L��conomiste �gyptien Samir Amin vient de signer une longue et excellente contribution th�orique dans l��dition �lectronique de la publication parisienne Marianne, sous le titre Le capitalisme, une parenth�se dans l�histoire. Les th�ses pr�sent�es dans cette contribution ont �t� d�velopp�es par l'auteur dans son ouvrage Sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise, r�cemment paru aux �ditions Le Temps des Cerises, � Paris. Conforme � la tradition marxiste, il estime que �le principe de l�accumulation sans fin qui d�finit le capitalisme est synonyme de croissance exponentielle, et celle-ci, comme le cancer, conduit � la mort�. A ses yeux, la crise actuelle est de nature � remettre en cause les fondements du syst�me, autorisant ainsi � �sortir non pas de la crise du capitalisme, mais du capitalisme en crise�. Il y voit l� la fin d�un cycle historique dont la parenth�se 1945- 1980 est venue contrarier le m�rissement puisque la triple victoire de la d�mocratie, du socialisme et de la lib�ration nationale des peuples avait permis, pendant cette p�riode, la substitution � au mod�le permanent de l�id�al capitaliste �, de la coexistence conflictuelle des trois mod�les sociaux r�gul�s qu�ont �t� le Welfare State de la social-d�mocratie � l�Ouest, les socialismes r�ellement existants � l�Est et les nationalismes populaires, ou populistes, et autoritaires au Sud. L�essoufflement, puis l�effondrement de ces trois mod�les, a rendu possible un retour � la domination sans partage et arrogante du capital, qualifi�e de n�o-lib�rale. Le nouveau syst�me en place a pour caract�ristiques principales : �capitalisme des oligopoles, pouvoir politique des oligarchies, mondialisation barbare, financiarisation, h�g�monie des Etats-Unis, militarisation de la gestion de la mondialisation au service des oligopoles, d�clin de la d�mocratie, pillage des ressources de la plan�te, abandon de la perspective du d�veloppement du Sud�. Le capitalisme contemporain est �d�abord et avant tout un capitalisme d�oligopoles au sens plein du terme (ce qu�il n��tait qu�en partie jusqu�ici)�. Oligopoles qui ont la particularit� d��tre �financiaris�s� dans le sens qu�eux seuls ont acc�s au march� des capitaux. �Cette financiarisation donne au march� mon�taire et financier � leur march�, celui sur lequel ils se concurrencent entre eux � le statut de march� dominant, qui fa�onne et commande � son tour les march�s du travail et d��change de produits�. Au plan social, la financiarisation mondialis�e s�exprime par une transformation de la classe bourgeoise dirigeante, devenue ploutocratie renti�re. Un niveau insultant de r�mun�ration, des dividendes cumul�es aux stocks options et autres primes de d�part, en font une l�pre sociale ind�tr�nable qui a pris dans ses tentacules toutes les sph�res g�n�ratrices de profit. Il s�en est suivi un d�clin de la d�mocratie, �produit in�vitable de cette concentration du pouvoir au b�n�fice exclusif des oligopoles�. Ces derniers gouvernent le monde contemporain, sous la forme d�oligarchies financi�res aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, de maffias russes, de statocratie en Chine. Autour de la question de l�accumulation s�articulent des rapports de domination et de d�possession entre un centre opulent et des p�riph�ries paup�ris�es et mis�rables. Ces rapports, naturellement conflictuels, sont l�axe central de l�alternative �socialisme ou barbarie�. La premi�re, le socialisme, option qui lui parait in�luctable car le capitalisme �atlantique �, artisan d�une mondialisation �victorieuse � qui profite principalement aux ploutocraties oligopolistiques, est incapable de s�imposer d�une mani�re durable : �Le capitalisme historique est tout ce qu�on veut sauf durable. Il n�est qu�une parenth�se br�ve dans l�histoire. Sa remise en cause fondamentale � que nos penseurs contemporains, dans leur grande majorit�, n�imaginent ni �possible� ni m�me �souhaitable� � est pourtant la condition incontournable de l��mancipation des travailleurs et des peuples domin�s (ceux des p�riph�ries, 80 % de l�humanit�). Et les deux dimensions du d�fi sont indissociables.� Le sens et la direction que prend ici l�histoire renouent avec une certaine tradition ou conviction �chinoise� que Samir Amin a toujours fait sienne : �L'accumulation par d�possession se poursuit sous nos yeux dans le capitalisme tardif des oligopoles contemporains (�) Dans cet esprit, je place la �nouvelle question agraire� au c�ur du d�fi pour le XXIe si�cle. La d�possession des paysanneries (d�Asie, d�Afrique et d�Am�rique latine) constitue la forme majeure contemporaine de la tendance � la paup�risation (au sens que Marx donne � cette �loi�) associ�e � l�accumulation. Sa mise en �uvre est indissociable des strat�gies de captation de la rente imp�rialiste par les oligopoles, avec ou sans agrocarburants. J'en d�duis que le d�veloppement des luttes sur ce terrain, les r�ponses qui seront donn�es � travers elles � l�avenir des soci�t�s paysannes du Sud (presque la moiti� de l�humanit�) commanderont largement la capacit� ou non des travailleurs et des peuples � produire des avanc�es sur la route de la construction d'une civilisation authentique, lib�r�e de la domination du capital, pour laquelle je ne vois pas d'autre nom que celui du socialisme �. Sa conviction est que la poursuite de la strat�gie d'expansion du capitalisme tardif des oligopoles se heurtera n�cessairement � la r�sistance grandissante des nations du Sud. Dans l�appr�ciation de la situation actuelle, Samir Amin invite � revenir sur la premi�re longue crise du capitalisme, qui a fa�onn� le XXe si�cle, tant le parall�le entre les �tapes de son d�veloppement avec celui de la crise dite des subprimes lui parait saisissant, avec n�anmoins d�autres perspectives : �Et tout comme la premi�re mondialisation financiaris�e avait donn� 1929, la seconde a produit 2008. Nous sommes parvenus aujourd�hui � ce moment crucial qui annonce la probabilit� d�une nouvelle vague de �guerres et r�volutions�. D�autant que les pouvoirs en place n�envisagent rien d�autre que la restauration du syst�me tel qu�il �tait avant son effondrement financier.� C�est pourquoi, le d�sastre lib�ral impose un renouveau de la critique radicale du capitalisme : �Le d�fi est celui auquel est confront�e la construction/reconstruction permanente de l�internationalisme des travailleurs et des peuples, face au cosmopolitisme du capital oligarchique. La construction de cet internationalisme ne peut �tre envisag�e que par le succ�s d'avanc�es r�volutionnaires nouvelles (comme celles amorc�es en Am�rique latine et au N�pal) ouvrant la perspective d'un d�passement du capitalisme.� En tirant les enseignements les plus pertinents de l�histoire contemporaine, il arrive � cette conclusion : �La premi�re vague de luttes pour le socialisme, celle du XXe si�cle, a d�montr� les limites des social-d�mocraties europ�ennes, des communismes de la troisi�me internationale et des nationalismes populaires de l'�re de Bandoung, l'essoufflement puis l'effondrement de leurs ambitions socialistes. La seconde vague, celle du XXIe si�cle, doit en tirer les le�ons. En particulier associer la socialisation de la gestion �conomique et l'approfondissement de la d�mocratisation de la soci�t�. Il n'y aura pas de socialisme sans d�mocratie, mais �galement aucune avanc�e d�mocratique hors de la perspective socialiste.� A. B. (*) Samir Amin - Tribune / Marianne, Samedi 25 juillet 2009.