les partis de la coalition et leur ont m�me piqu� des si�ges. En somme, ils �taient contre la coalition, mais pour le pr�sident. Cette attitude double est devenue l�image normale de la vie politique. D�une part, le pr�sident intouchable est pass� � l�image du bon p�re, du bon dirigeant, du bon chef desservi par un entourage incapable ou hostile. Je vous avais d�j� dit mon sentiment que le succ�s du pr�sident reposait sur cette image du patriarche si productive politiquement dans une soci�t� encore puissamment marqu�e par le patriarcat, l�organisation tribale et clanique et leurs tabous. Ces soci�t�s patriarcales, rappelons-le, g�n�rent l�autorit� et le besoin d�autorit� pour sa r�gulation. C�est archiconnu. Le combat pour la d�mocratie dans des conditions sociales et culturelles pareilles est ardu, difficile, long. Car,, ce besoin d�autorit� passe facilement � la justification de l�autoritarisme, par la soci�t� elle-m�me. Les fissures importantes qui apparaissent dans cette organisation patriarcale, la naissance chaotique de la famille nucl�aire et des m�tiers modernes, l��mergence de nouveaux �l�ments culturels li�s � cette naissance n�ont pas encore pes� de tout leur poids sur la vie politique. Il leur manque les repr�sentations id�ologiques et les programmes qui peuvent les aider � se trouver une expression et une issue politiques. Les syndicats autonomes, les luttes sociales n�ont pas atteint cette ampleur qui fait basculer la conscience des attaches de la solidarit� tribale devenue illusoire � la solidarit� de l�appartenance socioprofessionnelle. L�abstention marque bien la rupture des consensus non �crits entre le pouvoir central et ces structures tribales localement actives et efficientes. Le pouvoir est pouss� par sa propre logique de renforcement qui ne peut renvoyer les anciennes structures qu�� un r�le subalterne. Nous assistons au paradoxe d�un dernier flamboiement du patriarcat au seuil de sa mort. Comme un chant du cygne m�me si tout nous indique le contraire.