La rencontre litt�raire sur la vie et l��uvre de Mouloud Feraoun, organis�e en marge de la 10e �dition du film amazigh qui se tient � Tizi-Ouzou du 15 au 20 mars en cours, met au centre de l�interrogation l�homme et son �uvre aux prises avec l�histoire. Les lectures professionnelles et universitaires et les interventions dans les d�bats ont tent� de mettre en exergue les audaces litt�raires et politiques de l��crivain qui, reconna�t-on unanimement, a fait l�objet de critiques injustifi�es et de lectures simplistes. �Si Mouloud Feraoun avait �crit en langue allemande, il aurait �t�, � coup s�r, soup�onn� d��tre nazi.� L�ch�e par un intervenant dans le d�bat, cette r�plique illustre, d�une certaine fa�on, la teneur d�une rencontre o� les effusions m�morielles ont fait chorus avec le discours litt�raire des Fanny Colonna, Denise Brahimi et autres universitaires venus des universit�s marocaine, tunisienne, alg�rienne et m�me des USA pour battre en br�che certaines id�es re�ues propag�es, �� et l�, autour de l��crivain et de son �uvre. Les interventions ont, souvent, pris l�allure d�un concert de r�futations et de mises au point apport�es � de multiples critiques qui ont cibl� l�auteur de Le fils du pauvre qui a �t� attaqu� pour son engagement �mou� et �timor� durant la guerre de Lib�ration nationale et qui a �t� pr�sent� comme le chantre de l�assimilation �alors qu�il a publi� un article o� il a combattu cette id�e�, dixit le fils de l��crivain qui est mont� plusieurs fois au cr�neau pour d�fendre l�honneur d�un p�re dont la notori�t� sociale et litt�raire, acquise en tant qu�homme de lettres et cadre de l�institution scolaire de l��poque, ne l�a pas pr�muni contre les attaques venant, � la fois, des milieux nationalistes alg�riens que des ultras europ�ens, hostiles � l�ind�pendance de l�Alg�rie. �Le minist�re des Moudjahiddine a d�livr� l�attestation de reconnaissance du statut de chahid � mon p�re�, dira Ali Feraoun qui parlera des lettres et des coups de t�l�phone anonymes �mena�ant mon p�re de mort� et venant des milieux fran�ais. Le fils de Mouloud Feraoun semble encore affect� par le traitement r�serv� � l��crivain lors d�un colloque tenu durant les ann�es 1982 � l�universit� d�Oran et durant lequel l��crivain a �t� descendu en flammes. �Un v�ritable assassinat virtuel �, t�moignera l�universitaire oranais Mohamed Bensalah. Zoubida Mameria, du minist�re de la Culture, dira son indignation face � une �critique gratuite, malveillante, et surtout excessive, qui avait vu dans la vie et l��uvre de cet �crivain on ne sait quoi de complaisant, face aux �v�nements de l��poque(la guerre de Lib�ration nationale)�, ajoutant : �Le m�rite de Feraoun est d�avoir r�v�l� � la conscience g�n�rale l�existence d�une entit� humaine compl�tement ignor�e par le reste du monde (�), il modulera son �uvre et son action sur son v�cu, sur ses �tats d��me et sur son action qu�il a pens�e juste.� La position de Feraoun durant la guerre de Lib�ration nationale a �t� abord�e par Ouerdia Yerm�che, linguiste et ma�tre de conf�rences � l�ENS d�Alger et ma�tre de recherche associ�e au CRASC d�Oran. L�universitaire s�est interrog�e si Mouloud Feraoun qui a �t� pr�sent� comme le pur produit du moule id�ologique de l��cole coloniale et de l�entreprise d�assimilation du peuple alg�rien a �t� amen� a observer une attitude de �non-position�, de non-engagement durant la guerre de Lib�ration nationale, et s�il s��tait interdit de se prononcer sur les �v�nements de l��poque, comme cela lui a �t� reproch�. Pour l�universitaire, les r�flexions et les analyses contenues dans Le journal publi� apr�s la mort de l�auteur portent, de page en page, les arguments de sa d�fense qui battent en br�che ce genre d�accusations, selon O. Yerm�che qui cite Feraoun : �A pr�sent, tous les efforts doivent �tre des efforts de lib�ration. Avant tout, se lib�rer d�un joug trop durable et trop pesant. Si durable, � mon sens, qu�il fait oublier tous les avantages qu�il a procur�s aux uns et aux autres.� Autre citation de Feraoun prise dans Le journal par l�universitaire : �Je me refuse � �tre du c�t� du manche. Je pr�f�re souffrir avec mes fr�res que de les regarder souffrir ; ce n�est pas le moment de mourir en tra�tre, puisqu�on peut mourir en victime.� Ici, Feraoun choisit d�finitivement le camp des siens, m�me si �lui, l�humaniste, le non-violent, qui, � une certaine �poque, r�prouvait le recours � la violence du FLN, l�gitime maintenant l�usage in�vitable de la violence du fait �que tout autre voie est bouch�e �, fera remarquer la conf�renci�re. Intervenant sur un autre registre, Malika Fatima Boukhellou a fait une relecture de deux romans de Feraoun � la lumi�re de l�approche postcoloniale. Les romans de Feraoun ne doivent pas �tre lus selon les pr�suppos�s id�ologiques de la pens�e et des st�r�otypes de la litt�rature et de la pens�e coloniale. �Feraoun avait le souci de t�moigner des siens et pour les siens�, dira l�enseignante de l�universit� de Tizi-Ouzou. � Les chemins qui montent m�ont fait gravir les plus hautes cimes de la r�conciliation. � Danielle Maoudj, de l�universit� de Corse, a �voqu� Feraoun sur un ton sensible et lyrique. Elle �voque �le vertige des interrogations�, parlant de la m�moire de son p�re, un �migr� kabyle converti au christianisme en 1916. Dans cette rencontre o� il est beaucoup question de la d�fense et de l�illustration de la figure de l�honn�te homme inh�rente au parcours et � la personnalit� de l��crivain M. Feraoun, Denise Brahimi et Nadjiba Regaieg de l�universit� de Sousse (Tunisie) proposeront une lecture crois�e de Le journal de Feraoun et o� Fanny Colonna tentera de faire une lecture compar�e du parcours de Camus et de l�auteur de La terre et le sang.