par Mohamed Issami I. Comment Al-Qa�da per�oit l�Alg�rie En s�implantant en Alg�rie le 24 janvier 2007 � travers le GSPC qui, � cette occasion, a rebaptis� son organisation terroriste en lui donnant le nom de l��Organisation Al-Qa�da au Maghreb islamique�, l�organisation de Ben Laden a r�ussi enfin � r�aliser un projet dont l�origine remontait � pr�s de deux d�cennies. Les diff�rentes sorties m�diatiques et � travers les communiqu�s portant son label depuis le d�but de l�ann�e 2007, Al-Qa�da montre une hostilit� en direction de l�Alg�rie qui n�a rien de comparable par rapport � celle qu�elle r�serve � l�ensemble des autres Etats musulmans. M�me si, � ses yeux, ces derniers se �d�tournent� tous de l�islam, quand ils ne sont pas les alli�s et m�me les valets de ce qu�elle consid�re comme ses pires ennemis, c'est-�-dire l�Occident de mani�re g�n�rale � sa t�te les Etats- Unis d�une part, et d�autre part Isra�l, sa perception de l�Alg�rie est autrement et singuli�rement haineuse. Comment Ben Laden, qui a mis l�ex- GSPC sous la tutelle d�Al-Qa�da, a cultiv� cette sanglante aversion contre l�Alg�rie ? L�influence de Abdellah Azzam Quand Ben Laden a d�barqu� au d�but des ann�es 1980 au Pakistan pour apporter son appui aux organisations islamistes afghanes appuy�es par les Etats-Unis qui avaient pris les armes contre le pouvoir en place en Afghanistan soutenu alors par l�Union sovi�tique, il a atterri, comme la quasitotalit� des �Afghans arabes� d�abord chez le Fr�re musulman Abdellah Azzam qui avait mis en place dans la ville de Peshawar un centre d�accueil pour les �volontaires�. L�activisme volontariste de ce Palestinien reposant sur un soutien � toute �preuve de l�Etat saoudien a connu une propulsion r�elle � travers l�appui mat�riel et financier que lui a apport� Ben Laden qui s�est mis � son �cole en trouvant en lui un mentor aupr�s de qui il a forg� les premiers pas de sa pens�e �djihadique�. C�est donc en cernant de pr�s la perception de l�Alg�rie par Abdellah Azzam que l�on pourrait comprendre comment Ben Laden s�est fa�onn� la sienne. Bien avant la cr�ation d�Al-Qa�da, Abdellah Azzam avait pr�vu que le �djihad� men� en Afghanistan pour mettre en place un �Etat islamique� ne devait pas se limiter � ce pays. Il n�a pas tard�, en effet, � r�v�ler que, pour lui, il s�agit en Afghanistan d�un �djihad � qui ne devrait pas se borner � la lib�ration d�un pays des forces �trang�res qui l��occupent�. Pour lui, il s�agit des premiers pas d�une transfiguration de la situation politique � travers tous les autres pays musulmans qui ne sont pas gouvern�s selon sa conception de l�islam pour laquelle il est en guerre en Afghanistan aux c�t�s des autres groupes et organisations islamistes. Il y voit carr�ment le d�but d�une ��dification de l�histoire de l�islam� (1). �Qu�y aura-t-il apr�s l�Afghanistan ? s�interroge-t-il (2). Et Dieu sait qu�Il ne d�cevra pas nos attentes. L�Afghanistan sera le point de d�part pour le changement de l�histoire de l�humanit�. Mettez cette affirmation � mon compte. Le changement de l�histoire de l�humanit� enti�re commencera � partir de ces djebels (afghans) o� nous sommes encore � douter de la capacit� des leurs hommes � prendre le pouvoir�. Abdellah Azzam en guerre contre l�Alg�rie A travers ses pr�ches qui sont quasi syst�matiquement enregistr�s et massivement distribu�s aux �volontaires � et � travers le monde et ses nombreux �crits, aucun autre pays musulman n�a �t� aussi incrimin� que l�Alg�rie. Avec un acharnement obstin�, Abdellah Azzam pointe du doigt le pays, le d�signant � qui veut l�entendre, comme celui, o� apr�s l�Afghanistan, le communisme r�gne sans partage dans les sph�res du pouvoir et au sein de la soci�t�. Autrement dit, un pays qu�il s�agit de �lib�rer� pour le restituer � l�islam. Sans vergogne, il en d�forme l�histoire, et le montre comme une cible prioritaire pour y faire r�gner la �loi de Dieu�. Il �crit � ce propos, entre autres : �Les musulmans pleurent, et ils ont raison de pleurer. Ce qui s�offre aujourd�hui � leurs yeux et � leurs esprits, c�est la r�volution alg�rienne (entendre : guerre de Lib�ration nationale 1954-1962) [�] et les r�sultats auxquels elle a abouti. Les musulmans paient le plus lourd tribut en sacrifices et ce sont les la�cs, les ath�es et les non-religieux qui cueillent les fruits. [�]. Le djihad en Afghanistan parmi toutes les exp�riences contemporaines dans les pays musulmans se particularise par le fait que ses vrais dirigeants sont les enfants du mouvement islamiste et ses th�ologiens. Et chacun d�entre eux revendique de gouverner par l�islam, alors qu�il n�y a pas un seul dirigeant du Front de lib�ration alg�rien (entendre le FLN, ndlr) qui �l�ve la voix quant � l�obligation de gouverner par un pouvoir islamique. Ainsi, on ne voit pas un seul mot dans l�appellation dans l�Etat alg�rien qui fait r�f�rence � l�arabit� et � l�islam : R�publique alg�rienne d�mocratique et populaire� (3). Le pas est franchi. Pour Azzam, l�Alg�rie devient une cible prioritaire. Il en fait un th�me r�current dans ses interventions. Il note dans un autre �crit: �L�exp�rience alg�rienne (de lib�ration nationale) est cit�e partout comme exemple. Un million de martyrs dans les Aur�s d�o� leur sang �claire la voie des g�n�rations alg�riennes, et puis nous est venu un pouvoir avec un Etat d�mocratique, populaire et libre sans r�f�rence ni � l�arabit�, ni � l�islam� (4). Un pareil Etat, dans l�esprit de Azzam, est la pire des catastrophes qui puisse arriver � un �peuple musulman�. L�Alg�rie, un pays du �l�ninisme marxisme� Il dit express�ment, dans le m�me texte, que �parmi les dirigeants qui ont pris entre leurs mains les destin�es de l�Alg�rie, il n�y a pas un seul qui dit �nous voulons gouverner avec l�islam. Pas un seul parmi les hauts dirigeants �. Il insiste : �Pas un seul n�aborde la question sous l�angle islamique. La question nationaliste (arabe) �tait pos�e ainsi que celle du socialisme mod�r� et du communisme extr�miste. Et le plus extr�miste d�entre eux, �tait Boumediene qui a dit : �Nous n�inventerons pas la poudre une autre fois, il s�agit d�un socialisme marxiste, internationaliste et l�niniste sur lequel nous ne reviendrons pas.� (5) Cette fixation contre l�Alg�rie qui se voudrait une R�publique d�mocratique et populaire est une constante dans le discours de Azzam. Dans un pr�che, repris plus tard, dans un ouvrage (6), il revient sur le sujet : �Regardez le sort de l�Alg�rie apr�s qu�elle fut entre les mains de Boumediene qui a �t� puni par Dieu selon ce qu�il m�rite. Personne n�a m�pris� son peuple combattant comme Boumediene a m�pris� le cher peuple qui a sacrifi� un million de martyrs. Boumediene l�a m�pris�. Il a r�pandu l�alcool, fait sortir les femmes, corrompu la soci�t�, et � la fin, il a dit : �Nous ne voulons rien inventer. Le socialisme est un. C�est le socialisme du l�ninisme marxiste (tel quel dans le texte, ndlr). Il s�agit du socialiste scientifique qui est le socialisme du l�ninisme marxiste.� Et le socialisme arabe et islamique et des appellations de ce genre ? Il a dit : �Non, nous ne voulons pas inventer la poudre une autre fois. Le socialisme est un, c�est le socialisme scientifique, le socialisme de Marx et L�nine�. Et pour cela, Dieu l�a puni. Il est rest� en agonie durant environ quatre mois.� Ce qui est �videmment archifaux. Boumediene est connu pour avoir toujours pr�n� un �socialisme sp�cifique� dont il a, d�ailleurs, pr�vu les contours dans une �Charte nationale� qu�il a fait pl�bisciter par r�f�rendum populaire, sans absolument aucune r�f�rence ni au marxisme ni au l�ninisme. Cette m�me Charte a servi de matrice � la Constitution qui a consacr� l�islam en tant que �religion d�Etat�. Le m�me programme de Boumediene, pr�voyait, entre autres, l��dification de mille villages agricoles avec dans chaque village une mosqu�e. Plus d�une centaine ont �t� r�alis�es de son vivant et qu�il inaugurait souvent lui-m�me. Aucun autre pays musulman n�avait fait autant. Sans parler des s�minaires annuels sur la �pens�e islamique� organis�s depuis le d�but de son �re, qui lui survivront pendant une d�cennie et qui r�unissaient tout ce que le monde entier comptait de �oul�ma� et �savants� religieux et auxquels participaient nombre d�islamistes du Moyen- Orient et d�ailleurs. Presque tous les poids lourds de l�islamisme mondial y ont d�fil�, ann�e apr�s ann�e, et leurs interventions syst�matiquement diffus�es � la t�l�vision avant d��tre r�unies et publi�es sous forme d�ouvrages au grand dam des courants anti-int�gristes alg�riens dont les alertes ne recueillaient aucun �cho. II. Al-Qa�da en Alg�rie La perception que se faisait Abdellah Azzam de l�Alg�rie sera partag�e par nombre de chefs de guerre afghans comme Gulbuddin Hekmatyar ou Abdel Rassul Sayyaf, de futurs id�ologues et th�oriciens d�Al-Qa�da comme Abou Mos��b Es-Souri, Al- Azadi ou Abou Yahia Al-Libi. C�est dans son ambiance que les �afghans alg�riens� ont �t� pris. Et surtout, avec cette perception en arri�re fond que Ben Laden voyait l�Alg�rie quand il a cr�� Al-Qa�da en 1989, et � partir de 1992 quand il s�est s�install� au Soudan et nou� des contacts avec des terroristes alg�riens. Elle ne variera pas d�un iota, il parviendra � s�affilier organiquement le GSPC � partir de septembre 2006 et que l�on retrouvera dans le discours sur l�Alg�rie de ses bras droits, notamment l�Egyptien Ayman Zawahiri et le Libyen Abou Yahia Al-Lybi. Le �djihad� en Afghanistan, cens� �tre dirig� contre le pouvoir politique en place soutenu par l�Union sovi�tique, n�a pas tard� � appara�tre comme le d�but d�un engrenage qui allait se r�percuter dans d�autres pays. Parmi eux, l�Alg�rie �tait d�j� condamn�e, �tant l�Etat le plus �m�cr�ant� d�entre tous, parce que �d�mocratique, populaire et libre� comme le consid�rait Azzam. �Je rassure les musulmans, disait-il (7), et je leur annonce la bonne nouvelle que l�empreinte du djihad afghan ne se limitera pas � la d�faite russe et l�extraction du communisme de ses racines de la terre afghane mais elle la d�passera. Mon c�ur me dit que l�Afghanistan sera le d�but de la mutation de l�histoire pour le monde en entier�. Cette �pr�diction� de Abdellah Azzam a �t� prise au pied de la lettre par Ben Laden. La �lib�ration� de l�Afghanistan n�a �t� finalement pour lui qu�une premi�re �tape pour rassembler et pr�parer au �djihad� contre leurs propres pays une multitude de jeunes. Les �volontaires� alg�riens en premier lieu. Un Alg�rien parmi les dirigeants d�Al-Qa�da C�est au moment o� les troupes sovi�tiques se sont retir�es de l�Afghanistan, en 1989, que Al-Qa�da a �t� cr��e. Ce qui signifie que son apparition n�avait en rien � se justifier par rapport au �djihad� d�alors dans ce pays. Elle devait servir de cadre pour rassembler et organiser les �afghans arabes� pour continuer le �djihad� dans leurs propres pays. L�historiographie veut que Ben Laden �tait partisan d�un regroupement de tous les �afghans arabes� dans un m�me lieu et sous un commandement unique et a commenc� � �uvrer dans ce sens en 1986. Ce fut l�apparition de ce qui a �t� appel� �Ma�ssadat El- Ansar� (Tani�re des lions partisans). Et du fait de la multiplicit� des camps d�entra�nement, de la mobilit� des �volontaires� et des pertes dans leurs rangs dans les op�rations militaires, il fut d�cid� d�ouvrir un fichier pour les suivre et constituer une base de donn�es les concernant. Cette base (alqa�da) de donn�es a surv�cu � la �Ma�ssadat� et restera le nom sous lequel sera connue l�organisation une fois officiellement cr��e et dot�e d�un �conseil consultatif� en 1989. Ce premier conseil �tait, au d�part, constitu� d�une douzaine d��afghans arabes� parmi lesquels se trouvait un Alg�rien qui a �t� sous les ordres du chef de guerre afghan Shah Massoud avant de s�en d�solidariser en 1987 pour rejoindre Ben Laden. Il s�agit de celui qui s�est fait conna�tre sous le nom de Qari Sa�d. Le nom de Qari lui a �t� accol� du fait qu�il enseignait le Coran aux troupes de Shah Massoud et s�est illustr� par cette qualit� en Afghanistan. Abdellah Azzam a expliqu� son �mergence ainsi : �Dans certains fronts, la plupart des guides spirituels et pr�dicateurs (d�origine afghane) ont �t� tu�s et leurs rempla�ants �taient ignorants, ne connaissant pas la plus courte des sourates coraniques. Les Afghans avaient besoin du Coran et tout jeune �Arabe� qui allait vers eux avec le Coran avait la certitude de r�ussir d��tre adopt� comme ce fut le cas de Sa�d l�Alg�rien.� (8) Cette m�me ann�e 1989, Qari Sa�d s�est install� � Peshawar au Pakistan o� se rassemblaient les �afghans�, alors que les combats contre les troupes sovi�tiques se sont arr�t�s. Il �tait charg� par Ben Laden, � selon l� �afghan� et futur dirigeant aux c�t�s de Rabah Kebir du FIS � l��tranger, Abdellah Anas, qui est aussi le gendre de Abdellah Azzam et a �t� �lieutenant� de Shah Massoud �, de diriger un �centre d�accueil� dans cette ville (9). C�est l� qu�il rencontrera le Syrien Omar Abdelhakim dit Abou Mos��b Es-Souri, un ancien Fr�re musulman qui s�est sp�cialis� en Jordanie, en Irak et en Egypte dans la guerre subversive pour le �djihad� dans son pays au d�but des ann�es 1980 et qui a atterri finalement en qualit� d�instructeur dans les camps d�entra�nement de Ben Laden. Jusqu�� l�heure actuelle, il est l�un des rares � avoir parl� de Qari Sa�d durant cette �poque. Il �crit dans un ouvrage consacr� � ses activit�s au profit du GIA: �Un jeune homme, connaissant par c�ur le Coran, a �merg� en qualit� de l�un des principaux dirigeants des fr�res alg�riens. Il �tait connu sous le nom de Qari Sa�d. Il a commenc� � organiser ce qui sera, plus tard, connu sous le nom des �afghans alg�riens�. Je me suis li� d�amiti� avec lui durant cette p�riode et par la suite. Nous �tions voisins � Peshawar. Et c�est ce qui m�a permis de conna�tre son exp�rience. Il m�a parl�, � plusieurs reprises, de son ambition de cr�er une organisation djihadiste pour agir en Alg�rie apr�s la fin du djihad Afghan.� (10) Ce Syrien se r�v�lera par la suite comme le plus �minent th�oricien du terrorisme islamiste mondial dans un ouvrage de 1600 pages. Cr�ation du GIA L��amiti� de cet instructeur d�Al- Qa�da pour le membre alg�rien de son conseil consultatif d�Al-Qa�da allait �voluer � tel point qu�il deviendra l�un des principaux id�ologues et th�oriciens du terrorisme en Alg�rie. Toujours selon lui, �Qari Sa�d est rentr� en Alg�rie, une premi�re fois, pour y s�journer la dur�e d�un mois avant de revenir en Afghanistan�. Il y a, alors, �rapidement mis au point les affaires des ses fr�res et est reparti� dans son pays. Il n�a pas tard� � �appeler par t�l�phone son adjoint � Peshawar pour l�informer de la r�alisation du rassemblement pour lequel ils ont �uvr� et auquel il a �t� donn� le nom de �Groupe islamique arm�. �Cela s�est pass� au d�but de 1991�, pr�cise-t-il. Il s�agit de la premi�re version du GIA tel qu�il a apparu avec � sa t�te Mansouri M�liani et qui allait fusionner en octobre 1992 avec le groupe de Abdelhak Layada pour devenir la sanguinaire organisation terroriste dont les Alg�riens, et pas seulement, conna�tront les monstruosit�s pendant plus d�une d�cennie. C��tait ce que voulait Abdellah Azzam quand il disait : �Je voudrais que viennent (en Afghanistan) de chaque pays arabe ne serait-ce que quarante moudjahid dont sera tu�e la moiti� et que l�autre moiti� retourne dans son pays porteuse de l�esprit du djihad.� (11) Pour le cas de l�Alg�rie, Azzam a eu plus qu�il en a esp�r�, selon la formule de Abou Mos��b es-Souri. Qari Sa�d sera arr�t� en Alg�rie lors de l�attaque des ateliers de r�paration navale de l�Amiraut� d�Alger en f�vrier 1992 et n�aura pas l�occasion de participer � la proclamation officielle de la cr�ation du GIA en octobre de la m�me ann�e. Sa pr�coce mise hors circuit a fait que le r�le d�terminant qu�il a jou� a �t� perdu de vue d�autant plus qu�il a �t� occult� par ses rivaux au sein de l�organisation terroriste. Son action a commenc� en 1989 � Peshawar alors qu�il �tait � la t�te de la �Maison des moudjahidine� (Beyt elmoudjahidine). C'est-�-dire le Centre d�accueil mis en place et financ� par Ben Laden avec la contribution active de Gulbuddin Hekmatyar, le chef de l�organisation afghane Hizb e-islami (Groupe islamique) et qu�il s�agit de distinguer de �Mekteb el-khadamate� (Bureau des services), l�autre centre d�accueil dirig� par Abdellah Azzam et qui existait depuis le d�but de la d�cennie. Il a entrepris alors de rassembler les �afghans alg�riens� dans la perspective de les pr�parer au retour au pays et lancer le �djihad�. Mais la t�che n��tait pas simple. Ind�pendamment des aspects pratiques, de grosses divergences doctrinales et id�ologiques divisaient les Alg�riens en plusieurs courants dont les plus importants �taient la tendance salafiste � laquelle appartenait Qari Sa�d et la tendance dite Qotbiste (Takfir wa el-hidjra) constitu�e autour de Ahmed Loued. L�homme de Ben Laden, appuy� par Hekmatyar dont un grand nombre des �volontaires� alg�riens avaient fait partie de ses troupes, tenait absolument � unifier les deux courants avant de les faire entrer au pays. Il finira par faire rallier au salafisme la plupart des Qotbistes dont un groupe minoritaire restera r�tif et refusera de rejoindre l�Alg�rie avec le reste. Ce premier travail d��unification� men� � Peshawar, Qari Sa�d le poursuivra en Alg�rie lors d�un premier s�jour en 1991, en prenant contact avec les premiers noyaux terroristes qui avaient commenc� � se constituer autour des anciens Bouyalistes. Notamment Abdelkader Chebouti qui s�est �acolyt� avec le membre dirigeant du FIS, Sa�d Makhloufi, pour pr�parer le passage � l�action arm�e depuis et Mansouri M�liani qui, de son c�t�, avait constitu� son propre groupe avec des �vad�s de la prison de Blida depuis la fin de l�ann�e pr�c�dente. Pour diverses raisons, Qari Sa�d n�a pas r�ussi � �unifier� les deux groupes et a fini par rallier ce dernier avec qui il mettra au point les contours de ce que sera le GIA. III. Al-Qa�da et le GIA De retour � Peshawar, Qari Sa�d a entrepris de faire entrer en Alg�rie ses futurs terroristes. La plupart passaient par le Maroc en transitant par Oujda o� les accueillait un groupe d��afghans alg�riens� dirig�s par Abou Leyth El- M�sili (Messaoud Hadjab) pendant que Ahmed Loued mettait en place avec Mansouri M�liani les structures pour les premiers groupes. Il s�av�rera tr�s t�t que ce dernier ne s�est en rien �repenti� de son appartenance qotbiste et que son ralliement au salafisme n��tait que de pure forme. Tr�s t�t, il appara�tra qu�il avait plac� des �afghans� � la t�te de plusieurs wilayas dont la plupart appartenaient � son propre courant et avait entrepris la pr�paration du lancement du �djihad� sans attendre le retour de Qari Sa�d. Celui-ci, inform� de ce qui se passait dans le pays, a tent� de le retenir et le pr�venir de tout passage pr�matur� � l�action arm�e. Mais, c��tait trop tard : l�attaque du poste frontalier militaire de Guemar (novembre 1991) n�a pu �tre emp�ch�e, men�e par un groupe d��afghans� qui a ralli� � lui des militants et cadres locaux du FIS. Des actions similaires devant s�op�rer au m�me moment dans d�autres wilayas ont �t� stopp�es � temps. Rentr� de nouveau au pays, � la fin de l�ann�e 1991, Qari Sa�d a aussit�t rejoint le groupe de Mansouri M�liani qu��paulait activement l��afghan� Sid Ahmed Lahrani en pr�parant une attaque contre une vedette de la Marine nationale dans le port de Ten�s (Chlef) dans le but de voler un lot d�armes et qui devait avoir lieu le mois de d�cembre avec la complicit� d�un militaire. Pour des raisons d�opportunit� et de timing, l�action n�a pas eu lieu. Mais deux mois apr�s, la m�me attaque a �t� programm�e contre une vedette amarr�e dans les ateliers de r�paration navale � l�Amiraut� d�Alger, men�e par le m�me groupe avec � sa t�te trois �afghans� : Qari Sa�d, Sid Ahmed Lahrani et Mourad Ahmine dit Mourad El-Afghani. Ce dernier est abattu alors que les deux premiers sont arr�t�s lors de cette attaque. Mansouri M�liani est neutralis� de son c�t� le mois de juillet 1992 apr�s avoir �t� bless� dans un accrochage. Son groupe est alors repris par Ahmed Loued qui est arr�t� � son tour le mois suivant. Mais durant la m�me p�riode, Lahrani a pu s��vader de prison et a aussit�t repris ses activit�s terroristes avec l�attaque, en septembre, d�une caserne � Regha�a (Alger) avec la participation de plusieurs groupes d�Alger dont celui de Mansouri M�liani dont il est d�sormais l���mir�, celui de Abdelhak Layada qui venait de succ�der � Mohamed Allel (Moh Leveilley) abattu la fin ao�t et celui de Ali Zouabri bas� dans la Mitidja. Le mois d�octobre suivant, ces diff�rents groupes se sont �unifi�s� et ont proclam� la naissance officielle du GIA et d�sign� Layada � sa t�te. Pendant ce temps, � la prison de Tazoult (Batna), o� Qari Sa�d est en d�tention, les terroristes �taient organis�s en �cellules� dans les diff�rentes salles et reconnaissaient entre eux un ��mir� � la t�te du p�nitencier, � savoir le Qotbiste Alem Abedennour dit �Nouh�. Condamn� � la peine capitale en mars 1993, il est remplac� par Qari Sa�d. Un ann�e apr�s, ce denier, avec la complicit� de plusieurs ge�liers, est parvenu � mettre en place un plan d��vasion en s�appuyant sur des groupes terroristes de la wilaya de Batna. A ce moment, le GIA est conduit par Cherif Gouasmi, dit Abou Abdellah Ahmed, qui venait de succ�der � l��afghan� Si Ahmed Mourad, dit Seyf Allah Dja�far El-Afghani, luim�me ayant relay� Abdelhak Layada, apr�s un bref passage de A�ssa Benameur. L��vasion de Tazoult, en elle-m�me spectaculaire, eut lieu par une nuit ramadanesque en mars 1994. Elle est r�v�latrice des capacit�s d�organisation et de d�termination insoup�onn�es de Qari Sa�d qui va d�sormais faire de nouveau parler de lui. Un terroriste alg�rien partisan du GIA, se pr�sentant sous le nom de Cheikh Attia Allah et qui a tenu le haut du pav� tout au long de l�ann�e 2006 dans des forums �djihadistes� sur Internet pour r�pondre � des questions sur le terrorisme en Alg�rie, pr�sente Qari Sa�d comme �un homme g�nial, un dirigeant inspir�, un cheikh �rudit�. Il rapporte : �J�ai v�cu avec lui en Afghanistan un certain temps, et en toute v�rit�, je n�ai pas vu un Alg�rien comme lui dans le pays ou � l�ext�rieur pour ce qui est de la perfection et des qualit�s. Aussi, je n�ai eu aucun �tonnement quand j�ai appris que le cheikh Abou Abdellah Ahmed (il s�agit de Cherif Gousmi, ��mir� du GIA en 1994-95, ndlr) lui a envoy� aussit�t qu�il est sorti de la prison de Batna pour qu�il rejoigne le Centre (du pays) pour qu�il soit proche de lui. J�ai m�me appris de personnes qui �taient proches de Abou Abdellah Ahmed que ce dernier pensait � lui remettre le commandement (du GIA). Cela ne m��tonne pas, les deux hommes �taient des divins.� Revenu au maquis, Qari Sa�d participe activement aux c�t�s de Cherif Gousmi � l��unification� au sein du GIA de l�ensemble des organisations terroristes qui ont apparu alors qu�il �tait en d�tention. Ils parviendront � se faire rallier par le Mouvement pour l�Etat islamique (MEI) cr�� par Abdelkader Chebouti et Sa�d Makhloufi, le FIDA en tant que branche arm�e d�un courant du FIS dit djaz�ara et m�me par l�ensemble de ce courant dont les responsables auront des fonctions dirigeantes au sein du GIA. En m�me temps, Qari Sa�d reprend contact avec le Syrien Abou Mos��b es-Souri qui r�v�le : �Un des bras droits de Qari m�a appel� pour que je le rencontre � Londres. L�, j�ai re�u de lui un coup de t�l�phone depuis l�Alg�rie, apr�s son �vasion de prison. Il m�a rappel� mon ancienne promesse, faite en Afghanistan, de les soutenir dans la cas o� ils d�cr�teront le djihad en Alg�rie. Il m�a demand� de rester � Londres pour pr�parer mon d�part pour les rejoindre en Alg�rie. Et en attendant, il a sollicit� mon aide pour les fr�res de la cellule de communication de Londres.� (12) Abou Mos��b rejoindra effectivement l��quipe de r�daction du bulletin hebdomadaire El- Ansar (organe du GIA), o� il aura � animer r�guli�rement une rubrique du n� 82 jusqu�au n� 120, durant les ann�es 1994 et 1995 tout en faisant �quipe avec d�autres Moyen-orientaux partisans de Ben Laden comme Abou Qatada El-Falestini et Abou Hamza El- Misri. Mais, il est clair, de toute �vidence, que ce programme qui se mettait en place ne relevait pas d�une initiative individuelle entre Qari Sa�d et Abou Mos��b mais r�pondait � un plan �labor� de longue date au sein d�Al- Qa�da � laquelle tous les deux �taient li�s au moment m�me de sa cr�ation, en 1989. D�autant plus que le r�le d�Abou Mos��b ne devait pas se limiter � un �soutien� du GIA � partir de l��tranger. En effet, comme il le r�v�lera lui-m�me dans son ouvrage, il devait, en coordination avec Qari Sa�d, entrer en Alg�rie pour le rejoindre. Il s�y est m�me s�rieusement pr�par�, selon ses propres r�v�lations, en se rendant en Belgique o� ont �t� parachev�s les d�tails de son voyage. Le d�mant�lement du r�seau belge du GIA qui veillait � ces pr�paratifs par la police alors qu�il �tait revenu � Londres attendre le feu vert du d�part a fait avorter le projet qui n�aura pas de lendemain apr�s l��limination de Qari Sa�d la fin de l�ann�e 1994. La mise, tr�s t�t, hors circuit de Qari Sa�d, d�abord par ses deux ans de d�tention et ensuite sa liquidation d�finitive, a fait perdre de vue le seul lien franchement et organiquement apparent entre Al-Qa�da et le terrorisme en Alg�rie. Mais � cette �poque, Ben Laden, install� au Soudan depuis 1992, �tait de plain-pied impliqu� dans le terrorisme en Alg�rie. Sa pr�sence dans ce pays n�a pas �t� �trang�re � la d�cision du GIA de d�signer Khartoum comme si�ge de son premier repr�sentant officiel charg� des �relations ext�rieures�, en l�occurrence l��afghan� Messaoud Hadjem dit Abou Leyth el-M�sili, un Qotbiste proche de Ahmed Loued qui avait ralli� avec lui Qari Sa�d � Peshawar avant d��tre d�sign� � la t�te du groupe d��afghans� d�accueillir les �volontaires � de retour d�Afghanistan pour les diriger vers les maquis en Alg�rie. La m�me fonction sera reprise par Rachid Ramda dit Abou Far�s, �afghan� �galement, qui plus est a assist� Qari Sa�d � la t�te de la �Maison des moudjahidine� � Peshawar. Un auteur l�a m�me donn� comme l�ayant lui-m�me dirig�e un certain temps (13). Il s�est retrouv� � la t�te des �relations ext�rieures� en 1994, � la suite du retour au maquis de Qari, avec Londres comme si�ge o� il aura en charge la publication de la revue du GIA El-Ansar au c�t� du trio moyen-oriental constitu� par Abou Mos��b, Abou Qatada et Abou Hamza. Durant toute sa p�riode soudanaise qui a dur� jusqu�en 1996, Ben Laden est rest� entour� de plusieurs terroristes alg�riens. Il n�a pas cess� de recevoir du GIA et d�y envoyer des �missaires et, selon le mot de Abou Mos��b Es-Souri, lui �pr�senter une assistance en armes et en argent�. Et tout autant il a re�u � Khartoum plusieurs �missaires du GIA � l�instar de Omar Chikhi ou Mokhtar Belmokhtar qui l�ont eux-m�mes r�v�l� � diff�rents m�dias. Mais l�action de Ben Laden en faveur du GIA durant cette p�riode ne s�est pas limit�e � ce seul aspect. Il a battu le tambour pour le soutenir par d�autres organisations et individus qui �taient sous son influence, comme le confirme Abou Mo��b Es-Souri : �Le cheikh Oussama Ben Laden a envoy� certains de ses assistants pour s�impr�gner de la situation (en Alg�rie, ndlr) et il a essay� de pr�senter une assistance en argent et en armes� Ayman Zawahiri, ��mir� de l�organisation El-Jihad (Egypte), a �crit � l���mir� du GIA, Amine (entendre Abou Abderrahmane Amine, c'est-�dire Djamel Zitouni, ndlr), (�) la Djama��t combattante libyenne a envoy� des dizaines de ses meilleurs combattants pour participer sur le terrain au djihad en Alg�rie. De nombreux moudjahidine marocains ont activ�, en base arri�re, sur le plan logistique, transport d�armes et le transfert des combattants en Alg�rie. Certains Tunisiens ont �galement contribu� � d�autres efforts du djihad.� (14). M. I. 1) Abdulah Azzam, Chehr byen el- ��maliqa (Un mois parmi les g�ants). Il s�agit d�une brochure de 48 pages qui relate un voyage de Peshawar jusqu�� la vall�e du Panchir dans le nord de l�Afghanistan. La plupart des �crits de Azzam dont cette brochure sont disponibles dans des sites internet islamistes et le sien propre que lui ont consacr�s ses partisans et qu�ils appellent le �Centre d�information du martyr Azzam�. 2) Abdellah Azzam, Fi et-ta-amor el- ��lami (Du complot mondial), une brochure de 69 pages qui est pr�sent�e incompl�te sur le m�me site. 3) Editorial sign� Abdellah Azzam dans �Lahib el-ma�rakat� (Le feu de l�action). Il s�agit d�un bulletin hebdomadaire sur le �djihad� afghan qu�il a fond� en 1985. Un grand nombre des �ditoriaux ont �t� r�unis dans un ouvrage intitul� �Kalimate mine khat en-nar el ouwlat� (Mots � partir des premi�res lignes du front) disponible dans le site internet www. azzambook.4t.com. 4) Abdellah Azzam, Fi et-ta-amor el- ��lami (Du complot mondial), op. cit. 5) Id. 6) Abdellah Azzam, El-jihad, tarbiyyat wa bina� (Le djihad, �ducation et �dification), Centre d�information du martyr Azzam, Peshawar, 1992. 7) Abdellah Azzam, Kalimate mine khat en-nar el ouwlat. 8) Abdellah Azzam, Dhikrayat falestine (Souvenirs de Palestine). Il s�agit d�une brochure, non dat�e, de 23 pages o� les partisans de Azzam ont r�uni certains de ses �crits. Voir, en particulier, le texte intitul� �Mine el-Qods ila Kaboul� (De J�rusalem � Kaboul). 9) Interview journal El-Hayat, 1er novembre 1991, Londres. Cette m�me version est confirm�e par l���mir� du GIA pour l�Ouest alg�rien Kadda Benchiha dans un enregistrement audio disponible dans le site internet de l�organisation terroriste DHDS qu�il a cr��e en 1995, apr�s sa dissidence du GIA. 10) Omar Abdelhakim, (Abou Mos��b Es-Souri), Mokhta�ar chahadati ��la eldjihad fi el-jaza�r (1988-1996) (R�sum� de mon t�moignage sur le djihad en Alg�rie (1988-1996), publi� sur internet, dat� du 1er juin 2004. 11) Rapport� par Abou Mos�ab Es- Souri dans son livre Da��wat el-mouqawama el-islamiyyat el-alamiyyat (Appel � la r�sistance islamique mondiale). 12) Omar Abdelhakim, Mokhta�ar chahadati ��la el-djihad fi el-jaza�r (1988- 1996) (R�sum� de mon t�moignage sur le djihad en Alg�rie (1988-1996), op.cit. 13) Dr Hichem El-Haddidi, Elirahab, boudhourihi, wa bouthourihi, zamanihi, wa makanihi wa choukhoussihi (Le terrorisme, ses origines, son moment, son lieu, ses caract�ristiques), Ed. Ed-dar el mesriyyat el-loubnaniyyat, Le Caire, 1999. 14) Omar Abdelhakim, op.cit.