Des centaines de personnes venues participer au sit-in de protestation à l'appel de l'intersyndicale autonome de la Fonction publique, ont été interpellées, hier, par les forces de l'ordre. L'action prévue à la Place des Fusillés (Alger) a été avortée par un impressionnant dispositif sécuritaire déployé dès les premières heures de la matinée. Fouilles, dispersions et embarquements, tout était permis pour que le rassemblement de l'intersyndicale «contre la détérioration du pouvoir d'achat, pour le retrait de la loi sur la retraite, la participation à l'élaboration du projet de Code du travail et la protection de libertés syndicales», n'ait pas lieu. Des camions de la police étaient stationnés à proximité de la bouche de métro et du tramway, a-t-on constaté sur place. Même les journalistes venus couvrir la manifestation ont été empêchés de faire leur travail. «Quatre leaders du mouvement, Idir Achour (Porte-parole du CLA), Lyès Merabet (président du Snpsp), Meziane Meriane (coordinateur du Snapest) et Abdelkrim Boudjenah (secrétaire général du SNTE), ont été interpelés et conduits dans différents commissariats», a-t-on appris auprès de Sadek Dziri, président de l'Unpef dont le siège a fini par abriter une conférence de presse, au lieu du sit-in. Finalement, il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que le QG de l'Unpef sis à proximité de la maison de la presse Tahar Djaout, soit à son tour assiégé par les policiers et les services de sécurité en tenue civile. Quatre bus de l'Etusa ont été réquisitionnés pour servir de moyen de transport afin de refouler l'ensemble des manifestants au-delà des frontières de la capitale. Lors du point de presse improvisé, les représentants des syndicats autonomes ont dénoncé «le musellement et l'atteinte aux libertés syndicales, pourtant garanties par la constitution algérienne». «Rana Zaâfanin ! (Nous sommes en colère)», a lancé Sadek Dziri, reprenant le fameux titre de la dernière vidéo du youtubeur Anas Tina, appelant à «la libération immédiate» des syndicalistes et tous les militants arrêtés. Devant une foule nombreuse de militants ayant envahi la salle de conférence transformée en lieu de rassemblement, il avertira que «les libertés syndicales sont en danger en Algérie». «Rana zaâfanine» De son côté, Salim Ouelha, coordinateur national du Cnapeste, dénonce «le fait que la répression va jusqu'aux sièges des syndicats». «Gravissime», regrette-t-il, ajoutant que «des jours sont inscrits en lettres noires pour la démocratie et la pratique citoyenne des libertés». Pour lui, le discours d'ouverture de dialogue et de main tendue aux syndicats «n'est qu'un leurre». Mais, la répression ne fera pas reculer les syndicats autonomes. Bien au contraire, «nous ne tairons pas», lancera Ouelha sous les ovations et les slogans scandés de «Djazaïr Horra Dimoqratia», «A Bas l'Etat policier » et «ô la honte, gouvernement sans décision !». Les représentants du syndicat des postiers Snap, des médecins praticiens Snpsp, du Satef et du CLA ont, tour à tour, exprimé quant à eux, leur colère pointant du doigt «un pouvoir qui cherche à étouffer toute voix discordante, se contentant d'un syndicat maison qu'est la centrale syndicale Ugta». Des députés du Parti des travailleurs (PT), ont tenu à se déplacer au siège de l'Unpef pour soutenir la manifestation. «Nous condamnons la violation du droit des travailleurs à manifester pacifiquement. Les services de l'ordre ont, non seulement arrêté des militants et des leaders syndicaux, mais ont été jusqu'à assiéger le bureau d'un syndicat. Nous sommes là pour exprimer notre solidarité», nous dira Nadia Chouitem, accompagnée de Ramdane Taâzibt, députés d'Alger. En fin de journée, toutes les personnes interpelées «ont été libérées» alors que les présents au siège de l'Unpef ont été conduits à la gare routière, selon Salim Ouelha du Cnapeste. Notre interlocuteur, joint par téléphone, a réitéré la détermination de l'intersyndicale à continuer le combat «surtout que la situation a atteint un seuil grave en matière d'atteinte aux libertés syndicales». Une réunion devra avoir lieu incessamment pour décider des suites à donner au mouvement. L'option d'une grève illimitée scandée, hier, par les militants venus de différentes wilayas, n'est pas à écarter.