�Alg�rie-Maroc, match nul�, plaisante un ami marocain � propos de l�abstention record enregistr�e � l�issue des �lections l�gislatives : un taux de participation de 37%. Plus de 60% de Marocains ont choisi de bouder les urnes. A Casablanca, le taux de participation n'a �t� que de 27%. De fa�on g�n�rale, il n'a �t� que de 30% dans les villes contre une moyenne de 40% dans les campagnes. Certes, comme l�affirme le ministre de l�Int�rieur marocain, Chafik Benmoussa, le royaume a choisi de jouer la carte de la transparence. Hormis le Parti de la justice et du d�veloppement (PJD, islamiste) qui a augment� le nombre de ses d�put�s (47 contre 42 en 2002), tous les partis ont laiss� des plumes. L�Istiqlal, au discours � la carte, surfant sur le nationalisme et le religieux, arriv� en t�te (52 si�ges), en a perdu huit par rapport � 2002. L�USFP est le grand perdant de ce scrutin : il perd 12 si�ges passant de 50 en 2002 � 38 en 2007, etc. Malgr� un discours officiel rassurant, insistant sur la transparence et la r�gularit� du scrutin, �cette abstention massive traduit un r�el divorce entre l��crasante majorit� des Marocains et ses �lites politiques�, explique un universitaire. Question : pourquoi les Marocains ont-ils boud� les urnes et pourquoi le PJD que tous donnaient vainqueur n�est pas parvenu � devenir la premi�re formation politique du Maroc ? Est-ce � dire que les islamistes sont en perte de vitesse ? Al Adl oual Ihsane (Justice et bienfaisance) de Cheikh Yacine, la plus importante force politique marocaine, et plusieurs groupes islamistes non reconnus par les autorit�s, ont boycott� les �lections sans lancer d�appel. Le PJD sanctionn� par la base islamiste Pour l�universitaire Mohamed Darif, sp�cialiste de l�islamisme marocain que j�ai rencontr� au caf� de France � Casablanca (voir Le Soir de samedi), �contrairement � ce que rapportent certains journaux, El Adl n�a appel� ni au boycott ni � l�abstention. Pour eux, l�id�e m�me d�appeler au boycott �quivaut � une reconnaissance du processus �lectoral. Or, le mouvement de Cheikh Yacine est le seul � ne pas reconna�tre au roi sa l�gitimit� religieuse, et ce, contrairement au PJD, que je qualifie d�islamistes light, mais aussi aux partis dits de gauche, comme l�USFP et le PPS�. L�universitaire explique qu�une formation comme El Adl oual Ihsane a ses propres codes pour communiquer. �Pas besoin de communiqu� de presse, ni m�me de pr�ches dans les mosqu�es, pour que les centaines de milliers de Marocains comprennent le message de Yacine de ne pas se rendre aux urnes.� De ce fait, la base islamiste n�a pas vot� en faveur du PJD. �Je ne voterai pas pour un parti dont les dirigeants baisent la main au roi. C�est contraire � l�Islam�, explique Najib, patron d�une petite �choppe du bidonville de Sidi Moumen, o� les salafistes ont pignon sur rue. Effectivement, les images de la t�l� marocaine montrant Saadeddine Othmani baiser la main de Mohammed VI ont choqu� ces islamistes auxquels s�adresse le discours du PJD. �Cheikh Yacine ne vote pas. Donc je ne vote pas�, ajoute malicieusement Najib, tr�s au fait des codes en vigueur au sein d�Adl oual Ihsane. Qui plus est, le PJD a �t� victime d�une scission intervenue dans ses rangs. L�un de ses fondateurs, le pr�dicateur Abdelbari Zemzami, qui a �t� �lu dans la M�dina de Casablanca, a cr�� un nouveau parti, le Parti de la renaissance et de la vertu, pr�sent dans une vingtaine de circonscriptions �lectorales sur les 95 que compte le Maroc. De fait, une partie de la base du PJD, m�contente de cette division et du ralliement du parti � la monarchie, a pr�f�r� boycotter. Un r�el m�contentement social Cela �tant, ces taudis de Sidi Moumen, sans eau, o� les �gouts sont � ciel ouvert, d�o� sont partis les kamikazes qui se sont fait exploser � Casablanca en mai 2003, ont �t� r�guli�rement visit�s par les partis politiques en campagne. Sans invoquer l�argument islamiste, des jeunes de ce quartier pauvre invoquent les promesses non tenues par les partis. �Que je vote ou pas, le bidonville sera toujours l�, assure Ali, vendeur � la sauvette. �Tous des menteurs !� dit un autre. Ici, o� les gens sont accueillants, pr�ts � vous offrir le th�, il n�y a aucune affiche �lectorale et pas l�ombre d�un tract. Les t�l�s sont branch�es en permanence sur Al-Jazeera et ces cha�nes saoudiennes diffusant le discours wahhabite. Rarement sur les cha�nes marocaines sauf quand les Lions de l�Atlas (l��quipe nationale de football) disputent un match. Des vendeurs � la sauvette proposent des jouets � 5 dirhams qui font la joie des enfants : sur des rails, au lieu d�un train, une 4x4 mont�e par Ben Laden poursuivant un char am�ricain. C�est dire ! Si dans ce quartier, les islamistes sont discrets depuis le d�mant�lement de plusieurs r�seaux terroristes, ils sont bel et bien pr�sents. �Ne vous fiez pas aux apparences, ils restent actifs�, pr�vient Brahim, un militant associatif qui conna�t bien la mouvance islamiste et ce quartier. M�me constat dans la M�dina de Casablanca, et ce, m�me si tous les partis marocains disposent de locaux bien en vue dans la vieille ville. Dans cette Casbah de Casablanca, ils se comptaient sur les doigts d�une main, ceux qui se sont rendus aux urnes. Ici, on raille les �lections. �Ceux qui votent ont �t� pay�s�, m�explique un coiffeur de la M�dina qui semble en savoir long sur ces pratiques. La presse, d�ailleurs, d�nonce r�guli�rement le r�le de l�argent dans les �lections, une pratique utilis�e depuis des d�cennies par certains partis politiques pour faire �lire certains de leurs candidats. Une gauche qui a tourn� le dos aux aspirations populaires En outre, Ennahj d�mocrati (la Voie d�mocratique), h�ritier de Ila Amam, mouvement de la gauche radicale dont faisait partie Abraham Sarfaty, est la seule formation � avoir lanc� un appel au boycott. Ce parti de la gauche radicale exige au pr�alable une r�forme de la Constitution. �Dans un r�gime o� tous les pouvoirs sont d�tenus par la monarchie, o� le gouvernement n�a pour fonction que g�rer selon les orientations du roi et o� le Parlement n�a aucun pouvoir, �a ne sert � rien de pr�senter des candidats�, explique l�un de ses dirigeants. Ses militants sont r�guli�rement interpell�s et m�me condamn�s � la prison pour �offense au roi�. Pire, bien qu�il ne reconna�t pas la R�publique sahraouie, Ennahj d�mocrati est la seule formation marocaine � se prononcer pour l�autod�termination du Sahara occidental. �Pour nous, c�est une question de principe. On ne transigera pas sur le droit � l�autod�termination des peuples. C�est aux Sahraouis de choisir s�ils veulent �tre marocains ou ind�pendants.� Une position qui leur a valu une vol�e de bois vert de la part de la gauche traditionnelle et des partis nationalistes. �Il ne faut pas �tre un fin analyste pour savoir que les Marocains ne voteront pas�, explique Abdelmoumen Jebari, qui a pass� dix ans en prison sous le r�gne de Hassan II. �L��cart entre riches et pauvres est visible � l��il nu. L�USFP, qui a �t� au pouvoir pendant dix ans (1998- 2007) a tourn� le dos � ses promesses de r�duction de la pauvret� et du ch�mage. Les �lecteurs, soit en s�abstenant ou en votant, lui ont adress� un s�v�re avertissement�, ajoute-t-il. En effet, l�USFP mais aussi le PPS (Parti du progr�s et du socialisme, h�ritier du Parti communiste) ont laiss� des plumes dans cette �lection. Ils ont certes jou� la carte de la peur des islamistes, mais visiblement, cela n�a pas �t� porteur �lectoralement. �En fait, le Marocain en a marre de voir les m�mes t�tes au gouvernement sans que sa situation s�am�liore�, explique un universitaire. �Il veut un changement radical, avec un gouvernement qui soit comptable de sa politique devant le peuple et non pas seulement devant la monarchie.� Pour l�heure, ces r�sultats conforteront sans doute Mohammed VI. D�tenant la r�alit� du pouvoir, ce dernier va d�signer une personnalit� sans affiliation partisane. D�aucuns pensent que Fouad el Himma, num�ro deux du r�gime, qui a �t� �lu apr�s avoir d�missionn� de ses fonctions, est celui qui dirigera le gouvernement. La question reste de savoir si Mohammed VI va reconduire la coalition (Istiqlal, USFP et PPS) qui a dirig� le pays de 2002 � 2007, sachant qu�elle a �t� d�savou�e par une majorit� de Marocains, ou s�il sera tent� d�int�grer le PJD, arriv� en deuxi�me position, au gouvernement.