La majorité absolue décrochée par ce parti sera une arme à double tranchant. Sans doute fallait-il être présent à la cérémonie officielle d'installation de l'APN pour constater toute la suprématie du FLN sur cette Assemblée et, partant, sur le pouvoir politique en Algérie. Les 199 élus du parti de Benflis lui garantissent le droit sans discussion de prendre en main, en solo, les affaires du pays en formant un gouvernement monochrome, c'est-à-dire formé d'une seule couleur, celle du FLN. Tous les députés rencontrés, samedi, à l'hémicycle Zighoud-Youcef, étaient d'accord sur ce point. Si d'aucuns le souhaitaient fortement, comme n'a pas manqué de le souligner Abderrezak Mokri, d'autres se sont juste contentés de réitérer leur refus ferme de prendre part à la future coalition gouvernementale. Telle a été la position exprimée par la plupart des parlementaires du parti de Saâd Abdallah Djaballah. Le chef de file des élus du PT, Louisa Hanoune, a, pour sa part, indiqué la même chose, ajoutant, toutefois, que les députés du Parti des travailleurs ne verseront jamais dans la facilité, celle de l'opposition pour l'opposition. «Nous sommes convaincus que les volontés de tous sont nécessaires pour faire sortir le pays de sa crise. Nous oeuvrerons, en toute bonne foi, à proposer des lois et à faire des propositions d'amendement. Nous ne serons pas foncièrement contre le FLN et la future coalition gouvernementale. A chaque fois que ces partis apporteront des propositions que nous jugerons positives, nous les soutiendrons et voterons pour.» Le décor semble planté quant à la configuration (effective) de cette nouvelle APN. Difficile, cependant, d'en dire autant pour le futur gouvernement. Les parlementaires ont tous insisté pour que leur parti oeuvre à former un gouvernement de coalition, le plus large possible. Le RND, dont le groupe, a-t-on pu apprendre, a tenu un conclave avec son secrétaire général, une heure ou deux avant l'ouverture de l'APN, aurait reçu instruction de «ménager ses pairs du FLN». Les députés du RND, interrogés sur ce sujet, se sont montrés évasifs. En revanche, tous ont été loquaces sur la crise qui secoue leur parti, indiquant en choeur que «la fronde sera balayée le jour du conseil national et la confiance réitérée à Ahmed Ouyahia». Du côté du MSP, on n'en mène pas large. Déjà, certains ont commencé à se demander s'ils seront maintenus ou pas à leurs postes ministériels alors que d'autres ne font même pas secret de leurs prétentions nouvelles ou anciennes. Des députés du parti de Nahnah, sans l'air d'y toucher, ont même mis en avant le «risque» de voir le MRN accepter, en définitive, de prendre part au gouvernement. Une manière indirecte, somme toute, de mettre en avant les craintes de ce parti de voir réduire le nombre de ses portefeuilles ministériels à cause du partage en deux du quota réservé à la mouvance islamiste. Le MSP, en outre, fait face à un conflit organique interne. Son président avait déjà annoncé que des changements profonds interviendront tant au niveau de la ligne qu'au sein des instances dirigeantes, ce que beaucoup de cadres et d'élus voient d'un très mauvais oeil comme nous avons pu le constater hier. Ces deux partis, qui ont toutes les chances de faire partie de la future coalition gouvernementale, ont parlé de tout sauf des difficiles missions qui attendent l'Exécutif. Le FLN, qu'il le veuille ou non, a été choisi par le peuple à la majorité absolue. Dès lors, il est attendu sur des dossiers tout aussi sensibles qu'urgents, des dossiers qui ne souffrent ni ambages ni attentisme. Le FLN pourra-t-il sérieusement compter sur ses alliés, sachant qu'ils ont d'autres préoccupations, mais aussi des revanches prochaines à prendre sur le destin et sur lui? Rien n'est moins sûr...