En plus de son caract�re historique et culturel, la vieille ville de Constantine est un centre commercial tr�s important. Quoique l�anarchie y r�gne, impos�e par les squatters qui se sont appropri�s des espaces publics en y �rigeant des �talages en guise d��choppes, hideuses faut-il le signaler, d�fie aussi bien l�ordre public que la qui�tude des autochtones. Ils s�y sont d�finitivement install�s, rendant la mobilit� des passants impossible et plongeant ces quartiers jadis de convivialit� dans une atmosph�re d�hostilit� et d�ins�curit�. Pendant toute la journ�e, les art�res de la partie haute de la M�dina sont �touffantes. Les commer�ants du coin vendent de l�habillement pour femmes, des bijoux, des produits cosm�tiques� Les femmes surtout y viennent faire leurs courses. Cependant, des squatters se sont install�s juste � c�t� pour commercialiser les m�mes produits. Par leurs tables imposantes, ils obstruent toutes les voies, vitrines et acc�s des boutiques. Ces tables sont de v�ritables commerces � ciel ouvert. A la moindre averse, les squatters montent des parasols g�ants � faisant jusqu�� 10 m2 � et b�chent la rue en cr�ant une sorte de tunnel angoissant. Ils exposent les marchandises au milieu de la rue en les fixant par des esses attach�es � des cordes dress�es dans tous les sens. Les quartiers E-Ressif et Rahbet E-Souf sont devenus infr�quentables. Le visiteur devrait jouer des coudes pour pouvoir y circuler ou du moins passer d�un �tal � un autre. Cette pagaille a profit� aux pickpockets et autres malfaiteurs. �Tout au long de la journ�e, ces ruelles ne d�semplissent pas, grouillant de femmes, lesquelles sont des proies faciles. Les voleurs y trouvent leurs comptes. Je vous jure qu�ils sont connus mais personne n�intervient pour les r�primer. Par ailleurs, ils sont loin d��tre soup�onnables. Ils sont propres et bien habill�s comme des personnes hupp�es�, a lanc� un commer�ant qui g�re le bazar de son p�re. A Rahbet E-Souf, les vendeurs de pizza ont transform� la placette du coin en une grande station de fast-foods o� insectes et poussi�re riment avec mayonnaise et autres ingr�dients de qualit� douteuse. Certains vendent des brioches, des croissants, des galettes� Le hic c�est que les gens y passent pour casser la cro�te et en m�me temps commander un repas pour toute la famille... En fin de journ�e, les services d�hygi�ne de la commune ramassent des tonnes de d�chets et d�ordures. Un sc�nario qui se reproduit tous les jours que Dieu fait. �Si un commer�ant jette un carton devant sa boutique avant l�heure du passage du camion de ramassage des ordures m�nag�res, il risquera la fermeture. Pourquoi alors l�Etat ne r�agit-il pas contre ces squatters qui, en plus de leur ill�galit�, ne respectent aucune mesure d�hygi�ne?� s�est interrog� un commer�ant. �L�Etat est absent� Certains commer�ants ont port� plusieurs plaintes aupr�s des responsables locaux pour qu�ils r�agissent et mettent fin � cette anarchie. En vain. �A cause de ces �tales, les sapeurs-pompiers n�ont pas pu intervenir pour circonscrire l�incendie qui s�est d�clench�, au mois de juillet dernier, � l�int�rieur d�une maisonnette du quartier. Les ruelles sont exigu�s et le squat des espaces par les marchands informels a rendu la mobilit�, y compris des acheteurs, impossible. Ces conditions favorisent la d�linquance et nous plongent dans un climat d�ins�curit�. Une situation qui a fatalement bris� l�activit� l�gale. Certains de nos plus vieux clients ont choisi d�autres destinations pour aller faire leurs courses�, a d�plor� un commer�ant de ce vieux souk. Il ajoutera que les squatters, issus pour la majorit� des banlieues et des p�riph�ries de Constantine n�h�sitent pas � user d�armes blanches pour �touffer la grogne des commer�ants, ruin�s par cette concurrence d�loyale. A en croire ces derniers, outr�s par cette activit� informelle, ces gens ont �rig� un r�gime criminel semblable � celui de la mafia russe. �Ces marchands informels vendent les m�mes produits que les n�tres mais � bas prix car ils n�assument aucune charge au moment o� nous, nous payons les imp�ts, l��lectricit� et le loyer (entre 30 000 et 40 000 DA). De plus, ils s�approvisionnent chez des grossistes qui les traitent au m�me titre que nous. Comment peut-on les concurrencer ? Pis, celui qui tente de chasser quelqu�un qui cache l�acc�s de son magasin ou �clipse sa devanture risque d��tre agress� sur-le-champ ou bien de voir son �choppe incendi�e ou cambriol�e�, a-t-il avanc�. Un autre commer�ant, bijoutier de son �tat, s�est pos� la question de savoir si ces squatters sont r�ellement dans le besoin pour indiquer que certains parmi eux sont des trafiquants de drogue qui font de ces tables une couverture pour d�autres activit�s d�lictueuses. Il accusera les pouvoirs publics, de part leur silence, d��tre derri�re la propagation de ce ph�nom�ne. �Comment se fait-il qu�un squatter s�approprie de l�espace public et le loue par la suite � sa guise ? Ces soi-disant �tals sont devenus, ill�galement, des fonds de commerce � part enti�re. Ces gens travaillent dans l�opacit� et ne font qu� el-kahla (les activit�s criminelles). S�ils ont vraiment besoin de travailler, je croix qu�ils ne louent pas leurs tables ou encore ne les vendent pas. Ils agissent ainsi parce que tout simplement l�Etat est absent�, a-t-il dit. La location tourne autour des 600 DA la journ�e. Selon ce m�me bijoutier, le prix de la table, lui, varie entre 30 000 et 100 000 DA. A c�t�, � E-Chara�, des racketteurs se sont empar�s de la voie publique pour en faire des parkings sauvages. �Nous payons 30 DA en guise de droits de stationnement � des bandits. Celui qui ne paie pas verra son v�hicule saccag�, a rench�rit un autre commer�ant. Certains commer�ants, r�v�le l�un des leurs activant de fa�on l�gale, sont aussi responsables de cet �tat de fait. Il donnera l�exemple d�un bijoutier qui a squatt� la proximit� imm�diate de son local pour y installer des �talages proposant des produits cosm�tiques. �Ce commer�ant est dans une activit� qui n�est pas conforme � celle mentionn�e sur son registre du commerce�, explique-t-il. Men�s par un pouvoir d�achat faible, les acheteurs pr�f�rent payer moins cher chez les marchands de la rue. �Ils ach�tent, y compris bijoux et ornements en or chez les dellalate, sans facture ni aucune garantie, et viennent chez nous pour l�analyser, sans scrupules�, dixit un bijoutier. �L�Etat est incapable de trouver des solutions � moyen terme� Bref, le commerce informel a pris les devants par rapport au commerce r�glement� ou l�gal au centre-ville de Constantine. Cette situation est, selon les termes d�un bijoutier, une bombe � retardement. �Le silence des pouvoirs publics a nourri la haine et la ranc�ur et les ayants droit ne resteront pas les bras crois�s �ternellement. Ils seront oblig�s de d�fendre leurs int�r�ts et il y aura certainement des d�passements��, pr�sage-t-il. A cause de cette anarchie, ceux qui payent les imp�ts sont sur le point de mettre la cl� sous le paillasson. Certains commer�ants ont d�j� ferm� leurs �choppes et lou� des tables pour mieux gagner leur cro�te. Soit des pertes en plus pour le Tr�sor public et l��conomie nationale. Du c�t� de la mairie, le P/APC, M. Ali Mcha�r, a donn� une lecture sociale � ce ph�nom�ne et justifi� le silence de son instance par l�incapacit� de l�Etat alg�rien � trouver des solutions, � court terme, pour l�encadrement des jeunes d�s�uvr�s. Il dira, par ailleurs, que la d�cennie noire a �branl� l�autorit� de l�Etat et le respect de ses agents. �Le commerce informel est le gagne-pain de plusieurs milliers de ch�meurs. Certes, cette activit� d�sorganis�e est un mal de la soci�t� alg�rienne mais comment peut-on prendre en charge tous ces jeunes sans-emploi ? On fait de notre mieux pour promouvoir l�investissement afin de cr�er de l�emploi. Car, la panac�e pour tous les maux sociaux r�side dans la cr�ation d�un r�gime de protection sociale ad�quat. Le b�ton � lui seul ne r�sout gu�re les probl�mes. Au contraire, �a va cr�er d�autres probl�mes. D�autre part, la commune manque cruellement d�effectifs pour pouvoir g�rer un tel imbroglio�, a-t-il d�clar�. En fait, la lutte contre ce fl�au est l�une des missions de la police. Mais ce service n�a pas commandit� des op�rations de grande envergure depuis 2003. Le contexte �tait les �v�nements de Kabylie. Les squatters avaient investi tous les espaces du centre-ville, la rue de France, la Br�che, la place Lamorici�re� et ce, en mena�ant de br�ler le Tout- Constantine si un jour l�Etat essayait d�interdire leur activit�. La S�ret� de wilaya de Constantine, � l��poque, avait r�quisitionn� plus de 200 policiers pour nettoyer les avenues principales de la ville. Il y avait une volont� d��radiquer le ph�nom�ne dans certaines art�res. Cette op�ration �tait un succ�s que tout le monde avait applaudi. La plupart des commer�ants informels ont trouv� refuge dans la vieille ville, notamment dans sa partie haute. La M�dina de Constantine ne semble exister en fait que dans l�imaginaire des nostalgiques et les discours populistes et l�nifiants de nos gouvernants.