L�Alg�rie accuse des retards �normes dans le domaine de la transplantation d�organes, de tissus et de cellules. Aujourd�hui, le gouvernement doit se pencher s�rieusement sur la question, car la situation est d�plorable. Les malades qui ont besoin d�une greffe h�patique sont victimes de l�anarchie qui s�vit dans nos h�pitaux. Beaucoup d�c�dent, faute d�une prise en charge imm�diate. 13 000 patients en sont otages. Sans engagement politique, rien ne pourra se faire, estiment les experts. Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Lors de la tenue du colloque France- Maghreb sur la transplantation d�organes, de tissus et de cellules, au d�but de ce mois, le ministre de la Sant� et de la R�forme hospitali�re a annonc� la mise en place, dans les plus brefs d�lais, d�une agence nationale de transplantation. Parmi les missions de cette nouvelle structure, la cr�ation d�une banque de donn�es nationales, la r�gulation de cette pratique, la gestion des listes d�attente des receveurs, la r�partition des organes et l��valuation des r�sultats. Pour atteindre ces objectifs, le reste doit suivre, c'est-�-dire r�former le cadre juridique, revoir la gestion des services d�urgences m�dicales et former le personnel concern�. Un long chemin � parcourir. Les techniciens form�s fuient le pays Depuis 1991, l�Etat alg�rien a mobilis� un budget important pour la formation des sp�cialistes de la greffe. Des bourses de courte et longue dur�es, pour la greffe de rein (1991) et la greffe de moelle osseuse (1993), ont �t� octroy�es dans le cadre de la coop�ration alg�ro-fran�aise. Une politique qui n�a vraisemblablement pas abouti. �Une fois partis, les boursiers refusaient de rentrer au pays�, affirme le docteur Radia Kra�ba, immunologue au service de cytologie du Centre Pierre et Marie Curie d�Alger. La situation �conomique et sociale du pays n�a gu�re encourag� la r�int�gration de ces techniciens nationaux qui, quelques ann�es plus tard, sont devenus d��minents experts. Actuellement, beaucoup d�entre eux exercent en Europe (quatre sont venus, � ce colloque, animer des conf�rences). Suspendu pendant dix ans pour de multiples raisons, le programme de formation reprend en 2003 avec, cette fois-ci, des bourses de courte dur�e (2 mois) et qui ne concernent que la greffe h�patique. Les r�sultats escompt�s, souligne le docteur Kra�ba, sont peu satisfaisants : un centre de greffe h�patique, un centre de greffe de moelle osseuse et sept autres de greffe r�nale ont �t� r�alis�s. De plus, seule la greffe de la corn�e se pratique dans toutes les wilayas, les autres formes de transplantation �tant sous-repr�sent�es dans le Sud, l�Est et l�Ouest. �Une situation qui n�est plus g�rable�, dit-elle. Z�ro formation universitaire A ce jour, aucune formation universitaire n�est dispens�e pour pr�parer m�decins et enseignants � cette sp�cialit�. �Il est imp�ratif de mettre en place un enseignement int�gr� au cursus des �tudiants�, affirme le Dr Kra�ba. En 2007, les membres du Comit� p�dagogique de la Facult� de M�decine d�Alger ont �labor� un programme optionnel enseign�, sur 30 heures, le m�me programme dispens� dans les universit�s fran�aises de Cr�teil et Strasbourg. Cet enseignement aborde l�histoire de l��pid�miologie de la transplantation, l�organisation de l�activit� de transplantation, les aspects m�dico-l�gaux et �thiques et les aspects pharmacologiques et fondamentaux. Il pourrait devenir le dernier module du dernier semestre d�externat. Le Comit� p�dagogique a �galement propos� des enseignements compl�mentaires pour des docteurs en m�decine ou en pharmacie. �On attend ! Aucune r�ponse n�a �t� donn�e � ce sujet. C�est vrai que l�on ne s�est pas vraiment battu pour ce projet !�, indique le Dr Kra�ba pour justifier le silence du minist�re de l�Enseignement sup�rieur et de la Recherche scientifique. Compar�e � la Tunisie et au Maroc, l�Alg�rie est � la tra�ne. Dans ces pays, une formation universitaire existe d�j�. Une situation qui fait que nos structures sanitaires prodiguent des soins multidisciplinaires, pr�cise le Dr Kra�ba. �Pas de formation sup�rieure dans le domaine, pas de recherche, pas de concertation entre les diff�rents sp�cialistes, les collaborations avec l�ext�rieur vont souvent vers le Maghreb ou la France. Nous n��valuons pas notre syst�me. Nous devons nous remettre en cause et avoir un esprit ouvert � la critique. Esp�rons que dans le cadre de l�agence, nous pourrons travailler�, souligne- t-elle. Des difficult�s qui se posent � tous les niveaux et qui cherchent solution. Avancer n�est gu�re facile. Le r�le des laboratoires dans le pr�l�vement Selon le professeur Zerhouni, malgr� les progr�s accomplis par la biologie dans le domaine de la greffe, les contraintes technologiques et organisationnelles persistent en Alg�rie. �De nombreux efforts sont encore n�cessaires pour am�liorer la prise en charge du greff� et garantir le succ�s de la transplantation � long terme�, dit-il, expliquant que les laboratoires doivent �tre int�gr�s � la politique de sant� publique, pour pouvoir profiter d�un plateau technique �o� la multiplicit� des analyses pourra �tre trait�e dans le cadre d�une centralisation des comp�tences�. Ceci permettra, affirme le professeur, de renforcer une biologie praticienne doubl�e d�une biologie d�urgence, et deux sp�cialit�s se m�langeront dans la cha�ne m�dicale. �N�oublions pas que chaque personne greff�e est astreinte � un suivi m�dical � vie�, souligne-t-il. En quelques chiffres Entre 2007 et 2009, 305 greffes de rein, 7 greffes de foie, 1 420 de la corn�e et 422 greffes de moelle osseuse ont �t� effectu�es en Alg�rie, ce qui repr�sente 1 %, seulement, des 13 000 cas d'insuffisants r�naux, en �tat d'insuffisance chronique terminale dialys�e. 80 % de ces patients sont �g�s entre 16 et 50 ans. Le nombre de malades n�cessitant une greffe de la corn�e s��l�ve � 1 500 cas/an. L'importation ne r�sout pas ce probl�me. Le professeur Louisa Chachoua, chef de service ophtalmologie au CHU Nafissa-Hamoud d�Alger (ex-Parnet), estime que le nombre de greffes a enregistr� une hausse en 2007, pour baisser deux ans plus tard. �Les interventions demeurent en de�� des r�sultats esp�r�s�, indique-t- elle, ajoutant que �de nombreuses lacunes demeurent�. Et d�expliquer : �Les 305 greffes de rein ont toutes �t� r�alis�es � partir de donneurs vivants apparent�s. Le d�veloppement de ce type de greffe a, certes, permis l�augmentation du nombre de greffes et sa g�n�ralisation au niveau des grands centres hospitaliers, mais cela ne peut r�pondre � tous les besoins.� Le professeur soutient que le d�veloppement de la transplantation d�organes et de tissus en Alg�rie passe obligatoirement par la promotion du don, l�am�lioration des conditions de travail des �quipes de pr�l�vement et de greffe et la mise en place d�un centre national sp�cialis�. Pour le professeur Graba, chef de service chirurgie g�n�rale au Centre Pierre et Marie Curie, la famille sacralise le d�funt et refuse souvent un quelconque pr�l�vement, m�me si celui-ci peut sauver une autre vie ! �Aussi, l��tat de nos structures hospitali�res n�incite pas � faire des dons. H�pitaux et services d�urgence doivent �tre �quip�s et organis�s�, pr�conise- t-il, insistant sur le fait que la transplantation d�organes n�cessite une organisation infaillible et une logistique importante. �Il y a �galement la loi qu�il faudrait revoir. Elle limite nos interventions !�, avertit-il. Pour le professeur Graba, il faudrait �largir le cercle familial des donneurs et permettre le pr�l�vement � partir de cadavres. Pour cela, il est imp�ratif de promouvoir le don � partir de donneurs vivants et de donneurs en �tat de mort enc�phalique (c�r�brale) et amender les textes en faveur du consentement pr�sum�, ce qui permettra d��viter � la famille une prise de d�cision difficile, dans un contexte dramatique. L�Afrique, le dernier continent L�Afrique du Sud, l�Alg�rie et le Kenya sont les leaders africains en mati�re de greffe d�organes. En Afrique, le taux de greffe d'organes ne d�passe pas 0,6 par million d'habitants, un taux tr�s r�duit compar� � ce qui se fait ailleurs. Le taux de donneurs d'organes vivants en Afrique ne repr�sente que 0,03 par million d'habitant. L'absence d�un cadre l�gal et de m�canismes de r�gulation, la p�nurie de ressources humaines et de structures sanitaires sp�cialis�es et la pr�valence des maladies transmissibles figurent parmi les premi�res causes de ce retard, explique le Dr Jean Bosco Ndihokubwayo, repr�sentant du Bureau r�gional de l'Organisation mondiale de la sant� en Afrique. L�exemple de la Tunisie Au Maghreb, la Tunisie est leader. Elle dispose d�un centre national charg� de la transplantation et m�me d�une �quipe nationale des transplant�s qui prend part � des comp�titions internationales. �a bouge vraiment ! Une enqu�te nationale men�e r�cemment montre que 8 Tunisiens sur 10 se disent favorables � une greffe d�organe. Mais d�s qu�il s�agit de faire un don, ils ne sont plus que 5 sur 10 � y �tre favorables. Mme Ferjani assure que les raisons de ce refus s�expliquent par le fait que plus de 50 % des sond�s ignorent tout du pr�l�vement d�organes. L�enqu�te r�v�le que le refus pour motif religieux n�intervient que dans 4 % des cas. �Il faut multiplier les campagnes de sensibilisation et de vulgarisation, ces interventions ne doivent pas rester carr�es et classiques, nous devons innover. Les publicit�s officielles n�ont eu aucun �cho, les Tunisiens zappaient chaque fois qu�elles passaient � la t�l� !� L�intervenante a indiqu� qu�un concours de courts m�trages a �t� organis� r�cemment, qui a vu la participations de nombreux jeunes Tunisiens, avec 10 courts m�trages pour une cause. Le th�me a �t� la transplantation d�organes. �Une soixantaine de participants ! Nous �tions �tonn�s ! Des stars nationales ont interpr�t� des r�les gratuitement. Le travail a m�me �t� sponsoris�. Plus que ce que l��quipe esp�rait. Il suffit de travailler pour que �a marche !�, conclura- t-elle. I. B. Manque flagrant de communication Les sp�cialistes que nous avons essay� de contacter ont refus� de parler. Sans le dire ouvertement, ils ont juste eu la d�licatesse de nous orienter vers d�autres sources d�information, mais qui, elles aussi, se sont montr�es r�ticentes � toute d�claration. Se trimballer d�un service � un autre, aller d�un responsable � un autre, sans aucune information, �tre re�u parfois avec m�pris, est regrettable. Pourtant, lors du 4e colloque France-Maghreb sur la transplantation, qui s�est tenu � Alger, tous avaient �t� unanimes � �voquer l�importance des m�dias dans la sensibilisation et la vulgarisation. Il faut dire qu�il est plus facile de contacter des experts �trangers que nos chefs de service alg�riens ! Une attitude qui laisse perplexe ! Comment peut-on �jecter les m�dias, au lieu d�en faire des partenaires, des alli�s ! Nos responsables ont du retard � rattraper, surtout en mati�re de communication !