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POINT DE VUE
� PROPOS DE LA CARAVANE CAMUS Une inqui�tante c�l�bration Par Abdellali Merdaci*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 03 - 2010

La pol�mique actuelle autour de la p�tition contre la Caravane Camus (�Alerte aux consciences anticoloniales�) reste fondamentalement injuste envers ses auteurs et leurs attentes. Il y a certainement dans cette discussion publique � et m�diatique - beaucoup d'ambigu�t�s, malheureusement entretenues par les d�fenseurs de cette Caravane. Il est n�cessaire de dire la dimension strictement alg�rienne de l'initiative pour qu'en soient lisibles les cons�quences culturelles et politiques.
La Caravane Camus est d'un point de vue institutionnel une initiative alg�rienne parrain�e par le Centre culturel alg�rien de Paris, et son directeur, le romancier Yasmina Khadra, repr�sentant de l'Etat alg�rien. Elle r�sulte, selon ses d�clarations au quotidien L'Expression (jeudi 4 mars 2010), d'une convention entre le CCA et une personne physique fran�aise qui en a eu l'id�e et l'a vendue au directeur du CCA. Il est maintenant �tabli que cette comm�moration du cinquantenaire de la disparition d'un auteur fran�ais � originaire d'Alg�rie � est financ�e par l'Etat alg�rien. C'est pr�cis�ment cette perspective qui m'interpelle et me choque. Cette affaire n'est pas celle de censeurs, de satrapes ou de Gardiens du Temple. Je ne me d�termine ni par rapport aux �chos lointains de la loi fran�aise de 2005, louant les bienfaits du colonialisme, ni par rapport au r�cent projet parlementaire alg�rien de criminalisation du colonialisme soumis au gouvernement. Tout en rejoignant les auteurs de la p�tition sur un attendu essentiel, celui du caract�re inappropri� de la d�marche du directeur du Centre culturel alg�rien de Paris, je voudrais dire en quoi je trouve d�testable cette Caravane Camus pour l'Alg�rie, pour les Alg�riens, pour leur unit� nationale et pour leur culture. Ce retour patiemment orchestr� d'Albert Camus dans le giron alg�rien � tellement forc� et opini�tre pour �tre n�faste et d�plaisant � a une histoire peu glorieuse, des lieux r�v�r�s et des officiants attitr�s. Depuis une dizaine d'ann�es un lobby camusien s'agite � l'int�rieur de l'universit� alg�rienne, faisant valoir comme unique et indiscutable objet l'alg�rianit� de cet auteur. A-t-on communi� dans des colloques qui s'enferraient dans la liturgie et dans des apr�s-midi r�cr�atives � Tipasa, au pied des ruines romaines, dans des c�r�monies quasi votives, tambourinant la sainte v�rit� ? La Caravane Camus de M. Yasmina Khadra prolonge- t-elle ces messes tragiques et l'exc�s de z�lotes, rameut�s par les fum�es �paisses de l'encens ? Dans les d�bats qu'elle suscite dans l'intelligentsia alg�rienne, l'h�ritage de l'auteur de La Peste peut-il �tre all�gu� � une nation autre, la nation alg�rienne ind�pendante, loin des principes politiques qui ont guid� sa r�flexion et son action ? Faut-il davantage craindre dans ce capharna�m dont bruit Alger les nouveaux convertis qui revendiquent bruyamment le legs de Camus, rehauss� par un foudroyant �quipage conduit par M. Yasmina, que leurs devanciers d�sabus�s qui en polissaient la statue dans les trav�es d�sertes de l'Universit� ? Ce d�bat outr� ne peut appeler que des r�ponses radicales. Je ne peux me reconna�tre dans l'Alg�rie que d�fendait Camus, avant son fameux appel � la tr�ve de 1956 et jusqu'� ses d�clarations au lendemain du prix Nobel de litt�rature. Au-del� des �uvres, Camus est tout entier dans ses positions publiques. Pouvait-il s'�mouvoir � sinc�rement ? � dans les colonnes d' Alger R�publicain sur les mis�res de la Kabylie et en obtenir une sorte de manifeste de conscience libre dans la soci�t� coloniale d'alors ? En v�rit�, l'Alg�rie, h�doniste et solaire, qu'aimait et glorifiait Camus, cette Alg�rie des corps nus au soleil, n'�tait pas celle de populations autochtones d�poss�d�es de leur histoire, de leur identit� et de leur nom. Ces populations autochtones soumises n'�taient dans l'Alg�rie fran�aise de Camus ni fran�aises ni alg�riennes, comme ont pu en t�moigner publicistes et chercheurs de l'�poque (Cf. Jean Pomier : Un Alg�rien, un mot qui cherche son sens, Afrique, n� 242, octnov. 1951 ; Aim�e Dupuy : Remarques sur le sens et l'�volution du mot indig�ne, L'Information historique, n�3, 1961 ; Andr� Lanly : Le Fran�ais d'Afrique du Nord, Paris, Bordas, 1970). Et c'est jusqu'au qualificatif indig�ne � souvent d�risoire � que Camus leur disputait dans une conf�rence prononc�e � l'occasion de l'inauguration du Centre culturel d'Alger, en 1937, proposant uniment de l'attribuer aux seuls Europ�ens d'Alg�rie par opposition aux Fran�ais m�tropolitains (Cf. La culture indig�ne, nouvelle culture m�diterran�enne, conf�rence reprise dans Essais, Paris, Gallimard, coll. La Pl�iade, 1965). Berb�re ou Arabe, le colonis� �tait r�duit, dans ses �crits et dans ceux de nombreux auteurs coloniaux, � la troublante et symptomatique appellation g�n�rique d'Arabe et de sa transcription espagnole arabico, corrompue en bicot. Le doute de Camus n'�tait si fort et si d�termin� que devant cette aspiration � jamais comprise - de l'�Arabe�, celui de L'Etranger, � se projeter dans la libert� et dans ses valeurs humaines. J'entends parfaitement que bon nombre d'intervenants dans cette pol�mique autour de la Caravane Camus cherchent � amender l'�crivain de son pass� colonial. Mais qu'est donc Camus, dans l'Alg�rie des ann�es 1930-1940, sinon un �crivain issu du peuplement europ�en de la colonie, participant pleinement aux enjeux et comp�titions de sa litt�rature ? Pourquoi cette qualification d'�crivain colonial serait-elle plus s�ante pour un Louis Bertrand ou un Robert Randau, que pour Camus et le groupe de l'Ecole d'Alger ? L'intelligibilit� du parcours d'�crivain de Camus, des ann�es 1930 aux ann�es 1940, est sans fioriture. R�v�l�, vers la fin des ann�es 1930, par l'�diteur Edmond Charlot (qui dans sa longue carri�re coloniale puis parisienne se sera d�tourn� de la litt�rature des Indig�nes), Camus, dans sa jeunesse alg�rienne, voulait faire pi�ce � un alg�rianisme litt�raire en d�clin, perdant ses principales cautions. Mais comme les tenants de l'alg�rianisme, Camus et l'Ecole d'Alger �ludent, en ces ann�es cruciales de l'entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale, la question politique centrale de la l�gitimit� de la colonie fran�aise en Alg�rie et de l'avenir de sa population indig�ne domin�e. L'Ecole d'Alger � mouvement litt�raire sans doctrine � ach�ve sa br�ve course dans l'�chec et le d�sappointement : ses principaux animateurs s'orientent, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, vers des carri�res germanopratines, il est vrai, plus gratifiantes. Pr�mices d'une d�faite de la pens�e litt�raire coloniale, annon�ant la d�route politique ? Camus, Emmanuel Robl�s, Jules Roy, Jean P�l�gri, Jean Daniel et bien d'autres auront le souci de s'inscrire dans le champ litt�raire fran�ais, abandonnant la tunique coloniale saupoudr�e d'infamies. Sans doute, avec des motivations diff�rentes. Ils restent les derniers �crivains fran�ais d'Alg�rie, confront�s au r�el colonial, au c�ur d'une crise multidimensionnelle (�conomique, politique et culturelle) qui ne tardait plus � en emporter le syst�me inique, b�ti sur l'in�galit� raciale, qui a dur� 132 ann�es. En Alg�rie, Camus parlait d'une histoire qui n'�tait pas la n�tre, une histoire dont nous �tions exclus ; il en parlait � partir d'espaces qui nous �taient refus�s. Qu'est-ce qui peut sauver l'�crivain et ses id�es pour qu'en soit revisit�e la morale sudiste, aux frais d'un Etat alg�rien qui a ch�rement pay� son ind�pendance ? Nous serinera- t-on � l'envi qu'il fut attentionn� envers les Kabyles, humaniste faussement repentant, convoquant les statistiques imparables d'une mis�re �carlate dans l'univers colonial, comme le furent en leur temps, peut-�tre aussi avec de semblables inclinations, Bertrand et Randau, saluant la dignit� pouilleuse des portefaix arabes des quais de l'Amiraut�, � Alger, ou des rouliers nomades du Grand Sud ? Se pr�tera-t-il � l'exercice � assez �troit � de d�fense de la figure de l'Indig�ne, sur la m�me ligne qui fut celle de Randau, dissertant avec son ami Abdelkader Fikri (Hadj Hamou) et interrogeant cheikh El-Oqbi, ce pr�cieux affid� de la colonisation (Cf. Les Compagnons du jardin, Partis, Domat- Monchrestien, 1933) ? Ce seront justement Tayeb El- Oqbi et Abb�s Turqui, hommes de religion et d'associations, stipendi�s � l'ordre colonial et � ses discriminations. Camus se taira r�solument devant les exigences neuves que soulignait la mont�e du mouvement national et de son projet d'ind�pendance. Camus, donc, si lointain, retranch� dans ses esp�rances coloniales, �levant sur le pavois sa m�re, foulant les promesses de la justice ! En attisions-nous le mythe ? Contrairement � ce que pense le ma�tre d'�uvre de la controvers�e �Caravane�, celle-ci et son �trange porte-enseigne ne rompront ni la monotonie ni la m�diocrit� pr�sum�es du paysage culturel alg�rien. Qui ne se d�sole, en l'occasion, que de la pose, tristement affect�e devant nos d�routes culturelles claironn�es, d'un commis de l'Etat infatu�. Il ne restera cependant de cette arrogance de parvenu que de pieux mensonges. Qui a contest� le talent d'�crivain de Camus ou celui plus authentique de Bertrand et de Randau et l'universalit� de leurs �crits ? Qui a parl� de censurer les livres de Camus ou des auteurs coloniaux d'Alg�rie, remarquablement �tudi�s par des universitaires alg�riens, et d'en interdire la diffusion et la lecture en Alg�rie ? Dans ce d�bat, il ne peut �tre question que des id�es � seulement des id�es � de Camus, de l'homme qui sortait des livres pour aller vers les foules. Comment ne pas marquer notre r�vulsion devant l'inqui�tante c�l�bration, en Alg�rie et par l'Alg�rie, d'un itin�raire qui ne fut jamais accord� qu'� la seule illusion coloniale ? Camus a assez t�t choisi son Alg�rie. Celle qui mourait, encha�n�e, aux pieds du colonialisme. Cette Alg�rie n'est pas celle de nos s�urs et fr�res Danielle Amrane-Minne, Myriam Ben, Jacques Chevallier, Mgr L�on- Etienne Duval, Frantz Fanon, Anna Greki, Henri Kr�a, Serge Michel, Roland Rha�s, Jean S�nac, Annie Steiner, Daniel Timsit, qui ont port� dans la douleur notre terre commune meurtrie. Avec leurs mots qui sont aujourd'hui nos mots, ils ont �crit la plus belle �motion des Alg�riens en lutte : ce grand r�ve de partage et de libert�. Camus ne sera jamais re�u dans cette famille d'�crivains qui a �clair� le chemin d'incertitudes et de tourments inconsol�s de notre nuit coloniale. Ecrivain colonial, il est aussi �loign� de
nous que peuvent l'�tre Bertrand et Randau. Comme eux, il appartient � la France et � son histoire coloniale. Une histoire de larmes et de sang dont notre m�moire restera longtemps encore inapais�e.
A. M.
* Ecrivain-universitaire. Docteur en linguistique. Professeur habilit� de litt�ratures francophones et compar�es. Dernier ouvrage paru : Auteurs alg�riens de langue fran�aise de la p�riode coloniale, Paris, L'Harmattan, 2010.


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