L'introduction de tamazight dans le système éducatif n'est pas étrangère à l'intérêt porté par les lecteurs au livre écrit en tamazight. Il y a à peine une dizaine d'années, le nombre de livres écrits en tamazight était presque insignifiant. Même quand un livre était publié, il tombait vite dans l'oubli tant la qualité de son contenu laissait à désirer. Au départ, le livre en tamazight était limité à des recueils de piètres poèmes, écrits souvent par des jeunes, dont rares étaient ceux qui en avaient réellement le talent. Des livres publiés à compte d'auteur et distribués au porte à porte. Au fil des années, la décantation n'a pas tardé à se faire. Actuellement, seuls les livres écrits en tamazight répondant à un minimum de sérieux ont droit de cité. D'ailleurs, même les libraires professionnels sont devenus exigeants en la matière. Un livre, quand bien même est écrit en langue amazighe, n'est pas retenu par les libraires, s'il est dépourvu d'un minimum de qualité tant sur le plan technique que celui, surtout, du fond. Cette amélioration est enregistrée depuis que plusieurs éditeurs ont commencé à s'intéresser au livre amazigh. Ce n'est sans doute par militantisme ou par élan de générosité que les éditeurs ont subitement eu un faible pour le livre amazigh, loin s'en faut. Cet intérêt est né à partir du moment où la demande sur ce genre de livres s'est fait pressante. Actuellement, beaucoup d'éditeurs ont inscrit dans leurs catalogues des tas de livres en tamazight. Ali Oubelil, directeur de la maison d'édition l'«Odyssée» de Tizi Ouzou va jusqu'à révéler que le livre amazigh se vend dans la région mieux que les livres écrits dans d'autres langues. A titre d'exemple, il compare les romans en tamazight que sa maison d'édition a édités à ceux qu'il a publiés dans les autres langues. De même que les livres d'autres genres. C'est cette maison d'édition qui a fait paraître, il y a trois mois, le premier dictionnaire kabyle-kabyle. Ce livre a été réalisé par l'universitaire Kamel Bouamara, enseignant au département de langue et culture berbères de l'université Abderrahmane-Mira» de Béjaïa. Le dictionnaire, que son auteur a intitulé «Issin» (Sache), est constitué de 6000 mots. C'est un outil précieux qui peut servir aussi bien aux milliers d'étudiants ayant choisi de suivre des licences en tamazight que les élèves des différents cycles: primaire, moyen et secondaire. Avec la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe à l'ensemble des écoles primaires de la wilaya de Tizi Ouzou, ce dictionnaire vient à point nommé enrichir les bibliothèques scolaires. La même maison d'édition a publié, cette année, un roman en langue amazighe de l'un des auteurs les plus en vue, en l'occurrence Boualem Rabia. Le titre de ce roman, bien accueilli par les lecteurs, est Nnig Ussenan. Par ailleurs, de nombreux autres ouvrages ont été publiés ces dernières années et ont connu un écho très favorable de la part du lectorat amazighophone. La maison d'édition «Le savoir» ou bien «El Amel», ont permis à plusieurs auteurs, s'exprimant en tamazight, de se faire publier. Les éditions «Baghdadi» à Alger ont aussi le mérite de contribuer au lancement du livre amazigh en publiant plusieurs titres. A Béjaïa, les éditions «Tira» ont même lancé le défi de se spécialiser carrément dans le livre amazigh et selon son directeur, Brahim Tazaghart (qui est aussi écrivain), les choses vont de mieux en mieux. Des auteurs de romans en tamazight ont été primés par la Bibliothèque nationale dans le cadre du Prix de la meilleure oeuvre littéraire. Ainsi, le prix «Apulée» du meilleur roman en tamazight a été déjà décerné aux auteurs Salem Zénia, Brahim Tazaghart et Tahar Ould Amar. L'un des romanciers en tamazight les plus importants pour ne pas dire le plus important est Amar Mezdad. Ce dernier est non seulement l'auteur du plus grand nombre de romans et de recueils de nouvelles édités mais il est aussi l'un des plus talentueux. Actuellement médecin à Béjaia, Amar Mezdad est un auteur discret qui n'accorde pas d'interviews à la presse et qui n'anime pas de conférence. Comme beaucoup de grands écrivains, il préfère s'exprimer à travers ses livres qui se vendent comme des petits pains. Malheureusement, les enseignants de tamazight aux universités écrivent peu en tamazight. On pourrait citer, entre autres, le recueil de nouvelles de Said Chemakh ou bien un autre recueil de Moussa Imarazene (université de Tizi Ouzou) sans oublier les travaux de Mohand Akli Haddadou. Kamel Bouamara a aussi cosigné des ouvrages didactiques en tamazight. Dans le domaine du livre amazigh, l'apport du Haut Commissariat à l'amazighité est indéniable. Depuis le lancement de sa collection «Idlisen Negh», cette institution a réussi à publier plus de 150 livres, lesquels sont malheureusement interdits à la vente. Pour se les procurer, il faudrait impérativement avoir un contact direct avec cette institution qui les distribue gratuitement. De nombreux auteurs ont d'abord été publiés par le HCA avant d'être acceptés par un éditeur professionnel. C'est le cas de Saïd Chemakh pour son recueil de nouvelle mais aussi de la traduction en kabyle du livre Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun. Avec ce jaillissement de livres en tamazight, il reste à attendre quand cette langue ancestrale aura-t-elle une place un tant soit peu au niveau du Salon international du livre d'Alger. Une initiative commune de tous les éditeurs ayant publié des ouvrages en tamazight et des auteurs avec le concours du Haut commissariat à l'Amazighité pourrait vraiment concrétiser un tel rêve qui fera le bonheur des milliers de militants qui se sont sacrifiés pour tamazight.