Du haut de ses cinquante-neuf ans, ammi Sa�d, comme beaucoup l�appellent affectueusement, a toujours la ferveur militante chevill�e au corps. Cet homme � la silhouette atypique qu�il prom�ne, au gr� des p�r�grinations de l�activiste qu�il est toujours rest�, emmitoufl� dans un burnous qu�il arbore comme un embl�me et qu�il ne quitte presque pas, a un d�vouement sans faille pour la cause identitaire, un engagement qui a r�sist� � l�usure du temps, aux sollicitations conjoncturelles. Depuis sa prime jeunesse, Sa�d La�mchi, puisque c�est de lui qu�il s�agit, s�est engag� avec fougue et conviction au sein de l�Acad�mie berb�re, organisation fond�e le 26 juin 1966, � Paris, par Bessaoud Mohand Arav dont il est devenu l�ami et le confident. Avec des mots simples mais empreints de v�rit�, ammi Sa�d effeuille pour nous les pages de sa m�moire. Le r�cit qu�il fait, en tant que t�moin ou partenaire immerg� dans certains �v�nements, est un cheminement � travers l�histoire mouvement�e �d�une Kabylie souffre-douleur qu�on n�arr�te pas d�agresser�. Ecoutons-le parler des lendemains de la guerre d�ind�pendance qu�il a v�cus � Alma, son village dans la commune d�A�t Zmenzer, des maquis du FFS, de l�Acad�mie berb�re, du fameux �pisode des poseurs de bombes qui ont vis� le si�ge du quotidien El Moudjahid en 1975, du Printemps berb�re, de tous les faits qui s�en suivront et de certains acteurs qui les ont fa�onn�s. De la Guerre de Lib�ration nationale, ammi Sa�d garde des souvenirs d�enfance qui sont pour beaucoup dans l��veil politique de ce fils de chahid qui se rappellera de l�image de Krim Belkacem haranguant les foules sur la place centrale de son village. On est en pleine crise de l��t� 1962, et Krim Belkacem venait d�entamer la campagne pour la r�sistance contre le pouvoir de Ben Bella. �J�ai entendu Krim Belkacem d�clarer devant la foule que la r�volution a �t� trahie et qu�il faut poursuivre la r�sistance�, se souvient ammi Sa�d �g� de 12 ans, � l��poque. Il se souviendra encore du jour o� sa m�re malade a �t� malmen�e par un soldat de l�ANP dont les �l�ments ont �t� envoy�s par Ben Bella pour combattre les r�sistants du FFS. Ses premiers contacts avec Bessaoud M. Arav ont d�but� par l�interm�diaire d�un certain Sa�d Rami, un ami du village engag� dans les maquis du FFS aux c�t�s de M. A. Bessaoud qui cr�era avec d�autres militants et intellectuels comme Taous Amrouche, Mohamed Arkoun et d�autres l�Acad�mie berb�re, le 16 juin 1966, � Paris et dont notre interlocuteur deviendra plus tard un activiste actif et assidu au m�me titre qu�un noyau de militants qui se recrutaient surtout dans les milieux universitaires d�Alger. Le 27 d�cembre 1975, une bombe ciblera les locaux du quotidien El Moudjahid, � Alger. Une trentaine de militants de l�Acad�mie berb�re, la plupart des �tudiants, furent arr�t�s et condamn�s � de lourdes peines d�emprisonnement. Sma�l Medjber sera condamn� � mort, Haroun Mohamed et Cheradi Hocine �coperont de la prison � perp�tuit�. Ils seront tous lib�r�s le 5 juillet 1987 suite � une gr�ce pr�sidentielle. Mais ammi Sa�d est formel sur le fait que l�Acad�mie berb�re est �trang�re � cet attentat. �Bessaoud M. A. nous a tous alert�s et mis en garde pour ne pas prendre part � ce complot foment� par Mouloud Kaouan, un intellectuel qui appartenait � une organisation li�e � des officines �trang�res.� Par la suite, une r�pression f�roce s�abattra sur tous les militants berb�ristes. De nombreux citoyens furent arr�t�s pour la simple d�tention de document ou d�un simple �crit en tifinaghe, t�moignera Sa�d La�mchi qui se souviendra des �meutes survenues, � Larbaa-Nath-Irath�ne, lors de la f�te des cerises du d�but de l��t� 1974. Les citoyens de la r�gion qui ont assist� � un gala de vari�t�s ont protest� contre la marginalisation des chanteurs kabyles durant ce gala. La finale de la Coupe d�Alg�rie ayant oppos� le NAHD � la JSK, le 19 juin 1977 au stade du 5-juillet constituera un moment de d�fiance contre Boumediene qui a �t� hu� par la galerie kabyle, une marche sera organis�e dans les rues d�Alger, apr�s le sacre de la JSK. En mars 1978, sur instigation des pouvoirs alg�rien et marocain, les autorit�s fran�aises proc�deront � la fermeture de l�Acad�mie berb�re et � l�arrestation de Bessaoud M. A. et trois de ses compagnons. Ammi Sa�d gardera un contact permanent avec Bessaoud qui, apr�s sa lib�ration, a rejoint sa femme en Angleterre. Le 1er novembre 1997 celui-ci effectuera son retour en Alg�rie, apr�s d�harassantes d�marches que ammi Sa�d dit avoir effectu�es aupr�s de l�administration alg�rienne, tout en louant au passage, tient-il � souligner, �le r�le jou� par le Dr Sa�d Sadi que j�ai sollicit� pour intervenir aupr�s des responsables pour la d�livrance du passeport que les autorit�s consulaires alg�riennes � Londres ont refus� de d�livrer au fondateur de l�Acad�mie berb�re�. A cela s�ajoute la mobilisation de collectifs estudiantins d�Alger pour exiger la d�livrance du passeport � M. A. Bessaoud. L�ensemble de ces faits ont constitu� des �tincelles qui vont allumer le brasier du printemps 1980 qui ont donn� lieu � une s�v�re r�pression polici�re. Des dizaines de manifestants seront arr�t�s et transf�r�s � la prison de Berrouaghia dont 24 �mergeront comme �tant les artisans et les meneurs du mouvement. Tous seront lib�r�s le 26 juin 1980. Ces �v�nements allaient lib�rer d�autres initiatives politiques. C�est ainsi que des enfants de chouhada de Tizi-Ouzou d�cideront de la cr�ation de la premi�re association de fils de martyrs de la r�volution d�nomm�e Tighri (appel). Ammi Sa�d se souviendra que plusieurs r�unions clandestines seront organis�es au domicile de Nordine A�t Hamouda, en pr�sence de M�henni Ferhat, les deux fr�res A�t Larbi, A. Falli, Nasser Babouche, Nacer Azzam, Achour Slimani, Rafil Meziane, Ben Chikhoun Rabah, Ali Bekessam et bien d�autres. La relance du mouvement de revendication culturelle et la lutte contre la ghetto�sation de celui-ci sont � la base de l�id�e de cr�ation de cette organisation qui s�est donn�e comme objectifs statutaires, la d�fense de la m�moire des martyrs et des principes pour lesquels ils se sont sacrifi�s, la comm�moration des �v�nements marquants de l�histoire de l�Alg�rie, la participation � l��criture de la v�ritable histoire, contribution � la vie culturelle et la prise en charge des probl�mes sociaux des ayants droit de chouhada. Une coordination sera cr��e. D�autres associations du m�me type seront cr��es � Naciria (w. de Boumerd�s), Alger et Chlef plus tard. La mise en place de cette coordination sera suivie par la cr�ation de la premi�re Ligue alg�rienne de d�fense des droits de l�homme durant l��t� 1985 et dont la pr�sidence sera confi�e � Me Ali Yahia Abdennour, � l�initiative des principaux acteurs du MCB, comme Sa�d Sadi, Sa�d Doumane, Sa�d Khelil, About Arezki et autres, ainsi que des fondateurs de l�association Tighri. Bien s�r, ces initiatives n�ont pas �t� du go�t du pouvoir qui a arr�t� dix membres parmi les fondateurs de l�association Tighri, le mois de f�vrier 1985. Suite � une tentative d�emp�chement d�un s�minaire sur l�histoire qui s�est tenu � Tizi-Ouzou. L�arrestation des membres de la coordination des associations de fils de chahid d�Alger, Tizi-Ouzou, Naciria, Chlef y interviendra le 5 juillet de la m�me ann�e. Ils seront transf�r�s � la prison de Berrouaghia. Ali Yahia Abdennour, Hachemi Na�t Djoudi, Sa�d Sadi, Arezki About, Sa�d Doumane, tous membres de la LADDH, seront arr�t�s et emprisonn�s au p�nitencier de Berrouaghia. Ils seront traduits devant la cour de s�ret� de l�Etat de M�d�a et condamn�s pour, essentiellement, atteinte � l�autorit� de l�Etat � un changement de r�gime. La presse gouvernementale de l��poque se d�cha�nera contre tous ces militants. Sous le titre �un club humaniste�, un article d� Alg�rie Actualit� dat� du 18 au 24 juillet s�attaquera avec une rare virulence � ces militants, ciblant particuli�rement ceux de la LADDH. Kateb Yacine prendra leur d�fense dans une tribune publi�e sur le journal fran�ais Lib�ration du 24-7-1985.