Les enjeux sont �normes. Il y a du business � faire, un prestige � gagner mais aussi des vies � sauver. Le march� du m�dicament conna�t, ces derni�res ann�es, une grande effervescence tant au niveau de la production, de l�importation et de la distribution. Cette effervescence n�est pas toujours positive, puisqu�une v�ritable anarchie s�est install�e sur le march�, jusqu�� cr�er une p�nurie. Enqu�te r�alis�e par Rosa Mansouri Les h�pitaux alg�riens souffrent depuis quelques mois d�une perturbation sans pr�c�dent dans l�approvisionnement de certains malades chroniques en m�dicaments, pourtant indispensables. Les canc�reux, les malades cardiovasculaires, les diab�tiques et les hypertendus font partie des patients qui peinent � trouver leurs m�dicaments dans les pharmacies aussi bien priv�es que publiques. Cet �tat de fait am�ne � s'interroger sur les r�sultats atteints par les politiques publiques en mati�re d�encouragement de la production nationale, afin de pallier, en 2008, les crises de cette nature. Quand on parle de production nationale, il faut pr�ciser que c�est du g�n�rique qu�il s�agit. Les g�n�riques, par d�finition, sont des copies de m�dicaments princeps tomb�s dans le domaine public, apr�s expiration du brevet de protection. Le m�dicament g�n�rique contient la m�me quantit� de princeps actif. Il a aussi les m�mes indications et contre-indications th�rapeutiques. A la diff�rence pr�s que le g�n�rique est vendu beaucoup moins cher que le princeps. C�est ce qui devait d�ailleurs motiver les responsables du minist�re de la Sant�, de la Population et de la R�forme hospitali�re � encourager un produit de qualit� et � bon prix. Or, � ce jour, aucune politique nationale n�est venue sortir le g�n�rique de cette l�thargie qui dure depuis le d�but des ann�es 1970, lorsque sont apparus les premiers m�dicaments produits localement. Pr�s de 40 ans plus tard, la consommation du g�n�rique en Alg�rie ne d�passe pas encore 40% et la production nationale n�a enregistr� aucune �volution significative. L�importation reste, par ailleurs, le principal recours pour de l�approvisionnement du march� avec un taux de 70%. Le g�n�rique en Alg�rie : le mauvais d�part Les m�dicaments g�n�riques ont fait leur apparition sur le march� alg�rien au d�but des ann�es 1970. En plus de sa pr�cipitation � s�approvisionner en m�dicaments � bas prix chez les fabricants des pays de l�Est, l�Alg�rie n��tait pas dot�e, durant cette p�riode, d�un laboratoire de contr�le pour prot�ger ses importations. Ce manquement � la r�glementation qui r�git le secteur du m�dicament n�a pas �t� sans cons�quences sur les malades alg�riens. Les entreprises publiques qui, � l��poque, d�tenaient le monopole de la fabrication, de l�importation et de la distribution, approvisionnaient le march� par achats sur appel d�offres international et en DCI dans le but d��chapper, un tant soit peu, � l�emprise des multinationales. Ces entreprises avaient toute latitude d�agir sans contr�le. L�Alg�rie ne disposait pas de ressources humaines comp�tentes pour mettre en garde contre les importations frauduleuses. D�importants lots p�rim�s et avari�s ont gagn� ainsi le march�, cr�ant une situation des plus alarmantes. Ce n�est qu�en d�but des ann�es 1980 que de nouvelles lois ont �t� adopt�es, telle la loi 85-05 du 16 f�vrier 1985 relative � la protection et � la promotion de la sant�. Le d�cret ex�cutif 92-285 du 6 juillet 1992 est venu renforcer la l�gislation et a mis en place les modalit�s et les textes l�gislatifs qui r�glementent l�exercice de l�activit� �du grossiste importateur� et de tous les op�rateurs qui se trouvent dans la cha�ne de distribution des produits pharmaceutiques. Un d�cret pr�sidentiel a �t�, par ailleurs, promulgu� le 5 octobre 1993 pour compl�ter et modifier les lois existantes relatives � la promotion de l�investissement. L�industrie pharmaceutique commen�ait, alors, � faire son chemin graduellement pour conna�tre un d�marrage r�el dans les ann�es 1990, notamment avec les d�cisions d�obligation pour les importateurs d�investir. Aujourd�hui, 95% de la production nationale sont des g�n�riques. Ce qui peut t�moigner du pari r�ussi des producteurs nationaux � relever le d�fi de la production. Mais, force est de constater que la politique d�encouragement n�a pas accompagn� celle de l�obligation. Les producteurs nationaux font face aujourd�hui � un probl�me d��coulement des stocks et, de ce fait, le retour � l�investissement est quasiment inexistant. Le march� local est �galement menac� par les importations qui transgressent toutes les lois pour des march�s juteux, au d�triment, parfois, du patient. Quelle politique adopter ? Depuis quelques mois, syndicats et professionnels du secteur pharmaceutique appellent � l�encouragement de la production nationale et � la promotion de la consommation du g�n�rique chez les patients. Dans un entretien qu�il nous a accord�, le pr�sident de l'Union nationale des op�rateurs en pharmacie (UNOP), producteur de surcro�t, nous a livr� ses inqui�tudes sur le devenir de l�industrie pharmaceutique. M. Ammar Za�d estime que la production nationale n�est pas suffisamment prot�g�e et subit une concurrence d�loyale que l�Etat alg�rien n�aurait jamais d� autoriser. Il s�agit, en fait, de l�autorisation des importations de m�dicaments qui sont produits localement. A ce propos, l�ex-ministre de la Sant�, M. Yahia Guidoum, avait mis en place un cahier des charges pour bloquer les importations des produits �quivalents � ceux produits localement. Cependant, cette mesure a �t� suspendue par son successeur, M. Redjimi, et les importations des g�n�riques et des princeps �quivalents � ceux produits par les nationaux ont repris, marginalisant de fait la production nationale, dont la promotion est p�nalis�e par d�autres facteurs. Les facteurs bloquants : prix, marges b�n�ficiaires� Les producteurs pharmaceutiques en Alg�rie sont confront�s � une absence de vision globale sur le d�veloppement des g�n�riques en Alg�rie. Les conditions permettant la facilitation de l�acc�s des malades � ces produits sont inexistantes. La politique actuelle penche sur la promotion des importations. Pour commencer, le producteur investisseur est contraint d�acheter son terrain chez le priv�, pour l�expansion de son outil de production et pour �largir sa gamme de produits. Il s�agit l� d�un investissement tr�s lourd qui devrait �tre � la charge de l�Etat, si r�ellement une politique d�encouragement de la production nationale existait. Les investisseurs nationaux pr�f�rent, en effet, axer leurs efforts sur la performance de l�industrie pharmaceutique par la formation continue du personnel, l�innovation et la promotion des produits, ce qui est encore au stade exp�rimental en raison des autres obligations contraignantes auxquelles font face les fabricants. De nombreuses charges, qu�il est impossible de r�percuter sur la fiche des prix, p�nalisent ces derniers, en plus des frais financiers, des frais de pose de vignettes sur les �tuis, des frais de contr�le, de promotion, la perte de change et l�immobilisation d�un stock de trois mois exig�e par le cahier des charges, et qui viennent freiner toutes les bonnes intentions d�investissement des producteurs. Ceux-l� sont tenus � l�obligation de fabriquer trois lots de m�dicaments, mais, en contre-partie, ils attendent entre six � neuf mois pour obtenir le certificat de libre vente. Cela est contraignant � plus d�un titre quant au retour sur l�investissement et pour notamment les prix de vente � la sortie de l�usine, qui, �galement, sont soumis � un seuil impos� par les autorit�s publiques. L�Alg�rie est, en effet, le seul pays au monde qui r�glemente la marge � la production. Il s�agit d�une mesure contraire � une logique d�encouragement de l�investissement national. La rigidit� du mode de calcul du prix de vente du m�dicament est pr�judiciable, par ailleurs, aux op�rateurs de pharmacie, contraints �galement d�appliquer la marge sur le prix CAF (sortie de fabrication) au lieu du prix de revient. Sur un autre volet, les producteurs nationaux sont soumis � des r�gles rigoureuses auxquelles les importateurs �chappent on ne sait de quelle mani�re. Le cahier des charges fixant les conditions techniques � l�importation des produits pharmaceutiques destin�s � la m�decine humaine, qui a �t� promulgu� par arr�t� minist�riel datant du 6 juin 2005, sous la responsabilit� de l�ex- ministre Amar Tou, a offert de grandes opportunit�s pour les importateurs en modifiant certaines closes contenues dans l�arr�t� num�ro 46 du 7 octobre 1998. Ainsi, le droit d�exclusivit� sur certains produits, qui n�existait pas dans l�ancienne loi, a �t� instaur� dans l�arr�t� d�Amar Tou. Les importateurs ont m�me b�n�fici� d�autres largesses comme le fait de contourner le texte qui obligeait, dans la loi de 1998, l�importateur � pr�senter un dossier d�investissement dans la production, une ann�e apr�s les op�rations d�importation. Le nouveau cahier des charges ne fait aucune r�f�rence � l�investissement. �Tous les produits pharmaceutiques import�s doivent avoir une dur�e de vie suffisante � partir de leur mise sur le march�.� Cet article paru dans le nouveau cahier des charges a suscit� l�irritation des producteurs nationaux, qui estiment que la mention �vie suffisante� est tr�s confuse et peut �tre interpr�t�e n�gativement, sachant que la loi modifi�e �tait plus explicite, puisqu�elle fixait la dur�e d�expiration des m�dicaments � 1/3 de leur vie. Cette mesure n�est pas sans avoir des r�percussions sur les op�rations de contr�le et de v�rification des produits, devant le manque de clart� et de pr�cision des lois. Les producteurs nationaux sont beaucoup plus l�s�s, de ce c�t�, puisqu�ils sont rigoureusement respectueux des r�gles du march� local et de celles de la consommation. Le consommateur choisit les bons prix En revenant � la culture de la consommation, il a �t� constat� que les citoyens, affili�s � la S�curit� sociale, demandent des princeps et ceux qui ne sont pas assur�s pr�f�rent le g�n�rique. Evidemment, c�est toujours une question de co�t qui n�a rien � voir avec la culture de la consommation. L�Alg�rien n�a pas de pr�f�rence pr�cise concernant les m�dicaments. Le patient ne choisit pas son m�dicament, c�est l� que r�side le r�le du m�decin prescripteur, qui, malheureusement, n�est pas non plus associ� et impliqu� dans la politique du g�n�rique. Les m�decins sont les maillons forts de la cha�ne. S�ils ne sont pas associ�s � cette politique, la consommation du g�n�rique ne pourra avoir l�impact voulu. La consommation d�pend �galement du pharmacien qui a le devoir de proposer aux patients des g�n�riques de substitution et de ne pas laisser des tonnes de produits se p�rimer dans les d�p�ts. Car c�est l� la r�alit� aujourd�hui des producteurs nationaux, dont les produits ne sont pas largement prescrits. Le malade alg�rien n�a pas re�u assez d�informations et d��l�ments lui permettant d�utiliser ces produits avec une s�curit� sanitaire maximale. Les produits �made in� occupent encore une place tr�s importante dans notre soci�t� Les politiques publiques encouragent en fait l�importation et la consommation des princeps au d�triment du g�n�rique. Il est demand� toujours aux producteurs nationaux de baisser les prix, au lieu de les encourager � promouvoir leurs produits aupr�s des pharmaciens et des consommateurs. Proposition : arr�ter l�importation des produits concurrents Devant cet �tat de fait, les professionnels de la pharmacie et les producteurs ont attir� l'attention des pouvoirs publics sur la n�cessit� de secourir la production nationale par une politique rationnelle d�encouragement de la consommation des g�n�riques. Des propositions ont �t� faites pour les minist�res des Finances, de la Sant� et du Commerce. Premi�re d�marche qui semble urgente, celle d�arr�ter l�importation du g�n�rique concurrent et l��tablissement d�un �tat des lieux des produits concurrents des g�n�riques fabriqu�s localement. Confiants quant � leur capacit� � produire et � faire d�velopper leur secteur, les nationaux ont demand� qu�il y ait une obligation les concernant pour couvrir la totalit� des besoins locaux, et ce en adoptant, par la m�me occasion, des mesures incitatives � la consommation du g�n�rique, en proc�dant � la r�vision des marges b�n�ficiaires des officines sur les produits locaux. La politique des prix est appel�e � �tre r�vis�e � la sortie d�usine et, par la suite, � amorcer un d�bat sur la question avec la S�curit� sociale pour l�adaptation d�une politique de remboursement qui convienne � toutes les parties, de sorte que le patient, le pharmacien et le producteur trouvent leurs comptes. Il y a �galement lieu d�analyser l�ensemble de la nomenclature des m�dicaments, d�introduire tous les g�n�riques produits localement et, s�il y a lieu, de retirer les m�dicaments tr�s peu consomm�s et import�s. Pour rappel, sur 4 300 produits enregistr�s en 2007, 3 000 sont des g�n�riques, dont 1 000 fabriqu�s localement et 2 000 import�s.