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Ce qui s�est r�ellement pass� � Tibhirine
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 07 - 2009

Dans l�affaire des moines de Tibhirine, la v�rit� n�est vraie, pour ceux qui font semblant de la rechercher, que si et seulement si elle met en cause l�Arm�e alg�rienne ! Et toute autre version, pour eux, ne peut �tre que suspecte, d�autant plus qu�ils l�opposent aux seules th�ses de ceux, Alg�riens ou �trangers et qui, pour une raison ou une autre, d�clar�e ou cach�e, se sont sp�cialis�s dans la d�sinformation. N�en d�plaise aux uns et aux autres, voil� ce qui s�est r�ellement pass� � Tibhirine.
Pourquoi le GIA s�est attaqu� aux moines
D�s l�instant o� les premiers religieux chr�tiens ont �t� assassin�s, le 8 mai 1994 � Alger, le sort des moines de Tibhirine �tait jet�, pour plusieurs raisons. La premi�re est qu�ils �taient des ressortissants �trangers et le GIA avait, d�s la fin octobre 1993, fix� un mois de d�lai � tous les expatri�s pour quitter le pays sous peine de les ex�cuter, d�lai qui devait expirer vers la fin novembre. La deuxi�me est qu�ils �taient des religieux chr�tiens, c'est-�-dire n�cessairement des �crois�s, ennemis de l�islam �, aux yeux du GIA. La troisi�me raison est qu�ils avaient la malchance de vivre � M�d�a, o� les terroristes voulaient se distinguer par des assassinats d��trangers. C�est l� (� Berrouaghia) o� fut donn� l�exemple, � travers le premier assassinat d�un ressortissant �tranger (un Espagnol), d�s le 2 d�cembre 1993, c'est-�-dire juste apr�s l�expiration du d�lai. Et c�est l� �galement qu�a eu lieu, le m�me mois, le massacre le plus important contre des �trangers chr�tiens (� Tamezguida), � un jet de pierre du monast�re de Tibhirine, o� ont �t� �gorg�s, sous les ordres de Sayah Attia, douze ressortissants croates. L�histoire retiendra que les premiers religieux chr�tiens ont �t� assassin�s par le GIA le 8 mai 1994 � Alger. C'est-�-dire au moment o� le m�me GIA s�appr�tait � annoncer au monde entier que le FIS, conduit dans la clandestinit� par l�un de ses courants, connu sous le nom de djaz�ara, auquel Mohamed Sa�d et Abderrezak Redjam, avait pr�t� all�geance. Une fois leur �pacte d�unification� sign� avec le GIA et annonc�, le 13 mai, les assassinats des pr�tres et religieux allaient se poursuivre de plus belle. Tout autant que ceux qui ciblent les �trangers non musulmans avant de ne plus �pargner personne, quelles qu�en soient l�origine ou la confession. La djaz�ara avait, apr�s Alger, sa place forte � M�d�a o� elle �tait dirig�e � l��poque par Ali Benhadjar. Ce premier attentat qui a cibl� des religieux n�a pas �t� le fait de l���mir� sanguinaire du GIA dont la djaz�ara, suivie par d�autres milieux � l��tranger, tentera de faire accroire qu�il �tait �manipul� par les �services � alg�riens, mais le fait de Cherif Gousmi dont pas une seule voix n�a vu en lui autre chose que l�exemple type du parfait terroriste. Ce m�me attentat est surtout r�v�lateur de la nature du terrorisme de l��poque, du fait qu�il a �t� commis avec l�approbation du FIS djaz�ariste ou, � tout le moins, qui ne l�a pas d�sapprouv� alors qu�il finalisait au m�me moment son pacte d��unification� avec le GIA avec qui il allait vivre main dans la main une autre s�rie de meurtres de m�me type, jusqu�� leur divorce � la fin de l�ann�e 1995. Autrement dit, tous les attentats qui ont cibl� des religieux chr�tiens, mis � part les moines de Tibhirine et l��v�que d�Oran, ont eu lieu durant la p�riode o� la djaz�ara �tait totalement �fondue� dans le GIA. Cet attentat est d�autant plus ignoble qu�il a vis� un pr�tre et une s�ur blanche, install�s en plein quartier populaire de la Casbah, parmi le petit peuple, dont Henri Verg�s et Paule H�l�ne. Mgr Clav�rie, �v�que d�Oran, �crira : �Le fr�re Henri et la s�ur Paule- H�l�ne ont �t� assassin�s � Alger, parce que sans doute, ils �taient religieux� Ceux qui les ont assassin�s les consid�raient comme des ennemis de l�islam� Leur islam �tait-il si fragile au point d�avoir peur d�un homme de soixante-cinq ans et d�une femme de soixante- sept ans ?...� De ce double crime, le GIA en a fait un haut fait d�armes qu�il a revendiqu� � travers son bulletin El- Ansar : �Dans le cadre de la politique de liquidation des juifs, des chr�tiens et des m�cr�ants de la terre musulmane d�Alg�rie, une brigade du GIA a tendu une embuscade dans laquelle ont �t� tu�s deux crois�s qui avaient pass� de longues ann�es � propager le mal en Alg�rie.� Cinq mois plus tard, les hordes criminelles r�cidivaient avec l�assassinat de deux autres religieuses � Bab-El-Oued (Alger). La liste continuera de s�allonger les mois et les ann�es suivants. D�s lors, seul un miracle aurait pu sauver la vie des moines. Et il n�y en n�a pas eu.
Mohamed Issami
Les moines se savaient cibl�s
Le mois m�me de leur enl�vement, les moines de Tibhirine pr�ssentaient le danger qui les entourait. Leur communaut� avait envoy� une lettre pr�monitoire � l��Union des sup�rieurs majeurs� : �Assurer une pr�sence, non pas missionnaire apostolique, mais contemplative et priante en milieu musulman, gr�ce � une communaut� stable, fraternelle, unie et laborieuse. Pr�sence discr�te, myst�rieuse, s�par�e du monde et en communion avec les personnes, humblement attentive aux besoins mat�riels et spirituels de ceux qui nous entourent. Pr�sence de la mort. Traditionnellement, c�est une compagne assidue du moine. Cette compagne a pris une acuit� plus concr�te avec les menaces directes, les assassinats tout proches, certaines visites� Elle s�offre � nous comme un test de v�rit� utile et pas tr�s commode. Apr�s No�l 1993, tous, nous avons re-choisi de vivre ensemble. Ce choix avait �t� pr�par� par les renoncements ant�rieurs de chacun (� la famille, � la communaut� d�origine, du pays�), et la mort brutale � de l�un de nous, de tous � la fois � ne serait qu�une cons�quence de ce choix de vie � la suite du Christ (m�me si ce n�est pas directement pr�vu comme tel dans nos Constitutions).� Cette lettre, en faisant r�f�rence � �No�l 1993�, marque avec pr�cision le d�but des appr�hensions. Il s�agit de la nuit o� le groupe de l���mir� Sayah Attia leur a rendu �visite� par effraction. Dans un hommage aux Croates assassin�s par un groupe du m�me ��mir�, dix jours avant cette �visite�, �crit Christian de Cherg� (un des moines enlev�s et assassin�s), l�inqui�tude n�est pas cach�e : �Impossible �galement de ne pas nous sentir plus directement expos�s. Mais si nous nous taisons, les pierres de l�oued encore baign�es de sang sauvagement r�pandu hurleront la nuit.� Le danger qui pesait sur les moines de Tibhirine devenait �vident apr�s le massacre des Croates. D�autant plus qu�� la suite du d�part des coll�gues survivants, les moines n��taient plus que les seuls ��trangers� � �tre rest�s dans la r�gion. Le p�re Christian de Cherg� en �tait parfaitement conscient : �S'il m'arrivait un jour � et �a pourrait �tre aujourd'hui �d'�tre victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les �trangers vivant en Alg�rie, j'aimerais que ma communaut�, mon Eglise, ma famille se souviennent que ma vie �tait donn�e � Dieu et � ce pays�, avait-il �crit, � Tibhirine, le 1er janvier 1994, dans ce qui sera consid�r� comme son testament et qu�il a intitul� �Quand un dieu s�envisage�. Plus tard, Monseigneur Pierre Claverie, �v�que d�Oran, parlant de l�assassinat des moines, montrera bien que ces religieux savaient parfaitement de quel c�t� venaient le danger et la menace qui pesaient sur eux. Il �crivait : �La mort des moines, qui �taient des fr�res et des amis de longue date, nous a meurtris encore une fois, mais a resserr� nos liens avec des milliers d�Alg�riens �pris de paix et lass�s de la violence. Leur message silencieux a retenti dans des millions de c�urs partout dans le monde. Nous restons fid�les � ce cri d�amour et de r�conciliation que le prieur (Christian de Cherg�) exprimait dans son testament spirituel o� il envisageait lucidement la mort. Je prends des pr�cautions et je suis prot�g� par les forces de s�curit�, mais Dieu reste le ma�tre de l�Heure et c�est Lui qui peut donner un sens � notre vie et � notre mort.�


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