La litt�rature amazighe est pass�e de l�oral � l��crit, elle a aussi fait un saut � partir des contes et po�mes vers le roman et les nouvelles, a d�clar�, lors de sa conf�rence, mercredi dernier, Sa�d Chemakh, enseignant au d�partement de langue et culture amazighes de l�universit� Mouloud- Mammeri de Tizi- Ouzou. Mais elle reste tout de m�me marginalis�e � travers un lectorat limit�, le tr�s peu d�auteurs prim�s, l�absence de critique litt�raire en tamazigh et presque pas d��uvres adapt�es au cin�ma. Il reste donc beaucoup � faire, notamment de la part des pouvoirs publics mais aussi des locuteurs de langue, en vue de consolider les acquis enregistr�s au cours des derni�res d�cennies. Sa cons�cration passe obligatoirement par l��cole pour massifier son lectorat, d�velopper et diversifier davantage sa production. Ce n�est pas un constat n�gatif mais un bilan mitig� qui sollicite de gros efforts de formation et de mobilisation de moyens humains, mat�riels et financiers � investir au service de la culture amazighe en g�n�ral et de la litt�rature en particulier. Le conf�rencier qui intervenait dans le cadre de la semaine de l�amazighit� organis�e par la maison de la culture a, avant de faire un plongeon dans l�antiquit� et le Moyen-�ge � la recherche de la litt�rature ancienne, rappel� les conditions n�cessaires � la cr�ation litt�raire, � savoir la ma�trise de la langue, la connaissance de la litt�rature, la motivation sociale et psychologique. Ce dernier crit�re semble avoir fonctionn� � fond dans la renaissance ou la naissance de la litt�rature amazighe contemporaine, notamment depuis avril 1980. La litt�rature amazighe ancienne remonte tr�s loin dans l�histoire mais r�serv�e � l�usage domestique, Micipia aurait �t� de ceux qui la pratiquait, Juba II, autre exemple, aurait r�dig�, d�apr�s le conf�rencier, un texte fun�bre � l�occasion de la mort de son p�re, Massinissa. Mais le premier vrai roman amazigh on le doit � Apul�e de Madaure, selon le conf�rencier qui �voque aussi une s�rie d�auteurs berb�res latinis�s de l��re chr�tienne dont Saint Augustin, le plus c�l�bre d�entre tous. Salustre cit� par certains chercheurs affirme d�tenir ses informations sur l�Afrique du Nord des livres de langue punique d�auteurs autochtones et du roi Hiempasal II. Saint Donat et les circoncilions auraient aussi laiss� des traces d�apr�s certains sp�cialistes des questions berb�res. Notons au passage que l�histoire a retenu au moins 4 auteurs de diff�rentes disciplines avant Apul�e et une dizaine apr�s lui qui ont adopt� les langues des occupants parfois parall�lement � tamazight dont les �uvres ne sont pas parvenues jusqu�� notre �poque, d�truites au cours des conflits guerriers. Apparemment, l�histoire se r�p�te au moins sur ce plan particulier puisque le m�me ph�nom�ne est v�cu � l��poque arabo-musulmane et durant la colonisation fran�aise o� l�on compte une l�gion d��crivains, en arabe et en fran�ais. Les arabophones �taient des grammairiens, juristes, des chroniqueurs des commentateurs du Coran, par ailleurs, traduits en tamazight� Les francophones sont des romanciers, des historiens, des linguistes, des sociologues� Tout pr�s de nous, Boulifa, Taous et Jean Amrouche, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Rachid Alliche, Mohia, Sa�d Sadi ont, prenant conscience de leur identit� et de la n�cessit� de t�moigner pour l�histoire, produit des �uvres qui marquent le bond de l�oral � l��crit fait par la langue tamazight apr�s une tr�s longue nuit d�abandon, d�occultation, d�interdits, de r�pression et de m�pris visant son �limination totale du champ social. Les �claireurs de la conqu�te fran�aise et les P�res-Blancs, plus tard, qui ont collect� les contes, les r�cits, les l�gendes, les po�mes, les coutumes et autres aspects de notre patrimoine culturel, pour les besoins de leur entreprise coloniale, ne se doutaient pas que leur travail servirait un jour pour la lib�ration du pays du joug colonial. La cr�ation de la chaire berb�re en 1885, la naissance de l�acad�mie berb�re de Paris apr�s l�ind�pendance et surtout l�incomparable travail de Mouloud Mammeri sont, sans aucun doute, des �tapes importantes sur le chemin de la renaissance de la langue tamazight. Les �v�nements d�avril 1980, la gr�ve scolaire de 1995 et la trag�die de 2001 auront pour leur part r�habilit� et consacr� officiellement la pluralit� linguistique et culturelle dans le pays. Le travail n�est pas achev�, pour autant, le nombre d�enseignants et d�enseign�s demeure tr�s faible, les moyens mis par l�Etat au service de la valorisation et la promotion de la langue sont encore trop insuffisants. Le Haut-Commissariat � l�amazighit� et le Centre national de normalisation manquent de pr�rogatives, de moyens mat�riels, humains et financiers pour mener leurs missions � bien. Il faut aussi r�inventer le militantisme, la combativit� et l�union autour de cette dimension de l�identit� nationale pour atteindre progressivement les objectifs techniques, scientifiques et politiques visant � faire de tamazight une langue de travail au m�me titre que l�arabe.