Cinq cent millions de centimes : selon les m�dias, c'est la somme qu'exigeraient les terroristes, pardon les �groupes arm�s�, pour d�serter le maquis et renoncer � tuer leurs semblables. Nous voici ramen�s, de gr� ou de force, � la douloureuse alternative de payer pour ne pas �tre tu�. �La bourse ou la vie !� c'�tait l'injonction classique pr�t�e aux brigands qui n'existaient parfois que dans nos lectures. Les brigands r�els de notre quotidien dressent des traquenards, d�troussent, ran�onnent, assassinent sauvagement et posent leurs conditions. Cinq cent millions pour d�poser les armes encore ensanglant�es et regagner tranquillement ses p�nates, entour� de la crainte respectueuse et de la d�votion populaires. Car, tous les brigands ne sont pas faits de la m�me p�te. Les n�tres sont, au mieux des �combattants de la foi�, au pire des ��gar�s�, entra�n�s par leur z�le religieux dans une aventure sans issue. Du moins, pensait-on nagu�re, que la voie de la violence et du maquis menait � l'impasse. On s'aper�oit, au contraire, qu'il y a des pays o� les �grandes compagnies� peuvent s�vir et prosp�rer sans crainte d'�tre d�cim�es ou refoul�es au-del� des fronti�res. Il y a des bouchers et des tueurs qui ont aujourd'hui pignon sur rue gr�ce � des primes de r�installation substantielles. Il en est m�me qui ren�clent, qui exigent les �gards dus aux combattants des causes justes. Ils menacent souvent de repartir, et ils joignent le geste � la parole. Quitte � ren�gocier une autre repentance, sous un nouveau nom de guerre et dans une autre r�gion. Il est normal, alors, que naissent des vocations, que montent les ench�res. D'ici les vacances d'�t�, avec l'arriv�e des �migr�s, les prix vont encore monter. D'ailleurs, la crise est l� pour inciter � engranger le maximum. Il ne faudra pas s'�tonner que les prix doublent ou triplent avec le prochain Ramadan, mois du pardon, para�t-il. Le pardon et l'oubli co�tent d�cid�ment de plus en plus cher aux Alg�riens mais tant que l'argent ne sort pas directement de leur poche. Et puis, comment peuvent-ils comprendre quoi que ce soit � cette �conomie distributive qui n'est enseign�e dans aucune �cole ? (1). M�me s'ils n'ont rien appris � l'�cole, et pour cause, nos futurs repentis sont quand m�me intelligents comme tous les Alg�riens. Ils ont compris que pour acc�der � leur part de rente p�troli�re, ils devaient explorer les voies du seigneur qui y m�nent fatalement. Tuer son prochain, m�me en fratrie religieuse, n'est plus un crime pour peu que l'acte soit justifi�. Et l�, vous avez le choix entre des milliers de versets et de hadiths (2). Si la victime n'est pas pratiquante et porte l'uniforme policier ou militaire, vous jouez sur du velours. Mais attention aux massacres collectifs qui font du bruit et sont contreproductifs. Pr�f�rez les assassinats individuels �tal�s sur le calendrier. Prenez votre temps et laissez monter les ench�res, pour vous il ne sera jamais trop tard. Selon ce que je crois savoir, il vous reste encore quatre ou cinq bonnes ann�es pour am�liorer vos performances et renforcer votre pouvoir de n�gociation. L'essentiel est de bien s'adapter aux dures conditions du maquis, comme l'ont fait certains de nos lib�rateurs. S'adapter et �conomiser l'�nergie n�cessaire � une vie de repenti, forc�ment bien remplie. Imaginez ce qu'on peut conna�tre comme agr�ments, avec un viatique confortable, apr�s une p�riode d'aust�rit� et de privations. Encore qu'il y aurait beaucoup � dire sur l'asc�tisme suppos� des �combattants de la foi�, remarquez encore au passage les guillemets. Toujours est-il que nos journaux qui compatissent, parfois, aux servitudes et aux rigueurs de la vie dans les montagnes, nous en racontent de belles. Figurez-vous que j'ai lu la semaine derni�re des nouvelles plut�t alarmantes en provenance des maquis. Des nouvelles concernant des comportements condamnables, qui ne sauraient exister dans nos soci�t�s vertueuses et �quilibr�es. Il est dit, dans un de ces journaux tr�s inform� sur la vie intime dans les bois, que certains chefs du mouvement Al-Qa�da, implant�s chez nous, s'adonneraient � des pratiques honteuses. Vous n'avez pas encore bien saisi ? Je vais essayer d'�tre plus clair, quoi qu'il m'en co�te : eh bien, ces chefs n'h�siteraient pas � faire subir aux jeunes recrues m�les, les outrages habituellement r�serv�s aux femmes-butins. De quelque c�t� que l'on prenne le probl�me, il faut le prendre � bras-le-corps et c'est ce qu'a fait ce confr�re, dont les bonnes intentions ne souffrent aucun doute. Il pr�cise que le repr�sentant personnel de Ben Laden en Alg�rie (3) a mis en garde ses adjoints contre une telle forme de �bizutage�. Cependant, on pourrait peut-�tre attribuer ces inclinations bestiales � l'ignorance des suppos�s �soldats de Dieu�. Selon notre confr�re, les terroristes qui sont partis en guerre contre la soci�t� au nom de l'Islam, et qui paraissent aussi bien outill�s, sont tout � fait d�sarm�s en mati�re de religion. Ils ont une connaissance tr�s vague et tr�s souvent erron�e de la religion dont ils se r�clament. Ce qui revient � dire qu'ils ont eu de tr�s mauvais professeurs et des guides incomp�tents. Tout cela, on le savait sans trop le crier sur le temps de crainte d'incommoder nos concitoyens qui vouent un culte quasi divin � ces cheikhs venus d'Orient. Si j'osais, je proposerais m�me qu'au lieu de leur offrir des tribunes dans les journaux, on les envoie sur le terrain. Ils auraient ainsi plus de chance de r�parer le mal qu'ils ont fait au contact direct de leurs anciennes ouailles. Et puis, on peut �carter d'ores et d�j�, rien qu'� voir leurs physiques, l'horrible perspective de les voir trait�s comme les jeunes recrues d'Al-Qa�da. Comment inciter alors les terroristes � la repentance avant que les prix n'aient trop grimp� et qu'ils co�tent de plus en plus cher � entretenir et � maintenir dans des dispositions pacifiques ? A priori, le recours � l'envoi de pr�dicateurs issus de nos instituts n'est pas la meilleure voie. Selon notre confr�re, il s'y passerait aussi de dr�les de choses mais en plus conformes aux �lans de Dame nature. Ces �pratiques scandaleuses � entre gar�ons et filles auraient lieu dans tous les recoins, et jusque dans les toilettes, vid�os � l'appui. Je suis effectivement scandalis�, cher confr�re, que des jeunes gens soient oblig�s de se r�fugier dans les toilettes pour sacrifier � V�nus. Mais comme on est dans d'aussi bonnes dispositions, on pourrait faire comme ces groupuscules irakiens qui pourchassent les homosexuels. On pourrait importer massivement de la �gomme iranienne �, cette colle ultra puissante qui a fait des �merveilles� � Baghdad. Elle peut �tre �prescrite � aux deux sexes et elle a l'avantage d'�radiquer d�finitivement le mal, en tuant le malade. A. H. (1) En fait, on enseigne bien l'�conomie dans nos �coles et instituts sp�cialis�s comme d'autres mati�res d'ailleurs. Seulement, il y a d'autres enseignements qui attendent les �l�ves en amont, pour les configurer aux normes en vigueur, comme l'�conomie islamique ou encore le miracle scientifique du Coran. (2) Il n'y a pas de contradictions � craindre dans ce domaine : comme ils n'en sont pas � une affabulation pr�s, les t�l�coranistes ont toute une panoplie pour faire dire une chose et son contraire. Tout d�pend, en fait, de l'adversaire du moment et de l'appr�ciation du rapport de force � un instant donn�. (3) Ben Laden n'a pas que des repr�sentants arm�s en Alg�rie. Il est pr�sent dans les mosqu�es et jusque dans certains accoutrements. Quant au pr�nom Oussama, il fait fureur sur les registres d'�tat civil.