Une surprise ? Pas vraiment. La « victoire » aux élections locales du Parti authenticité et modernité (PAM), de Fouad Ali El Himma, n'a surpris à Casablanca ni les observateurs avertis de la scène politique, ni le Marocain lambda. On le savait ici, le parti de « l'ami du roi » est touché par la grâce royale. Casablanca (Maroc) De notre envoyé spécial L'ascension fulgurante du PAM, formation politique d'à peine deux ans d'existence, déjà majoritaire au Parlement, rafle la plus grande mise de ce scrutin local. Il est majoritaire dans 21% des Conseils communaux et d'arrondissements du royaume. C'est de « l'immaculée conception », plaisante le journaliste Kahlid Jemai. Le PAM est appuyé par les notabilités du makhzen, les grandes fortunes, Fassi, Soussi, les wali, caïds, gouverneurs, des grandes sociétés cotées en Bourse et par un bon nombre de députés « transhumants » qui l'ont rejoint avec armes et bagages. Ce parti symbolisé par un « tracteur », auteur d'un coup de théâtre, le 29 mai dernier, en annonçant spectaculairement son retrait de la coalition gouvernementale, obtient ainsi 6015 sièges sur les 28 795, suivi de l'Istiqlal, le parti du premier ministre, Abbas El Fassi, avec 5292 sièges contre 3890 lors des échéances de 2003, soit une progression de 36%, du parti écarlate du Rassemblent des indépendants avec 13% des sièges. En 4e, 5e et 6e places sont reléguées les anciennes formations de l'opposition qui ont rejoint la cour en 1998. Le tracteur a tout emporté… Les socialistes de l'USFP, le parti de Mohand Laenser, le mouvement populaire, suivi du parti islamiste Justice et Développement (PJD) qui enregistre un net « recul », lors de ces élections. Le taux de participation, rendu public hier par le ministère de l'intérieur de 52,4%, des 13 millions d'électeurs ayant voté, prête à la polémique. « Les Marocains votent l'indifférence », titre en manchette l'impertinent magazine hebdomadaire Le Journal. Hormis les quelques rares et inaudibles voix discordantes du paysage politico-médiatique, toute la classe politique, y compris les partis rivaux du PAM, Istiqlal, MP, USFP, PJD… ont « applaudi » le passage en force du « H'izb Tractour » (Parti du tracteur). Le PAM est « le premier parti à l'échelle nationale en termes de suffrages et de sièges, des données qui montrent que cette formation a appréhendé la campagne électorale avec réalisme », déclarait hier le bras droit d'El Himma, Mohamed Cheikh Biadillah par ailleurs SG du PAM. Unanimisme de rigueur dans la cour, ambiance faussement fair-play. L'Istiqlal, grand perdant de ces élections, se félicite. Les élections communales du 12 juin, une « victoire pour la démocratie », a affirmé le secrétaire général du parti de l'Istiqlal, Abbas El Fassi. Pendant que le SG du PJD, Abdelilah Benkirane, qualifiait de tout juste « normaux », les résultats des élections communales, le SG du Parti du progrès et du socialisme (PPS), l' ancien parti communiste, Ismaïl Alaoui, se déclarait, lui, « déçu ». Une position qui exprime, selon la presse indépendante, « l'échec des partis à porter une alternative », et renvoie à l'impasse « entriste », dans laquelle s'étaient engouffrés depuis le consensus de 1998, les partis de l'opposition. « La fin d'une époque », titrait samedi un éditorialiste indépendant. La cour et la basse-cour du roi Dans une déclaration insolente du porte-parole d'El Al Adel Wal Ihssan, formation polico-mystique qui boycotte la monarchie – sans pour autant la contester–, Fatehallah Arselan doute des résultats et du taux de participation communiqués. « Le taux de participation annoncé par le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, est démenti par la réalité du boycott. A moins d'être aveugle, nous dirions que nous avons vu des bureaux de vote désertés par les électeurs », dit-il. Le taux réel de participation ne peut excéder dans le « meilleur des cas les 30% ». Ces élections, ajoute Arselan, n'ont servi qu'à accentuer l'incurie ambiante. L'argent public a été utilisé pour « faire tourner les ventes aux enchères de candidats et des électeurs ». Abdellah El Harrif, secrétaire général d'Ennahdj Edimocrati, la Voie démocratique, abonde dans le même sens. El Harrif, dont le parti a été le seul à oser une campagne de boycott, considère « irréel » le taux de participation avancé par le gouvernement. « L'électorat marocain est évalué à plus de 20 millions d'électeurs, 6 millions ont voté, cela donne un taux de participation de 30% au maximum. C'est moins que les élections de 2003. » La victoire « prévisible » du PAM conforterait, aux dires de l'ex-détenu politique, les constantes de la vie politique au Maroc. « Seuls ceux qui gravitent autour de cette monarchie absolue et qui font de leur proximité de la cour une idéologie mobilisatrice ont droit de cité ». Ces élections ont démontré, selon lui, l'échec des partis et conforté la position hégémonique de la monarchie sur tous les leviers du pouvoir. Le Maroc, une monarchie démocratique ? « Oui, c'est réalisable. Nous militons avec les syndicats, les associations de droits de l'homme, avec toutes les forces qui ne sont pas compromises avec la monarchie pour une constitution démocratique, où les pouvoirs seront répartis, séparés, et surtout que la souveraineté populaire soit à l'origine du pouvoir », répond le porte-étendard de l'opposition démocratique marocaine.