Une crise de plus entre Paris et Alger ? Aux r�criminations de l�une des capitales, l�autre riposte in�vitablement par la stigmatisation. A travers cette inlassable partie de poker menteur, il semble, de nos jours, que les enjeux soient moins li�s aux questions m�morielles qu�� des consid�rations de politique interne. En effet, pour faire bonne figure aupr�s de leur opinion, les dirigeants des deux Etats exhibent, toutes les fois o� c�est utile, le joker de la douloureuse histoire commune afin de ne pas r�pondre sur d�autres sujets et, en m�me temps, caresser dans le sens du poil une partie de la client�le politique. Une diversion cyclique et presque concert�e mais toujours contre-productive pour l��mergence d�un partenariat apais�. Ainsi, la question coloniale avec son insoutenable double-fond jonch� de crimes collectifs, de d�crets inf�mants et esclavagistes, est devenue l�exercice favori des t�nors de la politique d�ici et de l�-bas. �Erreur au-del� (de la M�diterran�e), v�rit� en de��. Selon la rive d�o� l�on s�exprime, le pass� est non seulement revisit� diff�remment, mais, de surcro�t, il est la pomme de discorde id�ale. Cette r�currence du malentendu est, cette fois, illustr�e par la pol�mique orchestr�e � partir du Parlement fran�ais au pr�texte que le vis-�-vis alg�rien, c�est-�-dire l�APN, vient de faire preuve d�inimiti� en initiant un projet de loi visant � criminaliser la colonisation. Voil� une indignation tout � fait d�plac�e et inopportune dans la mesure o� elle se caract�rise par l�ing�rence dans les actes l�gislatifs d�un Parlement �tranger et pis, parce qu�il existe un pr�c�dent imputable justement aux locataires de ce palais Bourbon ! Car comment pourraient-ils, ces quelques d�put�s fran�ais, qualifier d�impair ce � quoi ils s��taient eux-m�mes exerc�s cinq ann�es auparavant ? Avaient-ils oubli� que le 23 f�vrier 2005 �tait vot� dans leur h�micycle une loi glorifiant �l��uvre� coloniale ? D�s l�instant o� les politiques confisquent l�histoire majuscule, ne doivent-ils pas �tre cons�quents avec leur intrusion en admettant qu�elle puisse s�interpr�ter diff�remment par chacun, selon le camp qui est le sien ? C��tait � l��vidence un ridicule proc�s intent� aux parlementaires alg�riens alors que l�acte l�gislatif du 23 f�vrier 2005 fait en, quelque sorte, jurisprudence. Car enfin cette France des parlementaires, grande donneuse de le�ons en 2010, a-t-elle �t� ou pas indigne au temps des colonies ? C�est sur cette question cardinale que bute � ce jour la m�moire historique de cette nation. Le refus de prendre de la hauteur avec le pass� contribue � oblit�rer les voies possibles vers la r�conciliation un demi-si�cle apr�s. En l�an 2000, l�on pensait qu�avec les aveux cyniques du boucher Aussaresses, cette France officielle allait, enfin, solder son lourd fardeau en reconnaissant sa responsabilit� et, dans le m�me temps, acc�der � l�estime de ses anciennes victimes. Il n�en fut rien malgr� les concessions d�ici. L�on c�da, d�abord, sur l�id�e de repentance puis l�on estima que m�me des excuses pourraient encore affecter l�amour-propre de cette nation. Bref, l�on �vacua la moindre symbolique, significative en ce sens. De ce moment-l�, l�Alg�rie officielle a cess� d�avoir des ambitions pour l�histoire de la nation. Le pr�sent, avec ce qu�il implique de convergences profitables en termes de lobbying politique pour le compte du r�gime, lui semblait plus actuel et surtout r�mun�rateur quand il s�agit de trouver des soutiens ext�rieurs. Ici, chez nous, le sujet fut par cons�quent toujours tributaire des al�as de nos relations. Jamais il ne constitua une constante, encore moins la r�f�rence premi�re, dans toute approche avec l�ex-puissance coloniale. Ceci est encore v�rifiable au pr�sent. L�Alg�rie, � ce jour, n�a jamais sollicit� ou saisi officiellement une quelconque instance internationale qualifi�e afin qu�elle instruise le proc�s de la colonisation. Tout au plus, l�holocauste alg�rien a-t-il �t� exploit� comme une riposte politique toutes les fois o� la France s��tait autoris�e � donner son avis sur les �v�nements de notre pays. Cela est d�autant plus d�solant que par une sorte d�oubli ou d�incomp�tence, l�on ne sut pas pr�server et restaurer les lieux de l�horreur comme des Panth�ons de la m�moire. Nos Treblinka, Auschwitz et Birkenau ont exist� et ont pour noms Villa Sesini, Le centre Am�ziane ou encore les camps de Bossuet et d�El Djorf. Tous t�moignent physiquement de la torture, de la corv�e de bois, des crimes sans proc�s et des liquidations collectives. Or, pas un de ces lieux-dits du souvenir n�a surv�cu � l�amn�sie officielle. Une disparition des traces du malheur d�une nation vite r�cup�r� comme alibi par le pr�dateur d�hier. 50 ann�es plus tard, l�on est encore l� � ratiociner sur une page noire. Aussi bien Parisqu�Alger n�ont plus le droit moral d�instrumentaliser une histoire commune. Au lieu de s�en inspirer, avec une dignit� partag�e afin qu�aucun ne se sente humili� � sa re-lecture, ils pr�f�rent les �changes d�anath�mes. Ce qui est la marque de l�irresponsabilit� historique et la preuve que dans tout homme de pouvoir sommeille un faussaire de l�avenir. Dans une de ses fulgurances quasi proph�tiques, notre �crivain national, Kateb Yacine, abordait cet aspect un demi-si�cle auparavant. Il �crivit ceci dans le journal T�moignage chr�tienen 1960. - �C�est un dilemme universel qui se refl�te en Alg�rie, (�). Toute guerre �tant fratricide, celle d�Alg�rie l�est encore plus si l�on consid�re les liens qui nous unissent depuis si longtemps. Or, nous n�en voulons nullement au peuple de France. Il doit savoir, � pr�sent, ce qui se trame � l�ombre de son drapeau. Lorsqu�il aura enfin rompu avec ceux qui le trompent et vivent de son sang, il retrouvera, en nous, de vrais amis apr�s ce long conflit o� nous prenons conscience, les un et les autres, de ce qui nous attend, si nous tardons � nous comprendre (�). Le plus stupide serait de sacrifier notre avenir � ce pass�. Pour effacer jusqu�au souvenir de ces massacres, il nous faudra beaucoup de temps (�). Nous avons tous grandi sur une poudri�re. Et si nous sommes si maladroits � faire la paix, c�est que nous ne l�avons jamais connue. Tous les hommes en sont l�.� Magistrale le�on de sagesse destin�e � ces deux nations afin que cesse l�esbroufe politicarde.