Ce qui n��tait que notes confidentielles inscrites sur les tablettes des services secrets et des officines charg�es de la traque de groupes terroristes li�s � Al Qa�da est r�v�l� au grand jour par la s�rie d�attaques terroristes perp�tr�es au printemps dernier � Alger et r�cemment encore par les attentats kamikazes de Batna et Dellys : l�Alg�rie est bel et bien la cible de l�extension en r�seau du djihadisme salafiste d�Al Qa�da. Une nouvelle donne g�opolitique qui concerne plusieurs r�gions du monde menac�es par le djihad transnational et globalisant d�Al Qa�da. D�di�e au djihad global, Al Qa�da s�est �vertu�e, depuis sa naissance, en 1996, dans les montagnes d�Afghanistan, � consolider son emprise sur ce territoire qui sera, apr�s la chute du r�gime prosovi�tique de Nadjibullah, un �mirat taliban d�o� seront planifi�s les attentats du 11 septembre 2001. La fulgurante riposte des USA et des forces de l�Alliance atlantique, � la suite de ces attentats allait pr�cipiter la chute du sanctuaire afghan d�Al Qa�da et l�isolement de cette organisation terroriste qui s�est efforc�e, depuis, � �tablir d�autres foyers pour son djihad global et transnational auquel l�invasion am�ricaine de l�Irak a servi d�alibi pour se d�velopper extra muros. La Jordanie puis l�Arabie Saoudite, deviendront le th��tre d�attentats sporadiques revendiqu�s par Al Qa�da qui a jet� son d�volu sur l�Irak, suite au ralliement du chef terroriste islamiste sunnite Al Zarqawi et l�gitimera sa pr�sence dans ce pays, selon certains analystes, en alimentant une violence interconfessionnelle, sur fond de nationalisme arabe dirig�e, essentiellement, contre les chiites mais aussi contre les arm�es am�ricaines et de leurs alli�s qui ont particip� � la chute du r�gime ba�siste de Saddam Hussein. L�antiam�ricanisme, moteur du djihadisme global d�Al Qa�da. Au Moyen-Orient comme au Maghreb, Al Qa�da veut surfer sur la vague et l�utopie nationaliste raviv�e par le ressentiment nourri � l��gard des USA et l�hostilit� � Isra�l. Un d�fi que certains veulent r�cup�rer, au nom d�un certain panislamisme, et auquel Al Qa�da veut s�arrimer � travers son jihadisme salifiste. �L�apr�s- 11 septembre et l�intervention am�ricaine en Irak avaient raviv� de vieilles blessures, l�anti-imp�rialisme est de retour au c�ur des mobilisations politiques de la r�gion (�). L�islamisme a repris le flambeau de cette id�ologie nationalisme, ndlr) discr�dit�e par le n�potisme, la corruption, l��chec �conomique et l�impuissance � lib�rer la Palestine des r�gimes nationalistes la�cs de la r�gion.(�) Dans ce contexte, l�identit� a tendance � se r�fugier dans un imaginaire culturel o� l�islam est tr�s performent�, dira Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS (Paris)(1). Pour d�autres analystes, c�est la tendance � la manipulation de l�islam par certains dirigeants � des fins d�endiguement de la menace islamiste sur leur r�gime qui encourage et alimente la mont�e et l�ascendant des mouvements islamistes radicaux et fondamentalistes au sein des soci�t�s arabe et musulmane. Une r�alit� qui trouve son illustration dans la situation v�cue durant ces vingt derni�res ann�es par l�Alg�rie. Les concessions faites aux islamistes du FIS ont produit les foyers terroristes du GIA, de l�AIS et plus tard du GSPC. Le pouvoir actuel qui s�est enferm� dans une logique, r�conciliatrice d�brid�e a ouvert la voie aux attentats kamikazes et � Al Qa�da. Le GSPC, t�te de pont d�Al Qa�da au Maghreb Les derniers d�veloppements intervenus sur la sc�ne s�curitaire alg�rienne et marocaine renforcent la conviction des analystes et sp�cialistes du renseignement : Al Qa�da � bel et bien jet� son d�volu sur les pays du Maghreb. S�appuyant sur les organisations salifistes djihadistes autochtones, le tandem Al Zawahiri et Ben Laden a fini d��tendre les tentacules de la n�buleuse Al Qa�da aux pays de la rive sud de la M�diterran�e o� le GSPC constitue sa t�te de pont et un moyen de p�n�tration pour sa subversion terroriste djihadiste vers le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie et m�me dans la sous-r�gion du Sahel. Si de l�avis de certains sp�cialistes, des contacts ont toujours exist� entre Al Qa�da et le GSPC n� en 1998, d�une dissidence au sein du GIA conduite par Hassan Hattab, le ralliement officiel de cette organisation terroriste alg�rienne dirig�e depuis 2005 par Abou Moussaab Abd Al Wadoud a eu lieu le 11 septembre 2006. Cette union qui a donn� naissance � une organisation portant le label Al Qa�da pour le Maghreb islamique (AQMI) a �t� salu�e comme une victoire et sous le signe de la c�l�bration des attentats du 11 septembre qui ont vis� les deux tours jumelles de New York et le si�ge du Pentagone, dans un message adress� � ses alli�s jihadistes alg�riens par Al Zawahiri, le num�ro deux et id�ologue d�Al Qa�da. Dans ce message diffus� par la cha�ne satellitaire arabe Al Jazeera, le bras droit de Ben Laden estime que �cette union b�nie sera un os dans la gorge des crois�es am�ricains et fran�ais (�) et fera na�tre la peur dans le c�ur des tra�tres et des fils de la France�. Dans sa lettre d�all�geance diffus�e le lendemain sur un site Internent repris par plusieurs m�dias, le chef de l�organisation terroriste alg�rienne, le GSPC, devenu AQMI, d�tailla les raisons qui l�avaient conduit � rallier Al Qa�da dont la ligne est, consid�re-t-il �conforme au Coran et � la tradition du Proph�te (�) ses fetwas sont conformes � la charia (�), sa politique est bien guid�e (�), nous avons enti�re confiance en la foi, la doctrine, la m�thode et le mode d�action de ses membres ainsi qu�en leurs chefs et leaders religieux�. Cet �change �pistolaire constitue un socle et un manifeste politico-id�ologique pour un ralliement qui sera suivi par un retentissant effet d�annonce qui a pris les contours d�une v�ritable campagne de marketing et de communication bien r�gl�e : le GSPC change de nom et se fait appeler Al Qa�da pour le Maghreb islamique (AQMI). Apr�s Casablanca, c�est Alger qui sera vis�e par une s�rie d�attentats spectaculaires, cibl�s et synchronis�s, et portant la marque de fabrique Al Qa�da, avec au bout un retentissement m�diatique � l��chelle plan�taire. Pour certains analystes, le changement d�appellation correspond � des int�r�ts mutuels entre la direction du GSPC et le noyau dur d�Al Qa�da. Le premier profite du prestige de la marque mondialement connue qui est Al Qa�da, cette derni�re, pour sa part, b�n�ficie des coups d��clat de ses nouveaux repr�sentants et d�veloppe ses r�seaux au Maghreb. A travers le rattachement du GSPC � Al Qa�da, c�est une nouvelle orientation qui est donn�e � la subversion terroriste islamiste dans les pays du Maghreb, selon M. Guider, directeur de laboratoire d�analyse de l�information � Cryc-Saint-Cyr, dans une �tude publi�e sur Le Monde diplomatique. �Ce ralliement illustre une dynamique qui d�finit le nouveau visage du terrorisme islamiste : l�articulation de groupes arm�s disposant d�un fort ancrage � un vaste r�seau transnational qui est un ph�nom�ne dans lequel Al Qa�da joue le r�le de r�f�rent symbolique (et id�ologique) et dont le conflit irakien constitue le principal catalyseur�, estime le chercheur fran�ais qui a mis en �vidence la dynamique d�internationalisation qui, anime le GSPC qui aux yeux de Ben Laden et d�Al Zawahiri, remplit toutes les conditions pour son rattachement � la multinationale terroriste Al Qa�da, car disposant d�une sorte de l�gitimit� historique, � savoir sa longue pr�sence sur le terrain de la subversion terroriste qui le distingue autres factions djihadistes du Maghreb pour la cr�ation d�une organisation terroriste pour la r�gion sur le mod�le d�Al Qa�da pour le pays des deux fleuves (Irak). L�arrestation, au milieu du mois de mai dernier de trois terroristes libyens venus s�entra�ner dans les maquis alg�riens du GSPC/AQMI, constitue un indice sur l�interconnexion et l�existence de liens op�rationnels entre les groupes salafistes djihadistes alg�riens, marocains, tunisiens, mauritaniens libyens. Bien avant sa d�claration officielle d�all�geance � l�organisation terroriste de Ben Laden, le GSPC, qui a �t� soup�onn� d�avoir pris part � l�op�ration terroriste de la fin de l�ann�e 2006 enregistr�e en Tunisie, a men� une action terroriste en territoire mauritanien contre une caserne des forces de s�curit�. La th�se, selon laquelle les maquis du GSPC ont toujours constitu� une �cole de formation pour les salafistes djihadistes des pays du Maghreb, ne fait l�ombre d�aucun doute pour les experts et sp�cialistes du renseignement. Le Maghreb, un tremplin pour le terrorisme en Europe On est bel et bien face � des r�seaux djihadistes qui affirment par l�action terroriste violente et spectaculaire leur vocation internationaliste, prenant les pays du Maghreb comme un tremplin pour s�attaquer aux int�r�ts europ�ens et am�ricains. Ce n�est donc pas l�expression �d�un micro-terrorisme de g�n�ration spontan�e� comme on a tent� de pr�senter les faits, dans un premier temps, du c�t� officiel au Maroc. Un pays o� l�on a fini par prendre la mesure de la gravit� de la situation, comme en t�moignent les messages envoy�s par le souverain marocain Mohammed VI � Bouteflika � la suite des attentats de Batna et de Dellys ainsi qu�au lendemain des attentats de la miavril dernier, invitant le pr�sident alg�rien � une coop�ration et � un travail en r�seau dans le domaine s�curitaire impliquant tous les pays de la r�gion pour faire face � la menace terroriste d�Al Qa�da. Une organisation dont �l�aura� est per�ue par tous les islamistes qu�ils soient d�ob�dience djihadiste ou pas comme un moyen pour insuffler un nouveau souffle � leur engagement militant pour l�instauration d�un califat de l�Islam sur les territoires o� vivent les musulmans. �Une menace qui commandera sans doute l��volution des relations internationales au cours des ann�es � venir�, observe un sp�cialiste en relations internationales(2), estimant que �depuis les attentats du 11 septembre, le terrorisme islamiste est d�une nature nouvelle. D�pourvue de base �tatique, territoriale ou populaire, il appara�t, en s�appuyant sur les mouvances de l�islam radical, comme l�expression d�une volont� de lutte plan�taire contre un Occident per�u comme hostile contre lequel le djihad est pr�sent� comme un devoir en vue de l�extension de Dar al Islam.� De fait, Europ�ens et Am�ricains multiplient les initiatives dans le domaine de la coop�ration militaire et du renseignement pour endiguer une vision strat�gique qui semble trouver sa traduction dans la multiplication de bases op�rationnelles du terrorisme islamiste dans plusieurs r�gions et sous r�gions du monde et, notamment, en Afrique, au Moyen-Orient et au Maghreb, une r�gion situ�e aux portes de l�Europe. L�administration Bush ne d�sesp�re pas de rallier les pays du Maghreb � son initiative de cr�ation d�un commandement militaire unifi� en Afrique et au Maghreb charg� de d�manteler les bases op�rationnelles du terrorisme dans la r�gion et au Sahel, au Maghreb et en Alg�rie. Un pays o� le GSPC perp�tue le r�ve d�un Etat th�ocratique port� par l�ensemble des tendances de l�islamisme alg�rien. En se mettant sous la banni�re de Ben Laden et de A�man Al Zawahiri, l�organisation terroriste alg�rienne s�inscrit dans l�utopie panislamique. Cette vision de la frange djihadiste du salafisme alg�rien adoss�e au projet internationaliste d�Al Qa�da qui fait de l�antiam�ricanisme un tremplin pour se d�velopper restera sourde et contredit les �lans r�conciliateurs de Bouteflika. Un choix qui rend l�Alg�rie otage de l�islamisme militant. D�une part, les ultras qui veulent �difier, ici et maintenant, un Etat th�ocratique par la voie du terrorisme et des attentats kamikazes. De l�autre, les autres qui caressent le m�me r�ve que leurs alter ego, mais en misant sur le long terme et l�entrisme politique. S. A. M. (1) Olivier Roy, in revue �lectronique du CERI, Paris. (2) �Djihadistan� : formule emprunt�e � J. P. Filiu, professeur � l�Institut d��tudes politiques de Paris. Cf., �tude sur le terrorisme global d�Al Qa�da.