L�histoire sera toujours � �crire. C'est ce que semble nous dire Mohamed Rebah � travers son livre Des Chemins et des Hommes, paru aux �ditions Mille-Feuilles. Le livre l�ve le voile sur un pan de l'histoire du Mouvement national et de la guerre de Lib�ration nationale, loin des versions officielles qui veulent que le peuple uni se souleva subitement, comme un seul homme, un certain 1er novembre 1954, pour mettre les colons fran�ais dehors au bout de sept ans de guerre. Non, les choses �taient un peu plus compliqu�es et complexes, comme toutes les histoires sociales. En effet, l'auteur Mohamed Rebah, connu pour ses contributions � l'histoire dans Alger R�publicain, donne la parole aux acteurs de la R�volution pour apporter leur t�moignage, pour dire tous leurs espoirs, mais aussi leurs d�ceptions. En voulant retracer le parcours de son fr�re Nour Eddine, mort au champ d'honneur, Mohamed Rebah croise l'histoire de Mustapha Sa�doun. Mais il croise �galement l'histoire d'autres militants communistes et nationalistes. Henri Maillot, Pierre Ghenassia, Taleb Abderrahmane, Maurice Audin, Odet Voirin, Raymonde Peschard dite Taous, Fernand Iveton� On y retrouve plusieurs Alg�riens d'origine europ�enne ou juive profond�ment engag�s pour une Alg�rie libre, ind�pendante et surtout sociale. Le lecteur se retrouve ainsi plong� dans le contexte sociopolitique et les p�rip�ties de la lutte dans les ann�es 1950 : les campagnes contre la mobilisation des paysans pour la guerre d'Indochine, les luttes sociales pour l'am�lioration des conditions de vie des travailleurs et des paysans et pour une v�ritable �galit� dans les droits. On aura compris aussi qu'il est souvent difficile pour les vieilles gardes � la t�te des directions politiques d'appr�hender les nouveaux cours de l'histoire. Il leur �tait difficile d'envisager la n�cessit� de la lutte arm�e, contrairement aux militants de base qui commen�aient � s'impatienter. Comme le souligne � juste titre Mohamed Akkache, dans sa lettre-pr�face, �ils ont compris que les plus hauts dirigeants, les za�ms, les leaders ne sont que des �tres humains qui peuvent se tromper, avoir des faiblesses, parfois m�me faire passer leur int�r�t personnel avant les int�r�ts collectifs qu'ils sont cens�s d�fendre�. L'auteur nous raconte aussi l'histoire des CDL, les fameux Combattants de la lib�ration, lanc�s par le PCA. Apr�s l'accord pass� entre le PCA et le FLN en 1956, les CDL sont dissous et somm�s de rejoindre les rangs de l'ALN. Ce qui renforcera �norm�ment les maquis en encadrement politique et en moyens logistiques. L'auteur nous relate l'�pisode du d�tournement, le 4 avril 1956, des armes au profit du FLN par des membres du r�seau CDL de la Mitidja. �Une v�ritable cha�ne humaine� qui fit preuve d'une extraordinaire ing�niosit� pour d�jouer l'ennemi aux abois.� On y retrouve particuli�rement Henri Maillot, Odet Voirin, Nour Eddine Rebah, Denise Duvalet, Hamid Allouache� L'auteur revient �galement sur les pressions de toutes sortes subies par les militants communistes et les intellectuels dans les maquis. �A l'�poque des faits, la presse coloniale, nourrie par le Cinqui�me bureau, multipliait les articles sur la participation des communistes � la lutte arm�e dans le but �vident d'exag�rer leur influence au sein de l'ALN et d'inscrire la lutte pour l'ind�pendance dans le contexte de la guerre froide entre l'Est et l'Ouest.� Victimes de cette campagne d'intox et de leur manque de formation politique, des chefs militaires ont fait de l'anticommunisme leur credo et du marxisme un d�lit. Les coupables �taient �gorg�s. Nour Eddine Rebah sortit miraculeusement de �l'�preuve abjecte de la fosse�. Il avait la lame sur la gorge et allait y passer n'�tait l'intervention in extremis de Omar Oussedik. S'ouvre alors une longue p�riode de �transit� pour les militants communistes. Victimes des pr�jug�s, Mustapha Sa�doun et Nour Eddine Rebah se retrouvent rejet�s d'une katiba � l�autre et d'une wilaya � l'autre. Aucun chef militaire n'en voulait. Nour Eddine Rebah tombera au champ d'honneur le vendredi 13 septembre 1957. Si Mustapha Sa�doun est sorti indemne de la guerre de Lib�ration, il va lui falloir survivre encore � l'�preuve de l'apr�s-guerre. Des chefs militaires z�l�s ordonn�rent son arrestation comme tant d'autres anciens militants du PCA. Il sera enferm� jusqu'au 8 ao�t 1962. Apr�s une courte entrevue, �Ahmed Ben Bella que je n'avais pas revu depuis la prison de Blida ordonne au lieutenant Hamid Allouache que je sois sur-le-champ expuls� en France�, t�moigne Mustapha Sa�doun. Mohamed Rebah a pris le soin d'agr�menter son livre Des chemins et des hommes d'illustrations et de courtes biographies de quelques figures du mouvement national : Pierre Ghenassia, Abdelkader Choukhal, Raymonde Peschard, Odet Voirin, Makhlouf et Ali Longo, Abderrahmane Taleb et Maurice Audin.