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A FONDS PERDUS
Un homme d'exception
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 04 - 2008

L� histoire officielle qui nourrit la m�moire collective, pour l�essentiel factuelle, s�lective et guerri�re, est celle d�hommes et de femmes aux parcours singuliers qui s��clipsent peu � peu devant ceux, plus r�cents, de selfmade men fortun�s ou de carri�ristes pr�fabriqu�s ; leurs fortunes ont depuis longtemps supplant� les tracts de Novembre et de la Soummam et leurs 4X4 raval� dans les coins perdus de mus�es fourre-tout les vieux fusils de chasse des premiers h�ros.
Instrumentaliste et manipulatrice, une telle histoire porte aujourd�hui la responsabilit� d�avoir assassin� une seconde fois, aux yeux des nouvelles g�n�rations, ceux qui ont rendu aux Alg�riens leur fiert� et leur dignit� perdues. Un clich� reste fix� pour l��ternit� : celui d�un homme droit, sto�que, au sourire narquois, encadr� de jeunes parachutistes. Une bande son vient se greffer � l�image pour graver deux belles petites phrases connus de tous (on esp�re que c�est encore la cas) :
- �Donnez-nous vos avions, vos chars, et nous vous c�derons nos couffins. Vous �tes le pass�, et nous sommes l�avenir�.
- �Mettez la R�volution dans la rue et vous la verrez reprise et port�e par des millions d�hommes.�
Plus contest�e, parce que rapport�e par une source jug�e �int�ress�e � (*), une projection pr�monitoire de l�avenir est �galement pr�t�e � Ben M�hidi :
�Lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer les places. Ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre et certains y pensent d�j�� Oui, j�aimerais mourir au combat avant la fin.�
Ben M�hidi m�rite plus que des �bribes d�histoires� dans notre construction identitaire. A ce titre, El-Hachemi Trodi et son �diteur, l�Enag, auront sauv� une partie de notre �me en r��ditant r�cemment L�Homme des grands rendez-vous, avec une pr�face de Omar Carlier (**). Carlier salue l�initiative comme �un t�moignage d�envergure et de premi�re main qui rompt avec le clich� du �fils du pauvre� et transforme radicalement la connaissance, sinon l�image, que nous avions d�un h�ros de la r�volution�. L�historien saluera �la qualit� exceptionnelle du t�moignage de Si Trodi� � qui l�a connu vers 1940 � l��cole Lamoudi, ex-Lavigerie, vite quitt�e, fin 1941, pour �aller chercher du travail et aider � la vie de la famille� � tout autant que �la valeur exceptionnelle de son ami�, Mohamed Larbi Ben M�hidi, dont le destin marie �culture orientale et culture occidentale, sourates du livre de Dieu et po�mes de Victor Hugo, Imrou� el-Quays et� Rita Hayworth !� ou la belle Nour El Houda. Chef du mouvement scout, SMA, il est �galement joueur et membre du comit� du club de football, l�USB, habill�e de noir pour les t�n�bres du pass� et de vert pour l�espoir de l�avenir, avant de passer par les planches du th��tre dans une adaptation all�goriquement anti-coloniale de la pi�ce de Fran�ois Copp�e Pour la couronne. Trois surnoms lui coll�rent : d�abord celui de �Lem-ven-ven�, puis celui de �Zapata� et enfin celui de �Hakim�. �Lem-ven-ven� parce que l�homme est connu pour l�ardeur du geste, la v�h�mence de la parole et ce surnom, qui rappelle le bourdonnement de l�abeille, est d� � ses dons oratoires redoutables et une vitalit� d�bordante. �Zapata�, parce que notre h�ros admirait ce guerrier, d�fenseur des pauvres et des opprim�s. �Hakim� parce que ses lectures, nombreuses et ininterrompues, vari�es et approfondies, ont �toff� sa r�flexion et son exp�rience. D�passant l�attraction de l�id�al socialiste, � partir des ann�es 1950, qui a fortement sacralis� le personnage aux yeux des premi�res g�n�rations de l�ind�pendance, le biographe est ici �soucieux de v�rit� jusque dans le d�tail de la vie affective, avec le courage qu�il faut pour refuser l�interdit sur la valeur de l�intime, ou l�ang�lisme dans la description du caract�re et la confection du portrait (le Ben M�hidi de la caserne) �. N� en 1923 � A�n M�lila, une enfance � Batna et une adolescence � Biskra, ses �tudes prirent fin avec un niveau de deuxi�me ou troisi�me ann�e moyenne (ex-cinqui�me ou quatri�me ann�e de coll�ge) et furent prolong�es de lectures boulimiques et de cours du soir dans les m�dersas libres. Que lisait Ben M�hidi ? L�histoire des r�volutions, des hommes illustres qui l�avaient guid�e et de tous les combattants de la libert�, la guerre d�Indochine, les partisans vietnamiens, H�-Chi-Minh. L�homme est, nous dit-on, �au c�ur d�une action �clair�e par une th�orie� tir�e de �lectures s�rieuses et profondes� de Montesquieu, Balzac, Victor Hugo, les tirades et philippiques de Robespierre et Danton, de Cheikh El-Mili, Djamel Eddine El-Afghani, Chakib Arslane, Abdou, Ben Badis (qu�il n�a jamais rencontr�, contrairement � la l�gende), cheikh Mohamed El-Abed Smati El Jallali. Notre h�ros n�est pas pour autant un ermite. Militant MTLD, il est agress�, �son corps lac�r� et ses v�tements d�chir�s� aux �lections municipales d�octobre 1947 auxquelles il ne fut pourtant pas candidat. Charg� d�organiser l�OS sur un territoire allant de Biskra vers les Aur�s du nord pour finir dans les r�gions de Ouargla et d�El-Oued au sud, il re�ut les inspections et enseignements de Boudiaf (pour l�organisation, la rigueur, la discipline et la vigilance), A�t Ahmed (pour l��ducation morale et politique, la philosophie r�volutionnaire) et Bel-Hadj Djillali (pour l�instruction militaire) � ce dernier rallia plus tard l�ennemi pour devenir �Kobus�, se rangea aux c�t�s de l�arm� coloniale et combattit l�Arm�e de lib�ration nationale. Homme de Novembre et de la Soummam, Ben M�hidi est membre du CNRA et du CCE. Et c�est � ce titre qu�il arrive � Alger en septembre 1956, avec pour agent de liaison le petit Omar. Artisan de la gr�ve des huit jours, il r�ussit l�exploit de tendre et de r�ussir la plus �gigantesque embuscade politique dans laquelle sont tomb�s non seulement l�arm�e fran�aise, mais le gouvernement fran�ais lui-m�me�. Lorsqu�il est arr�t� le 23 f�vrier 1957 rue D�bussy � Alger, il a d�j� gagn� et son assassinat par Bigeard, probablement la nuit du 3 mars, par balle dans le corps (retrouv�e apr�s sa r�inhumation en 1965), cet assassinat restera inscrit comme �la l�chet� de trop�. Quelle place occupait la religion dans la vie d�un h�ros ? Religieux et pratiquant, il l��tait �avec une grande puret�, mais il n��tait ni fanatique ni candide�, nous apprend Trodi. �Il �tait pour un Islam r�volutionnaire et non pour un Islam des moines, m�me s�ils portaient des turbans. R�p�ter aux gens les r�gles d�ablutions et d�autres pr�ceptes non convenables � l�heure o� l�Islam �tait en plein d�clin le faisait rager.� Quel id�al pouvait incarner un tel h�ros ? �Il �tait loin du royalisme, de la dictature, du pouvoir totalitaire. Il aspirait � vivre dans une r�publique d�mocratique, libre et sociale. � Quelles qualit�s humaines �taient r�unies en lui ? Affable, toujours souriant, bien �lev� et courtois. Romantique �au c�ur ardent et bon, il paraissait bien d��u par l�attitude des hommes, lui l�homme sinc�re, plein d�innocence� ; il m�prisait �les astuces, les sp�culations politiques�. �Patriote ardent, il n�admettait pas qu�on gliss�t dans la ti�deur et l�immobilisme.� Ardent partisan du droit et de la libert�, il savait galvaniser l�auditoire. �Il aime la justice, l��galit�, la d�mocratie, le s�rieux�, nous dit Trodi qui semble retrouver en lui une sublime incarnation des traits de notre peuple : �Notre peuple, contrairement � ce qu�on pensait de lui hier, et ce qu�on pense de lui aujourd�hui, n�est pas un peuple l�che, indiff�rent, indisciplin� ou d�sordonn� (�) Le peuple alg�rien est une force intelligente, habile, fiable entre des mains adroites et ing�nieuses.� Les nations, comme les hommes, se d�sint�grent lorsqu�elles perdent leurs rep�res et leurs mythes ; leurs identit�s sont en danger parce que mythes et rep�res ont �t� fragment�s ou maltrait�s, oubli�s ou reni�s, et qu�ils ne leur permettent plus de r�ver, d�esp�rer, de se projeter et de construire. Les mythes sont fondateurs lorsqu�ils fournissent la r�gle, le discours et l�exemple. Trodi participe modestement � leur r�habilitation : il r�ussit, au moins le temps d�une lecture, � ranimer la flamme patriotique enfouie sous les cendres des reniements et de la pr�dation, par des mots simples que seule rend possibles une amiti� exceptionnelle avec un grand h�ros de notre histoire.
A. B.
(*) Ferhat Abbas, L�ind�pendance confisqu�e, p. 44.
(**) El Hachemi Trodi, Larbi Ben M�Hidi, L�Homme des grands rendez-vous , pr�face de Omar Carlier, deuxi�me �dition revue et corrig�e, Enab/Editions, Alger 2008, 190 pages.


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