Le Soir d�Alg�rie : Comment s�est fait votre chemin vers l��criture ou peut-�tre vers l��dition ? Sma�l Grim : N��tait mon �pouse, j�aurais sans nul doute gard� en moi, enfoui en ma pudeur, et enterrer ce �coup de c�ur� pour �mon semblable, mon fr�re� Matoub Loun�s. Je lui ai tant parl� du Rebelle, fait �couter ses chansons jusqu�� l��tourdissement qu�elle �tait convaincue que je saurais le faire aimer m�me � des n�ophytes. Gr�ce � sa s�ur, libraire et critique litt�raire �m�rite, j�ai pu rencontrer Sid-Ali Sekheri qui, de go, a appr�ci� la dimension �universelle et originale� de l�ouvrage et a d�cid� de l��diter. Pour l��criture en g�n�ral, comme beaucoup de personnes, tout jeune je r�vais d��tre �Victor Hugo ou rien� et on griffonnait des textes que, vite, on �crabouillait de peur du ridicule. Vous consacrez votre livre � Matoub et, indirectement, � tous les po�tes qui se sont br�l�s les ailes � la beaut� des mots. Pourquoi Matoub ? Po�tes maudits ou po�tes au destin tragique ? Les Nerval, Pouchkine, Lord Byron, Corbi�re, Baudelaire, Poe, Verlaine, Rimbaud, Genet, Jean S�nac, ces orf�vres du mot �br�l�s � leur propre voix� ont en commun avec Matoub Loun�s cette qu�te de l�insaisissable �toile pour �chapper � la sauvagerie naturelle de l�homme. La beaut� des mots cisel�s par le po�te n�e de mots ordinaires, comme chez Loun�s. Des mots souvent inquiets, modestes, implorants ou vengeurs et rageurs. A l�instar de ces po�tes, il chante la d�sesp�rance, les t�moignages de la douleur et de la trag�die du monde � travers sa propre souffrance. Non pour se lamenter mais pour combattre et faire taire les voix criardes et haineuses de l�oppression et de l�arbitraire. Matoub ne s�est pas content� d��crire de beaux textes et les chanter, il a tent� de concilier, d�allier le plus �troitement possible le verbe et l�action, le dire et le faire. Matoub int�gre dans ses chansons non seulement les �tats fugitifs ou durables (�motions, sentiments) qui le traversent en tant qu�acteur et agent social mais aussi les situations et les personnages qu�il rencontre ou qu�il fr�quente et qu�il place dans ses textes. Matoub, � l�exemple de ces po�tes maudits, savait �qu�ils allaient mourir pour leur chim�re et n�avaient pas espoir de vaincre�, comme disait Verlaine. Vous arrivez � d�parler de Matoub en �vitant la pol�mique sur les circonstances et les auteurs de son assassinat. Estimez-vous qu�on ne parle pas assez de Matoub po�te ? Mon intention n��tait pas de parler de Loun�s d�une mani�re qui convienne ou pas � certains ou � d�autres en �vitant de pol�miquer sur son assassinat. J�ai surtout voulu mettre en �vidence, chose qu�on oublie, la port�e universelle de sa po�sie, riche et vari�e, de celle qui �jette sa flamme sur l��ternelle v�rit� et les combats multiformes qu�il a men�s pour la justice des hommes jusqu�� son dernier souffle. Quant � �l�autopsie de son assassinat�, un travail d�investigation journalistique de longue haleine, la r�tention d�informations emp�che sa r�alisation. Mais comme pour Victor Jara, le chantre de l�Unit� populaire chilienne, assassin�, dont on vient d�arr�ter un des meurtriers trente ans apr�s, la v�rit� finira par jaillir aussi pour Matoub Loun�s. Vous �tes attir� par la chanson. D�o� vient ce penchant ? Avant tout de Na Zahra, ma m�re, une inconditionnelle de Matoub qu�elle �coute jour et nuit. Peut-�tre aussi de cette Kabylie maritime d�Azeffoun, mon village natal, qui a enfant� et berc� tant de ma�tres de cha�bi et de grands musiciens (El Anka, M�rizek, El Ankis, Iguerbouchen, H�nifa, Hilmi et bien d�autres) dont je me plais � fredonner les chansons pour me ressourcer. Cette Grande Bleue, ouverture et passerelle aussi, vers la chanson fran�aise � textes des Brassens, Brel, Ferrat, Ferr� Vous venez du th��tre amateur que vous avez pratiqu� d�abord en Alg�rie puis en France. Comment fait-on du th��tre amateur aujourd�hui ? Lyc�en, avec des camarades de classe, je d�couvris la magie du th��tre dans une troupe �d�agitprop �, le Th��tre de la rue d�El Harrach qui connut un grand succ�s populaire avec deux pi�ces : Les Racines et Sens Interdit. Depuis le �virus� de la sc�ne m�habite et me suit. Je continue � pratiquer le th��tre amateur avec un groupe d�amis dont Nouredine, un ancien du Th��tre de la rue, tous b�n�voles, tout en exer�ant d�autres activit�s professionnelles. A notre actif, trois pi�ces mont�es et jou�es en France : Il �tait une fois� Si-Ahmed, Le cadavre encercl� et Veill�e autour du cadavre encercl� de Kateb Yacine. La passion du th��tre et la camaraderie restent la cheville ouvri�re du th��tre amateur aujourd�hui. Autour d�un verre d�amiti�, naissent des cr�ations th��trales qui, souvent, meurent pr�matur�ment faute de moyens et de lieux de r�p�titions. A. B. Matoub, l�assoiff� d�azur Enfin un livre sur Matoub qui ne soit pas pol�mique. Il est sorti de la passion de Sma�l Grim, un sociologue pratiquant le th��tre amateur, mordu de musique, et est publi� par les �ditions Mille-Feuilles. L�auteur ne se d�robe pas � l��clairage de la situation politique dans laquelle Loun�s Matoub a �t� assassin� en juin 1998. S�il brosse un tableau g�n�ral o� sont nettement situ�s les protagonistes de la violence politique en ces ann�es 1990, il pr�f�re n�anmoins s�attacher � suivre le destin de po�te maudit au destin tragique qui, de Rimbaud � Jean Amrouche, de Baudelaire � Victor Jara, par-del� les fronti�res, les �poques, les cultures, continue � porter le feu prom�th�en. Le regard que pose l�auteur sur Matoub est celui de l�admirateur cultiv�, friand de po�sie, sur le po�te qui lie entre les signes et chante entre les lignes. Un hommage sensible, raffin�, et gonfl� d�espoir. B. A. Sma�l Grim, Matoub, L�assoiff� d�azur, Mille- Feuilles Alger), 101 p. Biographie Sma�l Grim est n� � Azzefoun. Titulaire d�un DEA en sociologie � l�EHSS, il enseigne � Paris et �labore des manuels p�dagogiques de vulgarisation de po�sie et de th��tre. Metteur en sc�ne et com�dien de th��tre amateur, il a mont� diverses pi�ces dont Veill�es autour du cadavre encercl� de Kateb Yacine.