Ce n�est pas sans appr�hension que l�on se lance dans une incursion � Tala Guilef, la Fontaine du sanglier, situ�e en plein centre du Parc national du Djurdjura. Une incursion arm�e seulement de stylos, de bloc-notes et de curiosit� pour red�couvrir le site apr�s tant d�ann�es durant lesquelles cette vaste r�gion foresti�re et montagneuse limitrophe de Tikdjda, dans la wilaya de Bouira, est class�e parmi les sanctuaires du terrorisme. De fait, le versant sud de la wilaya de Tizi-Ouzou domin� par le massif du Djurdjura n�a pas cess� de compter les victimes du terrorisme, � travers les localit�s de Boghni, dont rel�ve une grande partie du Parc national du Djurdjura et Tala Guilef, de Dra�- El-Mizan, A�n-Zaou�a, Matkas, Tizi- n�Tlata, Beni- Douala, A�t-Yahia- Moussa� Des dizaines de citoyens, militaires, policiers, responsables politiques parmi lesquels figurent un d�put� FLN et le pr�sident de l�Assembl�e populaire de wilaya sont tomb�s sous les balles assassines des hordes terroristes dans les embuscades, les incursions en ville, les faux barrages sur les routes et les attaques contre les institutions �tatiques. Avec tout cela en t�te et malgr� la relative accalmie on ne peut aller � Tala Guilef sans appr�hension, le c�ur serein comme s�il s�agissait d�une excursion. Il ne suffit pas, en effet, d��tre audacieux pour aller pointer son nez au sein du Parc national du Djurdjura encore faut-il trouver un chauffeur qui ait un go�t d�velopp� de l�aventure pour vous y conduire. Nous sommes tomb�s sur un de cette trempe et qui adore la nature de surcro�t. Son go�t de l�aventure et son amour de la nature ne l�emp�chent pas d�avoir la trouille le long de la route d�serte et serpent�e sans aucune �me qui vive jusqu�� la rencontre des gardes forestiers au monument �rig� � la m�moire des martyrs de la R�volution de novembre 1954 en contre-bas d�un h�pital de la glorieuse arm�e de Lib�ration nationale, � l�intersection du village Tinzar (les narines), nom donn� � une source de 400 l/s en saison d��tiage, selon l�ing�nieur forestier et responsable du parc trouv� sur les lieux tout � fait par hasard et qui s�est fait un plaisir de nous d�crire les aspects historiques et g�ographiques du parc sans omettre d��voquer les contraintes et les perspectives. Nous sommes, de tout �vidence, en face d�un homme qui ne se contente pas d�exercer ses comp�tences technico-scientifiques dans ce milieu devenu dangereux du fait du terrorisme mais chez qui l�on d�couvre une grande vocation de protection et de d�veloppement de la nature. Il parle avec amour de la faune et de la flore, et de l��cotourisme qui pourrait prendre forme dans l�aire g�ographique du Parc national. Avant l�heureuse rencontre avec cet homme de c�ur, �cologiste convaincu, venu, de Bouira, s�enqu�rir de la situation des travailleurs du parc. Le long de la route, de Boghni � Tala Guilef, nous n�avons rencontr� qu�un seul. De toute �vidence il ne fallait pas s�attendre � rencontrer du monde, les kilom�tres paraissaient interminables, la route est pourtant bonne, sans accotements ni foss�s mais avec un rev�tement de qualit� jusqu�� l�intersection menant vers la zaou�a de Sidi-Ali Ouyahia. Au-del�, il faut rouler avec d�infinies pr�cautions pour �viter les crevasses, les chutes de pierres, quelques �boulements, il fallait m�me surveiller les blocs de rochers qui menacent de se d�tacher et de s��craser sur la route, � l�exemple de ce bloc d�environ 3 m de haut et autant de large qui est venu se poser, on ne sait comment, sur le c�t� droit de la route entre le monument et l�h�tel El-Arz, incendi� par les terroristes au milieu des ann�es 1990. Ce rocher n�est pas le seul le long de la dizaine de kilom�tres difficilement praticables, il n�est que le plus impressionnant. En fait la route, dans son tron�on bien fait, correspond � la partie utile de la r�gion, celle des villages et hameaux agripp�s aux flancs de l�imposant massif montagneux et aux pieds de la zaou�a. En fait, et connaissant les rapports qu�entretient le pouvoir avec les confr�ries religieuses, on peut dire sans risque de se tromper que le bon �tat d�une partie de cette route n�est pas �tranger � la pr�sence de la zaou�a de Sidi-Ali-Ouyahia. Plus haut, sur environ 10 km, les entreprises refusent d�intervenir craignant, semble-t-il, des incursions terroristes sur leurs mat�riels et leurs �quipes. Peut-�tre aussi parce que l�on ne sent pas la n�cessit� d�engloutir des sommes importantes dans la r�alisation de ce tron�on devenu inutile depuis l�av�nement du terrorisme. En effet, les infrastructures touristiques, les deux h�tels, El-Arz et le T�l�ph�rique, qui attiraient autrefois beaucoup de monde, surtout en p�riode estivale et dans une moindre mesure en hiver pour les amateurs de neige et de sport d�hiver, ne fonctionnent plus depuis l�incendie du plus ancien h�tel. Au-del� de la premi�re unit�, occup�e par l�arm�e depuis 2000, sur la route menant vers le t�l�ph�rique, la zone est interdite d�acc�s, des f�ts remplis de terre dress�s en zigzag barrent la route juste devant l�entr�e de l��difice pr�vu comme complexe touristique devenu une caserne avant d�ouvrir ses portes aux touristes. Le si�ge local des gardes forestiers du Parc national, situ� derri�re, ne sert pratiquement plus � rien, les employ�s du parc ont am�nag� un refuge de fortune, plusieurs kilom�tres plus bas, � c�t� du monument, endroit strat�gique pour surveiller le versant nord du massif forestier et tout autre mouvement suspect. L�autorisation de franchir la ligne d�obstacles nous a �t� refus�e par l�autorit� militaire commandant la caserne, � juste titre, pense-t-on, si l�on tient de la pr�sence, probable, d�engins pi�g�s et peut-�tre aussi de groupes terroristes dans ce vaste espace truff� de grottes reliant les wilayas de Tizi et de Bouira. B. T. PARC NATIONAL DU DJURDJURA Un patrimoine naturel � pr�server Le Parc national du Djurdjura est cr�� en 1925 � des fins touristiques, dans les limites de l�enneigement, sur une superficie de 16 500 ha qui sera �tendue, en 1983, � 18 550 ha dont 10 340 sur le territoire de la wilaya de Tizi-Ouzou et 8 210 sur celle de Bouira. On a d�nombr� jusqu � pr�sent 1 100 esp�ces v�g�tales, soit le tiers du patrimoine national, parmi lesquelles 35 end�miques, entre autres le pin noir et le gen�vrier. 120 plantes m�dicinales et 90 esp�ces de champignons sont �galement signal�es par notre interlocuteur, l�ing�nieur chef du parc, 52 esp�ces de lions, 30 esp�ces de mammif�res, 17 esp�ces de reptile� Class� patrimoine mondial de la biodiversit� le Parc national du Djurdjura comprend aussi des paysages uniques d�apr�s notre source qui n�omet pas d�insister sur les aspects mena�ant ce joyaux de la nature. Le surp�turage, le captage abusif des sources, les deux carri�res d'agr�gats, la tr�s forte densit�, 486 habitants, au km2, le morcellement de la propri�t� ne sont pas sans impactes n�gatifs sur la protection de ce patrimoine qui a d�j� perdu, au cours de son histoire, le lion de l�Atlas, la panth�re, l�ours brun dont on a trouv� les traces datant d�avant l��re chr�tienne et le mouflon � manchettes. M�me les unit�s h�teli�res install�es cens�es mettre en valeur l�incomparable patrimoine naturel du parc n�ont pas gr�ce � ces yeux, elles ne sont pas exemptes d�aspects agressifs portant atteinte � la richesse faunistique et floristique du parc. Il d�plore les nuisances sonores, la pollution de l�air et de la nature de ces unit�s qui ne profite pas, par ailleurs, aux populations locales, les produits qui y �taient consomm�s et les employ�s qui y �taient recrut�s venaient d�ailleurs. Notre interlocuteur pr�conise une politique d��co d�veloppement visant � am�liorer le cadre de vie des riverains sans porter atteinte au patrimoine du parc qui est entour� de 18 communes et de 68 villages. Les ma�tres mots de cet �cod�veloppement sont l�ouverture de pistes, le d�senclavement, la mise en valeur, la recherche d�veloppement qui vient soutenir, impulser et simuler les efforts des riverains dans le cadre des diff�rents programmes pr�vus � cet effet d�clare-t-il en substance mettant, par ailleurs en exergue, la n�cessit� de la mise en valeur du patrimoine historique du parc qui poss�de la toponymie la plus riche d�Alg�rie. Ici chaque lieu poss�de son histoire ancienne et contemporaine qui n�est pas int�gr�e, jusqu � pr�sent, dans notre politique touristique, � titre d�exemple le v�cu de cette r�gion durant la guerre de Lib�ration n�appara�t pas aux yeux des visiteurs, le monument des martyrs ne sert qu�aux d�p�ts de gerbes de fleurs au lieu d��tre le reflet vivant et parlant des batailles livr�es � l arm�e coloniale, d�plore-t-il